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Paris 2024 : les habitants s’inquiètent du risque de gentrification de Saint-Denis

Les équipements construits pour les Jeux provoquent une augmentation des prix de l’immobilier. La municipalité se veut rassurante.

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Publié le 20 juin 2024 à 15h00, modifié le 21 juin 2024 à 12h54

Temps de Lecture 3 min.

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Les immeubles du village olympique, situé en partie sur la commune de Saint-Denis.

La ville de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) fait peau neuve pour accueillir les Jeux olympiques de Paris 2024. Une toute nouvelle zone résidentielle est ainsi sortie de terre, à l’est de la ville, dans le quartier Pleyel-Confluence, pour recevoir une partie du village des athlètes. Celui-ci, situé également sur les communes de Saint-Ouen et de l’Ile-Saint-Denis, recevra cet été 14 500 athlètes et 9 000 para-athlètes. Il propose au total quelque 330 000 m2 de surfaces utilisables.

Ces aménagements ne sont pas définitifs, mais constituent la « phase Jeux ». A l’automne, de nouveaux travaux sont prévus pour la « phase héritage ». Les cloisons des chambres vont être démontées, les blocs de salles de bains déposés, les peintures refaites et de nouveaux parquets installés. Ce nouveau quartier devrait alors proposer 2 200 nouveaux logements, dont 800 logements familiaux et 300 logements étudiants.

Le prix moyen de ces logements est de l’ordre de 7 000 euros le m2, un prix relativement élevé pour Saint-Denis, où les prix habituels vont de 4 000 à 7 000 euros, selon un agent immobilier y travaillant. « Sept mille euros le m2 c’est pour d’excellents immeubles et d’excellentes maisons, au pied du métro et dans des rues un peu sympas, précise-t-il. Le prix des appartements du village olympique est élevé pour la ville, pour le secteur et surtout pour ce type de construction. »

« Transformation des friches »

La crainte d’une gentrification de leur ville revient souvent chez les Dionysiens. « Tous ces aménagements, avec ces nouvelles infrastructures, vont gonfler les prix, c’est certain », estiment Sarah et Joan, couple de trentenaires habitant La Plaine depuis plus de dix ans. Chloé, âgée de 23 ans et habitante de Saint-Denis depuis toujours, s’en inquiète elle aussi : « C’est sûr que ce phénomène existe. On le constate déjà dans le centre de Saint-Denis, où la population semble beaucoup plus aisée. »

La mairie de Saint-Denis se veut rassurante. « Avec les Jeux, on ne vise pas la gentrification, ce qu’on vise, c’est une ville équilibrée et durable, explique Adrien Delacroix, adjoint au maire de Saint-Denis, chargé de l’urbanisme et de l’aménagement durable. Les logements issus du village olympique n’ont pas pris la place de logements anciens. Les nouveaux projets immobiliers occupent d’anciennes friches industrielles, et c’est le modèle de développement de notre territoire d’être dans des logiques de transformation des friches. »

Pas très loin du village olympique, la tour Pleyel, ancien immeuble de bureaux, se trouve métamorphosée en hôtel de luxe, le H4 Hotel Wyndham Paris Pleyel Resort. Quant à la halle Maxwell, un ancien bâtiment industriel fermé dans les années 1980 et situé dans le périmètre du village olympique, elle a été entièrement réhabilitée pour accueillir pendant les Jeux certains bureaux du comité d’organisation et d’accueil des athlètes. Ce sera ensuite le ministère de l’intérieur qui s’y installera.

Nouveaux acquéreurs plus aisés

Un peu plus loin, dans le quartier de La Plaine, le centre aquatique olympique a été inauguré il y a tout juste deux mois. Cette imposante structure accueillera des épreuves de plongeon, de water-polo et de natation artistique. Après les Jeux, elle sera transformée en un centre d’activités multisports ouvert à tous.

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Ces perspectives suscitent des réactions mitigées de la part des Dionysiens. Certains sont optimistes, comme Abdel, un quadragénaire habitant La Plaine : « Pour le centre aquatique, ça va devenir une piscine ouverte aux Dionysiens, c’est bien. Surtout qu’à La Plaine, on est un peu en quarantaine par rapport au centre-ville. »

D’autres émettent des réserves, comme Léa, elle aussi habitante de La Plaine : « Je pense que certains aménagements comme la piscine olympique vont servir aux habitants, mais pas tous. Les logements du village olympiques qui se vendent à 7 000 euros le m2, c’est énorme ! Surtout pour la population qu’il y a ici. »

L’arrivée de nouveaux profils d’acquéreurs plus aisés a également été constatée par les agences immobilières de Saint-Denis. « Ces dernières années, il y a eu une hausse de la demande et les acheteurs ne sont pas les mêmes que par le passé. C’est une population un peu plus bourgeoise que ce à quoi on est habitués à Saint-Denis », constate un représentant de l’agence immobilière Laforêt. Selon lui, les prix des logements à Saint-Denis ont augmenté de 30 % à 40 % en cinq ans. Une hausse nettement supérieure à la moyenne en Ile-de-France, qui se situe entre 5 % à 10 %, selon le site des notaires du Grand Paris.

Pour éviter que les populations les plus modestes soient reléguées dans d’autres quartiers, la municipalité met en place des dispositifs d’accompagnement. « On utilise tous les leviers qui nous permettent de réguler le marché de l’immobilier : on a fait le choix d’entrer dans le dispositif d’encadrement des loyers depuis 2022, reprend Adrien Delacroix. On défend aussi très fortement la production de logements abordables, que ce soit en accession privée ou en accession sociale à la propriété en bail réel solidaire. On dédie plus de 20 % de notre production de logements à ce mode d’accession qui nous permet de garantir sur la durée la présence d’habitants disposant de ressources modestes et moyennes. »

Selon les agences immobilières de la commune, plutôt que les aménagements réalisés dans le cadre des Jeux de Paris 2024, c’est l’arrivée de nouvelles lignes de transport dans le cadre du Grand Paris Express qui serait le principal facteur de gentrification. « Après les Jeux, on peut s’attendre à une hausse des prix de l’immobilier provoquée par l’augmentation de la demande, surtout liée à l’amélioration de l’offre de transports en commun », dit-on à l’agence Ours L’immobilier.

La gare Saint-Denis-Pleyel, l’une des plus grandes du Grand Paris Express, constituera un carrefour entre les lignes de métro 14, 15, 16 et 17 et devrait être inaugurée le 24 juin. Saint-Denis poursuit sa transformation, sous l’œil vigilant des Dionysiens.

Opération « Terrains de Jeux »

Ce sujet a été réalisé dans le cadre du projet « Terrains de Jeux », soutenu par Visa, partenaire mondial des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

Jusqu’en novembre 2024, huit jeunes, accompagnés par les journalistes du Monde, racontent l’année olympique vue de la Seine-Saint-Denis sous forme d’articles, de vidéos et de podcasts. Ils ont été repérés par l’association Sport dans la ville dans le cadre d’un partenariat avec Visa dont l’objectif est de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes issus des quartiers prioritaires. La rédaction du Monde est responsable du choix des sujets et des contenus éditoriaux.

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