14 juillet 1980 : la météo (pourrie) et Le Parisien, une histoire sans nuage…

80 ANS PARISIEN. Depuis sa création, Le Parisien n’a jamais négligé l’actualité météorologique. Une évidence pour un journal soucieux de rester proche des Français et des sujets de conversation qui les animent au quotidien. Un sujet traité de la plus sérieuse des manières, à l’exception des années 2000, où quelques libertés de ton ont été prises.

14 juillet 1980, «un centenaire bien (trop) arrosé», titre Le Parisien à sa une. Le Parisien-DA
14 juillet 1980, «un centenaire bien (trop) arrosé», titre Le Parisien à sa une. Le Parisien-DA

Notre rendez-vous anniversaire « 80 ans du Parisien, 80 unes »

Le tout premier numéro du Parisien paraît le 22 août 1944, en pleine libération de Paris. Pour célébrer cet anniversaire, nous vous avons sélectionné 80 « unes » historiques ou emblématiques de leur époque. Sport, faits divers, conquête spatiale, élections présidentielles, disparitions de stars… Elles racontent huit décennies d’actualité. Nous avons choisi de vous en raconter les coulisses. Une série à découvrir jusqu’à la fin de l’année.

« Mesdames, mesdemoiselles et messieurs, bonjour, ici Paris. Paris sous la pluie, Paris sous les nuages, mais heureusement les vannes du ciel se sont fermées depuis hier, et s’il crachine, il ne pleut pas. » Ce 14 juillet 1980, Léon Zitrone a beau faire tous les efforts du monde pour embellir la situation, au micro d’Antenne 2 (l’ancien nom de la chaîne publique France 2), à l’entame de la couverture télévisée du traditionnel défilé militaire, tout le monde ne parle que de ça. Un temps pourri gâche la fête, trempe les uniformes des hommes en armes sur les Champs-Élysées, comme il a déjà gâché le début des vacances des juillettistes et tout le mois de juin.

Le Parisien, lui, ne lutte pas contre cette évidence. Ce 14 juillet est certes particulier, et même historique puisque c’est celui du centenaire du défilé. Il est aussi celui pendant lequel le fusil d’assaut qui équipe toujours nos fantassins, le Famas, est pour la première fois présenté au grand public. Mais rien n’y fait. Notre journal fait le choix de la raison populaire et met en une ce qui obnubile les Français depuis de trop longues semaines.

Sous le titre « Un centenaire bien (trop) arrosé », une photo illustre la désolation ambiante : la plage de Deauville est quasi déserte, et « les parasols repliés sont autant de piquets de grève… cette grève du soleil qui dure maintenant depuis plus de six semaines », peut-on lire dans le texte qui accompagne l’illustration.

Un canard qui ne mégote jamais sur le temps qu’il fait

Le ciel et ses caprices. Les sautes d’humeur du thermomètre. Les nuages noirs et leurs déluges parfois orageux ou encore la neige, applaudie par les skieurs et honnie par les mêmes quand elle vient se glisser sur le bitume de leur trajet aux sports d’hiver. Si Le Parisien est connu pour être un quotidien à la pointe des faits divers et de l’actualité locale en Île-de-France, pour ne jamais passer à côté d’un scoop sur le PSG, il ne mégote également jamais sur la météo.

Le sujet est central, discuté au comptoir des bistrots franciliens où le journal est feuilleté et passe de main en main. C’est donc en toute logique que les éléments militaires, pourtant détaillés par Léon Zitrone tout au long de ce défilé centenaire, passent à la trappe du choix rédactionnel du quotidien préféré des Franciliens.



Cette attention particulière ne va jamais s’affaiblir. Elle va même prendre une tournure inattendue à l’aube des années 2000. Le directeur de la rédaction de l’époque, Christian de Villeneuve, est alors connu pour cultiver l’art du pas de côté. Il adore surprendre son monde, sa rédaction mais aussi ses lecteurs, avec des unes et des « faits du jour » (le sujet traité dans les deux premières pages du journal) parfois très décalés par rapport à l’actualité couverte par les autres médias.

« J’avais été responsable, pendant dix ans, des pages départementales du journal puis, brièvement, des pages d’Aujourd’hui en France, se souvient Jean-Luc Normand, ancien rédacteur en chef, parti à la retraite en 2016. Christian m’a proposé de réfléchir à une nouvelle manière de présenter la météo, qu’il trouvait un peu trop classique et rébarbative. Je lui ai fait deux ou trois propositions, dont une basée sur un ton humoristique. Il m’a dit : Tu peux y aller et te lâcher. Je n’ai pas hésité ! »

Jeux de mots et humour potache

Le résultat, publié en dernière page pendant presque dix ans à côté de l’horoscope, fait le régal des amateurs de calembours, de jeux de mots plus ou moins fins et d’humour potache. Le temps qu’il allait faire dans la journée, celle du lendemain et la semaine suivante se lit comme on déguste un bonbon acidulé. Toujours bien informé, mais avec une liberté de ton que Jean-Luc Normand se fait alors une joie et un devoir de transmettre à la poignée de jeunes journalistes qui débutent sous son aile.



L’aventure prend fin moins d’une décennie plus tard. La formule s’épuise petit à petit et des économies s’imposent. « Le nouveau directeur de la rédaction, arrivé en janvier 2010, a trouvé qu’un rédacteur en chef et deux journalistes, c’était un peu trop pour faire des bons mots avec la météo », rigole aujourd’hui Jean-Luc Normand.

À la même époque, la tâche d’écrire la météo dans les pages intérieures et d’actualité revient aux journalistes de « Vivre mieux », comme on appelle alors le service « Société » du Parisien, quand cette dernière vient à offrir quelques soubresauts, positifs ou négatifs. « On a fait quelques unes et Faits du jour qui étaient certes très lus mais peut-être un peu trop exagérés parfois, reconnaît un ancien rédacteur du service. On pouvait s’emballer pour quelques degrés de trop ou de moins et c’était devenu, pour certains de nos confrères, un sujet de moquerie. Certains lecteurs n’étaient pas forcément non plus très emballés par ces choix météo. Je me souviens de certains courriers qui n’hésitaient pas à nous reprendre sur le thème : Eh oui, il fait très froid et il neige… ça, c’est de l’info, surtout en plein hiver ! »

Avec le réchauffement climatique, fini la rigolade

L’heure n’est désormais plus aux boutades avec un climat qui se dérègle de toutes parts. La canicule de l’été 2003 a donné le top départ d’une prise de conscience médiatique. La sécheresse historique de l’été 2022 a encore davantage changé la donne dans les rédactions. Une photo choc de la Loire, quasiment sans eau, s’affiche ainsi à la une du 14 août.

Plus question désormais de se réjouir, comme il y a vingt ans, d’une chaleur excessive, estivale ou printanière, sur le ton de « on va pouvoir en profiter ». Comme certains de nos confrères, les journalistes du Parisien n’abordent plus la chaleur d’une façon systématiquement positive.

Les accès de fièvre du thermomètre ne sont plus accompagnés de photos de gens en maillot se dorant la pilule au soleil ou dégustant des cornets de glace sur le front de mer, comme sur cette une du 26 juillet 2006, où l’on voit des Parisiens harassés de chaleur devant la tour Eiffel. Le chiffre 36 °C à l’ombre barre la une avec la mention « Paris fournaise ». C’est même 38 °C à Carpentras (Vaucluse), comme le montre notre édition nationale Aujourd’hui en France. Le réchauffement est passé par là, fini la rigolade.