« Comme un champ de paille » : cinq minutes pour comprendre les incendies historiques au Canada

Depuis plusieurs mois, le Canada est en proie à des mégafeux de forêt sans précédent, liés à une importante sécheresse et des températures élevées. Les secours peinent à endiguer les flammes, qui ne cessent de progresser.

Vue aérienne des incendies faisant rage dans les forêts de Tomias Moutain, dans la province de Colombie-Britannique, la plus à l'ouest du Canada, ici le 24 juin 2023. Icon Sport / BC Wildfire Service
Vue aérienne des incendies faisant rage dans les forêts de Tomias Moutain, dans la province de Colombie-Britannique, la plus à l'ouest du Canada, ici le 24 juin 2023. Icon Sport / BC Wildfire Service

    Aucun répit depuis le mois de mai. Au Canada, les sapeurs-pompiers luttent depuis plusieurs mois contre des mégafeux de forêt d’une ampleur inédite. D’est en ouest, la végétation de plusieurs provinces est consumée par les flammes qui ne cessent de progresser. Près de 168 000 personnes ont dû être évacuées depuis le début des opérations.

    Selon le Centre interservices des feux de forêt du Canada (CIFFC), à la date du 16 août, plus de 13,7 millions d’hectares sont partis en fumée depuis le début de l’année. Un chiffre jamais atteint : le précédent record datait de 1989, avec 7,3 millions d’hectares brûlés dans l’année. Les pompiers ne sont pas encore au bout de leurs peines, car un millier de foyers sont encore actifs à ce jour à travers le territoire, et la saison des feux n’est pas terminée.



    Où se sont déclarés les feux de forêt ?

    Les premiers mégafeux ont démarré de façon précoce début mai, dans la province de l’Alberta, à l’ouest du pays. Un mois plus tard, un gigantesque brasier s’est déclaré en Nouvelle-Écosse, à l’est. Puis c’est la Colombie-Britannique, au nord-ouest, qui a été durement frappée au début de l’été. Simultanément à l’est, des incendies records ont été observés au Québec en juillet.

    Depuis quelques jours, les feux accablent les Territoires du Nord-Ouest. Les autorités de la principale ville, Yellowknife, ont décrété l’état d’urgence mardi et ordonné aux habitants d’évacuer d’ici vendredi midi. Plus de 230 feux sont actuellement actifs dans cette province.

    Ces incendies ont été d’autant plus remarqués que les panaches de fumées se sont répandus à d’autres pays. Aux États-Unis, New York a été envahi plusieurs jours sous un suffoquant et épais brouillard orange et marron. Certaines fumées ont même été visibles depuis l’Europe fin juin, notamment dans le sud de la France.

    Par quoi ont-ils été provoqués ?

    Le Canada est habitué aux feux de forêts, dont la saison débute généralement en mai. Mais cette année, les conditions étaient réunies pour des situations particulièrement intenses. Le pays connaît un état de sécheresse sévère depuis le début de l’année, avec très peu de précipitations et des températures particulièrement élevées.

    « La végétation est en stress hydrique, c’est-à-dire en forte pénurie d’eau, explique Églantine Goux-Cottin, présidente directrice de l’ICEF (Ingénieure conseils en environnement et foresterie). C’est comme un champ de paille, à la moindre étincelle, ça devient un brasier de grande ampleur encore plus compliqué à éteindre. » Cette étincelle peut être provoquée par une action humaine (mégot de cigarette, feu de camp, malveillance…) ou par un facteur météorologique comme la foudre, ce qui a été le cas au Canada.

    Le pays, par sa situation géographique, se réchauffe plus vite que le reste de la planète. Il est confronté ces dernières années à des événements météorologiques extrêmes dont l’intensité et la fréquence sont inexorablement accrues par le changement climatique. Cette saison des feux est « la pire jamais enregistrée », a toutefois alerté le gouvernement canadien.

    Pourquoi sont-ils difficilement maîtrisables ?

    C’est principalement la forêt boréale, constituée essentiellement de conifères, qui part en fumée. La végétation « y brûle plus vite que celle des forêts tempérées », fait savoir Églantine Goux-Cottin. L’ampleur et la multitude inouïes des brasiers, ajouté au fait que les zones touchées sont très enclavées, ont contraint les autorités à en laisser brûler la majorité et à n’intervenir que sur les feux les plus menaçants pour la population et les industries.

    D’autant plus que le Canada souffre d’un manque d’effectifs. Même si les sapeurs-pompiers sont épaulés par les forces armées canadiennes et l’aide internationale, cela ne suffit pas à endiguer tous les sinistres. Depuis mai, près de 5 000 pompiers provenant de 12 pays sont venus en renfort, notamment d’Afrique du Sud, d’Australie, de Nouvelle-Zélande et des États-Unis. La France avait également envoyé une centaine de soldats du feu et des experts.



    Quel est l’impact sur l’environnement ?

    La particularité de la forêt boréale, c’est qu’il s’agit de « l’écosystème qui injecte le plus de dioxyde de carbone lorsqu’il brûle », indique Églantine Goux-Cottin, ce qui contribue fortement au réchauffement climatique. Selon les données de l’observatoire européen Copernicus publiées début août, « les émissions totales des feux de forêts au Canada se situent environ à 290 mégatonnes (de carbone), alors que le précédent record, enregistré en 2014, était de 138 mégatonnes ».

    Les autorités canadiennes ont quant à elles estimé les émissions de dioxyde de carbone à plus d’un milliard de tonnes, du jamais-vu. Ces chiffres ne sont que provisoires. Le risque d’incendie devrait encore être « supérieur à la normale » jusqu’en septembre, a alerté Michael Norton, directeur général du service canadien des forêts.