Premier ministre, composition du gouvernement… Qui veut censurer qui ?

Le centre, la droite et l’extrême droite ont multiplié ces derniers jours les promesses de motion de censure à l’égard d’un potentiel gouvernement de gauche.

La présence de ministres LFI dans un éventuel gouvernement suscite la vive opposition de plusieurs partis politiques. LP/ Jean-Baptiste Quentin
La présence de ministres LFI dans un éventuel gouvernement suscite la vive opposition de plusieurs partis politiques. LP/ Jean-Baptiste Quentin

    Alors que les leaders du Nouveau Front populaire ne se sont toujours pas mis d’accord sur un nom à proposer pour la fonction de Premier ministre, le centre, la droite et l’extrême droite ont multiplié ces derniers jours les promesses de motion de censure à l’égard d’un potentiel gouvernement de gauche. Un peu tôt, alors que sa désignation n’aura peut-être pas lieu avant la rentrée, après les Jeux olympiques ? « Ces menaces font partie du jeu des négociations », contextualise le politologue Luc Rouban.

    Concrètement, le dépôt d’une motion de censure pour faire tomber le gouvernement nécessite la signature de seulement un dixième des membres de l’Assemblée nationale (58 députés). Mais son adoption demande un soutien beaucoup plus massif : la majorité absolue de l’Assemblée nationale, soit 289 sièges ou plus. Alors, qui veut censurer qui, et qui peut espérer réellement faire tomber ses adversaires ?

    Les Insoumis assaillis de menaces

    Les Insoumis ont proposé une liste de candidats à la tête du gouvernement : le coordinateur national, Manuel Bompard ; la coprésidente de l’Institut La Boétie et députée du Val-de-Marne, Clémence Guetté ; la présidente du groupe à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot ; et le fondateur du mouvement, Jean-Luc Mélenchon. Mais ceux qui disputent le leadership de la gauche aux socialistes, qui préféreraient nommer Olivier Faure, sont aussi ceux qui suscitent le plus de rejet en dehors du NFP.

    Invitée ce vendredi sur franceinfo, la députée Renaissance des Yvelines Aurore Bergé a d’ores et déjà averti que « si demain un gouvernement venait à être formé avec, en son sein, ne serait-ce qu’un seul secrétaire d’État de La France insoumise, (les députés Renaissance déposeront) immédiatement une motion de censure ».



    À droite, le président du groupe « La droite républicaine » Laurent Wauquiez a également déclaré que « tout gouvernement qui comporterait des ministres de La France insoumise fera l’objet immédiatement l’objet (…) du vote d’une motion de censure » mercredi lors d’une conférence de presse devant l’Assemblée nationale.

    Le lendemain, le président du Sénat Gérard Larcher est allé encore plus loin sur BFMTV, appelant à censurer un gouvernement issu du Nouveau Front populaire, tout comme le président des Républicains à la chambre haute du Parlement, Bruno Retailleau au micro d’Europe 1. Reste à voir si les Républicains déposeront leur propre motion, où s’ils voteront celle des députés Renaissance : pour le moment, il n’est pas encore certain que leur groupe sera en mesure de réunir suffisamment de signatures (il en faut au moins 58).

    À l’extrême droite, le Rassemblement National s’oppose aussi à l’entrée des Insoumis au gouvernement, mais pas que. « Le groupe RN censurera tout gouvernement où des LFI et des écologistes auraient des responsabilités ministérielles », a affirmé Marine Le Pen jeudi soir. Sur ce point, le parti d’extrême droite peut compter sur un allié : Gérald Darmanin, résolu à être « le premier signataire » d’une mention de censure si Marine Tondelier ou Sandrine Rousseau venaient à participer au gouvernement - même s’il est peu probable qu’une telle initiative rassemble la majorité absolue.

    Des alliances incertaines

    En résumé, les députés du Rassemblement national, de la droite et du camp présidentiel sont suffisamment nombreux pour faire tomber un gouvernement formé par un Premier ministre issu de la France insoumise. Un Premier ministre issu des rangs socialistes a plus de chance de passer, puisque les députés élus sous la bannière Renaissance ont souhaité ce mercredi 10 juillet qu’une « coalition de projet allant des sociaux-démocrates à la droite de gouvernement » émerge de la nouvelle Assemblée nationale élue dimanche.

    VidéoLe socialiste Olivier Faure se dit «prêt à assumer» la fonction de Premier ministre

    Pour autant, est-ce que le centre droit et l’extrême droite voteraient de concert pour exclure la France insoumise du gouvernement ? Le RN n’a pas hésité à voter des motions de censures déposées par les Insoumis par le passé, il est donc peu vraisemblable qu’il ait davantage de scrupules concernant le camp macroniste. À l’inverse, lors de l’examen de réforme des retraites, les députés Renaissance avaient beaucoup critiqué le fait que la gauche présente des motions de censures soutenues par le parti d’extrême droite. L’ex-présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, les avait même accusés de vouloir faire un « programme commun » ; le vote d’une motion du Rassemblement national la confronterait à ses contradictions.

    La gauche met en garde contre un « coup de force démocratique »

    De l’autre côté, que fait la gauche ? À ce stade, le Nouveau Front populaire (NFP) ne parle pas de censurer qui que ce soit et se réfère à l’usage qui veut que le président nomme un Premier ministre issu du camp arrivé en tête des élections législatives. Ses représentants affirment qu’il serait « démocratiquement inacceptable » de ne pas choisir une personnalité issue du Nouveau Front populaire, dénonçant un « coup de force démocratique » auquel le NFP s’opposerait « de toutes ses forces ».

    À l’Assemblée nationale, la gauche aurait suffisamment de députés pour déposer une motion de censure contre un gouvernement de droite ou de centre droit, mais elle est loin de la majorité absolue nécessaire pour la faire adopter.

    Le Rassemblement national n’a pas dit qu’il voterait contre un gouvernement de centre droit ou de droite, « mais il est encore trop tôt pour avoir la moindre certitude sur le sujet », estime Luc Rouban. « Un scénario similaire à celui de la quatrième République, avec des blocs politiques qui passent leur temps à faire tomber le gouvernement, à s’opposer aux propositions de loi des uns et des autres » est loin d’être écarté selon le politologue, qui appelle toutefois à faire preuve de prudence dans les pronostics en attendant la nomination du Premier ministre.



    Alors que Manuel Bompard s’est prononcé contre la « grande marche populaire » vers Matignon proposée par l’ex-député LFI Adrien Quatennens pour faire pression sur le gouvernement, le Nouveau Front populaire peut en tout cas compter sur le soutien de certaines forces issues de la société civile : la CGT cheminots et l’Ong Attac appellent à un rassemblement devant la chambre basse du Parlement le 18 juillet, premier jour de sa nouvelle législature, pour exiger un Premier ministre de gauche.