Législatives : cinq minutes pour comprendre le divorce entre François Ruffin et les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon

François Ruffin a annoncé qu’il ne siégerait pas aux côtés de La France insoumise s’il était réélu dimanche prochain au second tour des législatives. Le député sortant de la Somme a pris ses distances avec Jean-Luc Mélenchon et de son parti, il y a déjà plusieurs mois.

François Ruffin ne siégera pas avec les Insoumis à l'Assemblée nationale en cas de réélection. LP/Olivier Corsan
François Ruffin ne siégera pas avec les Insoumis à l'Assemblée nationale en cas de réélection. LP/Olivier Corsan

    La séparation n’est pas tellement une surprise, tant il avait commencé à prendre ses distances. Ce jeudi, François Ruffin a officialisé la rupture avec La France insoumise, assurant que s’il était réélu dans la 1re circonscription de la Somme à l’issue du second tour des législatives ce dimanche, il ne siégerait pas avec le parti.

    En réponse, et notamment au qualificatif de « boulet » employé par Ruffin pour le qualifier, Jean-Luc Mélenchon a ironisé ce jeudi soir sur TF1 : « 19 personnes insoumises ont été élues dès le premier tour. Alors il y a pire boulet ». Et d’estimer que ces législatives « aussi dangereuses » ne sont « pas le moment de régler ses comptes ». Le leader insoumis lançant même au député dont la réélection n’est pas acquise : « Il y a une règle de météo politique. Quand le vent souffle fort, il emporte aussi les girouettes ».

    Que s’est-il passé ?

    François Ruffin, député sortant de la 1re circonscription de la Somme, se présente à sa succession lors de ces législatives anticipées. Soutenu par le Nouveau Front populaire - l’alliance de gauche regroupant LFI, EELV, le PS et le PCF - il est arrivé deuxième (33,92 %) dimanche dernier, derrière une candidate du RN.

    Lors des deux précédentes mandatures, il avait été élu sous la bannière Picardie Debout d’abord, puis Nupes ensuite, avec, dans les deux cas, le simple soutien de LFI. Et c’est auprès de ce groupe qu’il siégeait dans l’Hémicycle. Mais ce jeudi, il a assuré sur RTL qu’il était « parti » du mouvement et que « sa place » ne serait donc plus à ses côtés au sein de l’Assemblée nationale en cas de réélection.

    Auprès de l’AFP, le même jour, il a jugé que les électeurs de sa circonscription « n’entendaient pas assez » le « profond désaccord » exprimé contre Jean-Luc Mélenchon. Alors il a décidé d’être on ne peut plus clair : « On coupe les ponts, et on y va (…) avec indépendance ».

    Des distances prises dès le début des législatives

    François Ruffin, qui s’exprime régulièrement sur les réseaux sociaux, a commencé à montrer son agacement dès le 15 juin, en pleine période de dépôt des candidatures pour le premier tour des élections législatives anticipées. Au message de La France Insoumise assurant qu’il était l’un des candidats soutenu par le Nouveau Front populaire, le député sortant de la Somme a répondu qu’il n’avait « demandé aucune investiture, aucune autorisation » pour se présenter à sa succession.



    Il a au passage dénoncé le « sectarisme » de ce qui était jusque-là son groupe à l’Assemblée et critiqué le choix des Insoumis de soutenir « un homme qui frappe sa femme » - une référence à peine déguisée à Adrien Quatennens - mais pas « des camarades qui ont l’impudence d’avoir un désaccord avec le grand chef », évoquant cette fois plusieurs députés sortants qui n’ont pas été réinvestis officiellement, comme Alexis Corbière, Raquel Garrido ou Danielle Simonnet.

    Une façon d’acter, déjà, une forme de rupture avec Jean-Luc Mélenchon, accusé d’être l’instigateur de cette « purge ». L’ancien candidat à la présidentielle s’est défendu, assurant que « les investitures à vie » n’existaient pas. Mais les profils des écartés, pourtant figures historiques du parti, correspondent à ceux qui ont ouvertement critiqué le leader et dénoncé un manque de démocratie au sein du mouvement.

    Mélenchon dans le viseur de Ruffin

    La relation entre les deux hommes a commencé à se distendre en 2022, après un nouvel échec de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle. Quelques mois après, François Ruffin a tenté d’analyser la défaite de la gauche dans son livre « Je vous écris de la Somme », critiquant çà et là la façon de faire de LFI. Et proposant, surtout, une stratégie politique bien éloignée de celle du leader insoumis. Après l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre dernier, l’ancien député de la Somme s’est encore un peu plus éloigné de la doctrine du parti mélenchoniste.

    VidéoLégislatives : Ruffin traite Mélenchon de « boulet » après avoir quitté LFI

    Au-delà du fond, c’est aussi une question de rivalité qui oppose Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin. Le duel s’est un peu plus dessiné avant le premier tour des élections législatives 2024. Car tous deux estimaient avoir les épaules pour devenir Premier ministre, si la gauche parvenait à obtenir la majorité à l’Assemblée nationale.

    François Ruffin ne retient plus ses coups contre Jean-Luc Mélenchon depuis que la gauche a réussi à former une alliance, quelques jours seulement après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale. « Boulet », « obstacle au vote »… les qualificatifs ne manquent pas. Mi-juin, l’Amiénois trouvait déjà que le « retrait » annoncé du triple candidat à la présidentielle de la campagne des législatives était « une bonne chose ».

    « Mes désaccords avec Jean-Luc Mélenchon sont connus, ils sont profonds sur la démocratie, sur le bruit et la fureur plutôt que la force tranquille », a-t-il précisé sur RTL ce jeudi. La rupture est consommée.