Oise : la fête qui célèbre la virginité des jeunes filles pourrait être annulée

Après l’annonce la semaine dernière du retour de la fête de la Rosière à Salency, le maire de la ville a reçu de nombreux courriers de protestations et songe désormais à faire annuler l’événement.

 Véronique Thuillier, dernière Rosière de la commune, lors de son couronnement en 1987.
Véronique Thuillier, dernière Rosière de la commune, lors de son couronnement en 1987. DR

    Les opposants à la fête de la Rosière ont-ils déjà gagné? Depuis l'annonce dans nos colonnes, le 8 août, du retour en juin 2019 de cette tradition locale dans la commune de Salency, les réactions se multiplient. Ils sont nombreux, sur les réseaux sociaux notamment, à s'offusquer de son caractère « sexiste » et « rétrograde ». Cette cérémonie, qui est censée célébrer « la vertu » d'une jeune fille et qui n'a plus eu lieu depuis 1987, pourrait finalement ne pas se dérouler l'an prochain.

    Car un critère de sélection de cette « Rosière » indigne. Celui de la virginité. Un critère historique pour cette « fête » née au Ve siècle, mais que Bertrand Tribout, l'organisateur, n'avait pas mis en avant pour la promotion de cette nouvelle édition. Pas de quoi calmer la colère des opposants.

    Une plainte envisagée

    Laélia Véron fait partie de ceux qui n'ont pas hésité à monter au créneau. Elle a même lancé ce mardi une pétition sur Internet. 600 signatures ont déjà été recueillies. « Lorsque j'ai vu les réactions et l'indignation autour de cet événement, je me suis dit que c'était une bonne façon de permettre aux gens de s'investir et d'interpeller le maire », explique cette chercheuse universitaire et militante de l'association féministe « Les effronté·es ». Celle-ci affirme par ailleurs qu'« une plainte est envisagée ».

    « Je m'attendais à quelques réactions au niveau local, mais pas à ce que cela prenne une ampleur nationale », confie le maire de la commune (SE), Hervé Delplanque. L'élu affirme avoir reçu depuis samedi 87 e-mails de protestation et d'insultes. « J'ai reçu des messages du genre Je vous crache à la gueule monsieur le maire, ou Vous êtes une raclure. Cela porte atteinte à ma personne mais surtout à ma commune, déplore-t-il. Au regard de ces réactions, c'est sûr que je penche pour une annulation. »

    Celui qui, il y a quelques jours, parlait de la Rosière comme une fête « un peu dépassée » mais qui ne souhaitait pas s'y opposer pour autant, assure qu'il répondra « personnellement à chacun des mails ».

    Un organisateur dépassé

    Mais le processus d'annulation passe d'abord par un vote en conseil municipal. Ce sera fait en septembre. Avant une décision en sous-préfecture.

    De son côté, Bertrand Tribout nie avoir utilisé les termes de « pureté » ou de « virginité » qui ont pu offusquer. « C'est une question de vertu et ça ne se situe pas au niveau de la ceinture. C'est une disposition à faire le bien, c'est universel, rétorque l'organisateur, qui a rencontré le maire dans la matinée et avoue être dépassé. Ce serait dommage de faire annuler cette fête à cause de quelques messages insultants qui ne viennent même pas d'habitants de Salency. »

    Dans la commune, on trouve en effet des défenseurs de cette tradition. Parmi eux, Josiane*. « C'est quelque chose qu'on a déjà fait dans le temps. Ma voisine de l'époque avait même été Rosière. C'était une jolie fête », se souvient la sexagénaire. Mais les détracteurs se trouvent aussi dans cette commune de 885 habitants. « Il existe d'autres moyens de fêter la jeunesse, appuie Michèle. Ça nous renvoie à des valeurs d'un autre temps où la femme est peu considérée, se désole Michèle. A ce moment-là, pourquoi ne pas organiser la même chose pour les garçons ? »

    *Les prénoms ont été modifiés