JO Paris 2024 : l’eau de la Seine est-elle responsable des vomissements d’un triathlète à l’arrivée ?

De nombreux internautes ont déclaré en masse la Seine coupable d’avoir rendu malade un athlète pendant le triathlon mercredi. Une hypothèse démentie par la communauté scientifique et le sportif directement concerné.

    « Le triathlète canadien Tyler Mislawchuk, qui a plongé dans la Seine ce matin, a déclaré avoir vomi 10 fois ». Ce titre épinglé à la vidéo où l’on voit ledit athlète en train de vomir après l’épreuve du triathlon de mercredi, a fait le tour des réseaux sociaux en quelques heures. Dans les commentaires, des milliers d’internautes associent son état de santé à la qualité de l’eau du fleuve où il venait de plonger.

    Des spéculations que l’on peut mettre sur le compte des différentes annulations d’entraînements et d’épreuves ces derniers jours. En effet, dimanche et lundi, les deux « familiarisations » prévues dans le fleuve sont tombées à l’eau puis l’épreuve qui devait se tenir mardi a finalement été reportée au mercredi. En cause, l’eau trop polluée par les pluies abondantes qui se sont abattues sur la capitale et en amont les jours précédents.

    « Les délais sont trop courts »

    Alors oui, « la trop forte présence de bactéries Escherichia coli peut entraîner des pathologies légères comme des gastro-entérites, conjonctivites ou des infections plus graves du type staphylocoque », confirme Lucie Segalas, cheffe de projet sport et environnement chez Surfrider, ONG qui effectue des prélèvements toutes les deux semaines.

    Ce mercredi, les prélèvements de l’organisation des JO et de l’État comptabilisaient « autour de 500 à 600 E. coli pour 100 ml, alors que la limite est de 1 000 », précisait au Parisien le préfet de région, Marc Guillaume.



    Peut-on pour autant faire le lien entre les vomissements de Tyler Mislawchuk et la qualité du fleuve ? Il semblerait bien que non d’après les experts en santé et le triathlète lui-même. Dans une interview après sa course, le Canadien admet avoir vomi à plusieurs reprises pendant sa course et après.

    S’il précise que ce n’est pas « habituel » pour lui, le sportif assure que « ça arrive parfois » avant de balayer la polémique d’un revers de main. « Il se trouve que j’ai avalé beaucoup d’eau pendant l’épreuve, mais ça n’a rien à voir avec la qualité. C’est simplement que mon estomac était rempli et ça m’a ralenti pendant la course. Ajoutez à ça les 1h40 pendant lesquels vous donnez tout, des choses vont forcément se passer. » Un effort intense sous de fortes chaleurs a pu amener à ces vomissements.

    Et il n’est pas le seul à exclure la Seine de la liste des coupables. « Les délais entre la nage et les vomissements sont trop courts pour que cela soit lié avec l’eau. Selon le type d’E. Coli, on peut être amené à vomir quelques heures ou jours après l’exposition », insiste Michaël Rochoy, médecin généraliste.

    Marie-José Perec vomissait après ses 400 m

    L’intensité et les conditions de la course seraient bien les fautrices de troubles dans cette histoire. « C’est un problème purement mécanique. Toute son énergie était envoyée dans ses muscles, ce qui laisse peu de sang à envoyer vers son estomac, indique le spécialiste. Il est très fréquent pour les sportifs d’être pris de diarrhée et de colites pendant les efforts. »

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    La physiologie de l’effort explique également ce phénomène. « Les athlètes ont tendance à accélérer sur les derniers kilomètres ce qui fait énormément monter l’acide lactique. Quand il s’accumule, ça créé des intolérances », détaille Jean-Bernard Fabre, docteur en physiologie des sports. « C’est ce qu’il se passait avec Marie-José Pérec qui vomissait après chaque 400 m », ajoute-t-il.

    Sans parler du stress qu’inflige une telle compétition, la température caniculaire de mercredi joue aussi un rôle. « Normalement les athlètes sont acclimatés grâce à des bains chauds, ils s’entraînent en se couvrant… Mais là les températures ont vraiment beaucoup varié en quelques jours, c’est très dur pour le corps de s’adapter », complète le docteur qui s’étonne même que « plus d’athlètes n’aient pas été (plus) malades ».

    Des résultats « encore meilleurs que la veille »

    Malgré tout, il faudra attendre de voir si des athlètes souffrent de symptômes dans les jours qui viennent pour affirmer que la Seine n’a pas causé de maladie… Certains s’inquiètent notamment de la véracité des prélèvements le jour J. En effet, pour acter la baignabilité du fleuve, la fédération internationale de triathlon se base sur ses résultats les plus récents, c’est-à-dire ceux des relevés de la veille.

    Des craintes qui viennent d’être levées par l’organisation qui a dévoilé, ce jeudi, les analyses effectuées mercredi entre 5h10 et 6 heures (juste avant la course) : « Les résultats étaient encore meilleurs que ceux de la veille », a félicité Pierre Rabadan, adjoint à la maire de Paris chargé du Sport et des Jeux olympiques.



    Concernant une possible immunité des triathlètes aux eaux polluées, il ne faut pas compter dessus martèle Michaël Rochoy : « Même s’ils se baignent dans des eaux avec un taux de bactéries plus élevées, il y a trop de germes différents pour développer une immunité. S’ils sont moins malades, c’est simplement parce que ce sont des sportifs, jeunes, avec un bon système immunitaire. » Des triathlètes qui retourneront à l’eau dès ce lundi 5 août (normalement).