Le phénomène des «tiers lieux» se fait une place dans l’Oise

L’une de ces structures, qui favorisent la créativité et les projets collectifs pour répondre à des enjeux de société, vient d’être distinguée par le gouvernement à Autrêches.

 Autrêches. Dans sa ferme d’entrepreneurs, l’Hermitage accueille Ecol’aux mousses, un brasseur pédagogique.
Autrêches. Dans sa ferme d’entrepreneurs, l’Hermitage accueille Ecol’aux mousses, un brasseur pédagogique. LP/Cindy Belhomme

    C'est un espace collaboratif et pluridisciplinaire. Un écosystème d'innovations niché sur les hauteurs d'Autrêches, un petit village situé près d'Attichy, à la frontière de l'Aisne. Un lieu hors du temps et pourtant au cœur des préoccupations d'aujourd'hui et de demain.

    L'Hermitage, de son petit nom, vient d'obtenir une distinction du gouvernement, dans le cadre de l'Agenda rural. Le premier comité interministériel aux ruralités a en effet labellisé 30 nouvelles « fabriques de territoire » dont celle d'Autrêches.

    À quoi cela ressemble ?

    Le terme « tiers lieu » vient de l'anglais « third place ». Un endroit qui vient après la maison et son lieu de travail. Mais sa définition a évolué depuis son apparition. Les tiers lieux désignent désormais des espaces de travail partagés et collaboratifs.

    Selon les services de l'Etat, ils se sont développés grâce au déploiement du numérique sur le territoire. Chaque lieu a sa spécificité, son fonctionnement, son mode de financement et sa communauté mais tous permettent les interactions sociales et favorisent la créativité et les projets collectifs. Ils permettent d'expérimenter pour trouver de nouvelles solutions alternatives au fonctionnement traditionnel, dans bien des domaines.

    Une nouvelle manière d'entreprendre

    « Leur impact dans la revitalisation des territoires ruraux est enfin reconnu au plus haut niveau de l'État », se réjouissent les porteurs du projet oisien, commencé en 2017. « Ce label nous donne un cadre de travail, poursuit Jean Karinthi, directeur du développement. On va pouvoir accueillir d'autres tiers lieux afin de les conseiller et les accompagner pour qu'ils prennent leur place sur le territoire. »

    Car cette nouvelle manière d'entreprendre a le vent en poupe. D'autres sites de l'Oise reprennent vie grâce aux idées et au travail des uns et des autres. Les collectivités ont donc décidé de se saisir de ces opportunités, leviers de cohésion sociale et territoriale. « Il y a une émergence de solutions, on ne pouvait pas passer à côté », confie Sylvie Valente, élue à la Communauté de communes des Lisières de l'Oise.

    Une micro-ferme pour construire une autonomie alimentaire

    La collectivité a donc décidé de mettre la main au portefeuille pour soutenir quelques-uns des nombreux projets de l'Hermitage. Car dans cet ancien hôpital, on veut être « un démonstrateur », un pionnier dans bien des domaines.

    Une micro-ferme pilote est ainsi en cours de construction sur une parcelle de 3 hectares. Cette structure gérée par la coopérative compiégnoise Solidarités Entreprises Nord-Sud va intégrer plusieurs techniques agroécologiques d'horticulture, essentiellement maraîchère et fruitière dont une serre en aquaponie. Elle disposera aussi d'un atelier de transformation.

    La micro-ferme se fera en contrebas de la colline. Une mare y sera aménagée. LP/Cindy Belhomme
    La micro-ferme se fera en contrebas de la colline. Une mare y sera aménagée. LP/Cindy Belhomme LP/Cindy Belhomme

    « Elle jouera un rôle d'expérimentation et de démonstration, sur le plan technique comme sur son modèle économique », précise-t-on. Objectif : prouver que l'on peut construire une autonomie alimentaire. Les premières récoltes sont attendues pour le mois de juin. « Environ 30 % de la production servira à l'Hermitage. Le reste sera vendu en circuit court », détaille Jean Karinthi.

    Un café-cantine bio et de saison en préparation

    En parallèle, un autre projet est en train d'éclore. Un café-cantine doit ouvrir ses portes avant la fin de l'été au sein de l'Hermitage, dans un des nombreux bâtiments. Un projet chiffré à 100 000 euros dans lequel on mijotera une « cuisine locale, de saison et bio ». L'établissement sera ouvert aux résidents mais aussi aux habitants d'Autrêches et des environs.

    L'Hermitage va aussi ouvrir une « rural hacking factory ». « On proposera une formation aux métiers du numérique aux jeunes en situation de décrochage ou aux personnes au RSA. Il y a beaucoup de besoins non couverts dans ce domaine », assure Jean Karinthi. Dans ce lieu au nom un peu barbare, on prévoit également de mettre en place un Fablab et un repair café. Une université citoyenne des transitions doit par ailleurs ouvrir à l'automne.

    Pour aider au développement de ces projets, une campagne de financement participatif va être menée au printemps.

    Six autres sites déjà reconnus dans l'Oise

    Le fab lab de l’UTC fait partie des tiers lieux de l’Oise. LP/N.G.
    Le fab lab de l’UTC fait partie des tiers lieux de l’Oise. LP/N.G. LP/Cindy Belhomme

    On les appelle fab lab, espaces de coworking ou encore friches culturelles. Ces divers espaces de travail sont en fait des tiers lieux car ils regroupent diverses activités et participent au développement économique de leur territoire. L'association France tiers lieux en dénombre 1512 dans le pays, six dans l'Oise.

    Parmi eux figurent l'Hermitage, le fab lab de l'Université de technologie de Compiègne, celui de l'association Labio à Senlis ou encore l'espace de coworking Digicamp à Beauvais. Et puis il y a les autres qui prospèrent dans leur coin. « Certains pensent à tort être un tiers lieux et d'autres ignorent qu'ils le sont », remarque Armelle de Vismes, chargée de missions à la Communauté de communes des Lisières de l'Oise. Ainsi la Maison de Ther à Beauvais ou encore l'association Au fil de l'eau à Compiègne pourraient, selon elle, être qualifiés de tiers lieux.

    D'autres sites sont en pleine émergence. La sucrerie de Francières, en activité de 1829 à 1869 a été réhabilitée en un centre d'interprétation de l'industrie sucrière et des industries agro-ressources. Elle propose des visites, animées par l'association Planète sciences.

    Archives. La sucrerie de Francières ouvre ses portes au public et fait découvrir le sucre et l’histoire du lieu aux participants. DR
    Archives. La sucrerie de Francières ouvre ses portes au public et fait découvrir le sucre et l’histoire du lieu aux participants. DR LP/Cindy Belhomme

    Mais cette seule entrée pédagogique ne suffit plus pour faire vivre le site. Sollicitée, la Communauté de communes de la Plaine d'Estrées a donc lancé une étude de faisabilité pour connaître quelles activités nouvelles peuvent être installées et quel modèle économique et juridique doit être mis en place. Idem pour la Cité des brossiers à Tracy-le-Mont, qui « cherche son modèle de gouvernance » pour faire de cette ancienne usine une fabrique culturelle et solidaire.

    « Les habitants s'approprient ces lieux pour ne pas les laisser figés, se réjouit Sylvie Valente, la maire du village. Notre but est désormais de travailler en réseau et de développer les partenariats avec les différentes collectivités. »