La paléoclimatologie pour prédire les évolutions du climat

Cette discipline scientifique étudie la météo sur plusieurs années.

La paléoclimatologie pour prédire les évolutions du climat

    La paléoclimatologie est l'étude des climats passés et de leurs variations au fil du temps. On pourrait comparer la démarche à celle d'une étude météo sur plusieurs milliers d'années. Comme sa cousine l'archéologie, la paléoclimatologie est une science de terrain autant que de laboratoire.

    Comment ça marche ?

    Apparue dans les années 60 grâce à l'introduction de nouvelles méthodes d'analyses physiques ou chimiques, la paléoclimatologie a pour objectif de reconstituer les climats passés avec la plus grande précision possible. Pour cela, les chercheurs ont recours à diverses méthodes, comme la collecte d'échantillons de glace des pôles et de sédiments marins.

    Forée profondément, la glace contient des bulles d'air qui permettent d'étudier la composition atmosphérique et les variations de l'effet, tandis que les sédiments marins renseignent sur l'évolution des grands courants marins (notamment en terme de changements de salinité et de niveau de la mer).

    Un travail d'enquêteur

    « Ces données permettent de remonter le temps presque jusqu'au début de l'histoire de la Terre, avec des informations de plus en plus précises pour les derniers millions d'années, qui s'affine pour les derniers 2 000 à une échelle régionale ! », nous explique Valérie Masson-Delmotte, chercheuse au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE). Pour cette passionnée, aucun doute, c'est un vrai travail d'enquêteur avec reconstitutions et simulations au programme.

    Par exemple, il est possible de retracer les variations climatiques en France sur les derniers 500 ans grâce aux anneaux de troncs d'arbres. Cette méthode fonctionne sur des arbres encore vivants mais aussi pour les poutres de très anciennes bâtisses. Les chercheurs se sont donc intéressés aux poutres de châteaux (comme celui de Fontainebleau) qui en fonction de certains critères (épaisseur, densité, abondance d'oxygèneâ?¦) permettent une grande précision des données.

    Des données géologiques autant qu'humaines

    La nature n'est pas la seule source d'informations. Grâce à des documents historiques de toute provenance, il est possible de reconstituer les variations de températures ou de précipitations et ainsi de générer des statistiques à partir de ces informations. Pour Mme Masson-Delmotte, « chaque nouvelle information représente une pièce de puzzle, qui, combinée aux autres, permet petit à petit d'avoir des connaissances plus approfondies ».

    A peu près tout ce qui concerne les climats de près ou de loin est étudié, et l'histoire de l'être humain ne fait pas figure d'exception, puisque l'on peut ainsi retracer les températures annuelles des vendanges sur 800 ans dans certaines régions, comme la Bourgogne. En se basant sur les dates des vendanges mentionnées dans de nombreuses sources historiques, les données récoltées (floraison, maturation des fruits, etc.) fournissent une aide non négligeable au travail de recherche.

    De la même façon, la paléoclimatologie apporte une pierre à l'édifice historique en permettant d'étudier certaines populations, puisque de petites variations peuvent avoir un impact sur leur évolution. Ce fut le cas pour les Vikings, lorsqu'ils s'installèrent au Groenland par un climat médiéval doux, qui par la suite s'est refroidi, accélérant du même coup leur disparition.

    Prédire les évolutions climatiques

    Combinées ensemble, toutes ces données permettent une étude très précise des climats passés, avant que l'influence humaine ne devienne prépondérante. « Il est capital de connaître et de comprendre les variations naturelles du climat, selon Mme Masson-Delmotte, pour en connaître les causes naturelles "normales" et l'influence humaine "anormale" ». Les chercheurs ont ainsi pu déterminer les deux plus gros facteurs naturels de variations atmosphériques pour le dernier millénaire : l'activité volcanique et, en second lieu, l'activité solaire. Cette connaissance pourrait, à terme, permettre de tester virtuellement (par ordinateur) des modèles de climat futur. Et pouvoir ensuite agir sur les évolutions climatiques.

    La paléoclimatologie donne également un repère historique des climats. Comment savoir si le réchauffement climatique est alarmant, si l'on ne connaît pas son évolution passée ? Voilà la question à laquelle répondre. Et cette réponse est inquiétante. La montée du niveau des mers est exceptionnelle sur plus de 1 500 ans, tout comme le réchauffement.

    Verdict sans appel

    En guise de comparaison, la différence de température entre une période glaciaire et une période chaude est de 5°C, et se produit au rythme d'1°C tous les 1 000 ans, alors que la température actuelle a grimpé de 0,85°C depuis la fin du 19e siècle, en à peine 100 ans donc.

    Le verdict est sans appel : à moins de laisser les énergies fossiles de côté ou de trouver un moyen de les exploiter sans créer d'effet de serre, nous assisterons à un réchauffement supplémentaire de 4°C d'ici à 2 100, soit un total de 5°C en 200 ans. Un record exceptionnel puisque cette température n'a pas été atteinte depuis plusieurs millions d'années.

    S'il s'agit d'une science discrète, la paléoclimatologie pourrait donc bien entrer sur le devant de la scène dans les prochaines décennies.