Certains ont besoin de se focaliser sur un objectif unique, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un titre à aller chercher aux Jeux de Paris, du 26 juillet au 11 août. Enzo Lefort n’est pas de ceux-là. Ce serait même à croire que le meilleur fleurettiste français a attendu les semaines précédant l’échéance olympique pour faire étalage de tout son éclectisme. A 32 ans et malgré un genou fragilisé par l’arthrose, le triple champion du monde (deux titres en individuel, un par équipes), qui dispute, à partir du mardi 18 juin, les championnats d’Europe d’escrime à Bâle (Suisse), vit sa plus belle vie.
C’est le moment Lefort : deux expositions parisiennes de son travail photographique en cours, deux livres sortis coup sur coup, un projet de documentaire, le lancement en début d’année d’une association destinée à soutenir les jeunes sportifs ultramarins… Enzo Lefort, par ailleurs papa d’une petite fille, prépare ce qui sera très probablement ses derniers Jeux – pour lesquels il candidate pour être porte-drapeau de la délégation tricolore – en multipliant les projets.
« Je suis curieux de tout, je ne vois pourquoi je mettrais un frein à mes ambitions dans le domaine extra-sportif, lance-t-il sans forfanterie aucune. Je prépare ce moment depuis les Jeux de Tokyo et j’ai fait en sorte que tous mes projets soient en cohérence avec ce moment. Tout ce que je fais, c’est une façon d’ouvrir des portes en vue de ma reconversion. »
Sur les pistes d’escrime, le champion olympique par équipes (en 2021, à Tokyo) passe pour un créatif. Capable, à la pointe de son fleuret, d’attaques surprises pour désarmer ses adversaires. En dehors, c’est pareil. Entre deux séances d’entraînement, Enzo Lefort anime un podcast, « Le Rebond », consacré au rapport des sportifs de haut niveau à l’échec. Le Guadeloupéen est également coscénariste d’un manga autobiographique, Enzo (Blacklephant, 2022), dont le deuxième tome est paru début mai.
Mais sa grande passion, c’est la photo, argentique plutôt que numérique, un choix fait sur les conseils de sa femme, la styliste et designer française Kitesy Martin. « La pellicule est limitée à 36 poses, on ne peut pas “rafaler” comme avec le numérique. On prend plus le temps de choisir son sujet, sa composition, sa lumière, explique le touche-à-tout de l’escrime française. Ça fait six ans que je m’y suis mis sérieusement. C’est un processus que j’aime bien. »
« La photo m’aide à gérer la pression »
Au point d’avoir déjà publié quatre livres de photographies. Son dernier ouvrage, Journal d’un athlète (Fisheye, 2024, 180 pages, 40 euros), est sorti le 5 juin en librairie. Il y retrace, tel un carnet de bord, le long processus de sélection et les épreuves qui, du Mexique au Japon, en passant par l’Europe, ont permis aux fleurettistes tricolores de se qualifier pour les Jeux de Paris. Dans Behind the Mask, son premier livre – autoédité et sorti quelques mois avant les Jeux de Tokyo, en 2021 –, il s’attachait à montrer la diversité des équipes de France d’escrime, une discipline considérée à tort selon lui comme « réservée à une certaine élite ».
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