JO Paris 2024 : Emmanuel Macron renonce à déplacer les bouquinistes, « patrimoine vivant de la capitale »

Le président de la République a décidé que les bouquinistes, dont les boîtes vertes emblématiques longent les quais de Seine, pourront rester en place lors des Jeux olympiques de Paris. La préfecture de police envisageait leur déplacement le temps de la cérémonie d’ouverture sur le fleuve pour des raisons de sécurité.

Les bouquinistes pourront finalement rester pendant la compétition. AFP/Miguel Medina
Les bouquinistes pourront finalement rester pendant la compétition. AFP/Miguel Medina

    À eux les Jeux. Après des mois de tension avec la préfecture de police de Paris qui souhaitait leur disparition pendant les Jeux olympiques et paralympiques pour des raisons de sécurité, les bouquinistes ont obtenu gain de cause. Ils pourront maintenir leur activité le long des quais de Seine durant la compétition, a décidé ce mardi le président de la République Emmanuel Macron, selon une information de l’AFP confirmée par l’Élysée au Parisien.

    Jusqu’alors, il était prévu que 428 boîtes soient déplacées avant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques avant leur réinstallation rapide. « Soit moins de la moitié (47 %) » des 932 arrimées aux quais de la Seine, avait indiqué la préfecture de police de Paris.

    « Le président de la République a demandé au ministre de l’Intérieur et au préfet de police de Paris que l’ensemble des bouquinistes soient préservés, et qu’aucun d’entre eux ne soit contraint d’être déplacé pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, confirme le palais présidentiel au Parisien. Constatant qu’aucune solution consensuelle et rassurante n’a pu être identifiée avec ces acteurs, il leur manifeste son attention considérant qu’il s’agit d’un patrimoine vivant de la capitale. »

    Les bouquinistes incrédules

    Pour le moment, Pascal Corseaux, vice-président de l’association culturelle des bouquinistes de Paris, peine à croire la nouvelle. « Vous me l’apprenez, indique-t-il au Parisien. Je suis plutôt surpris, nous étions en train de préparer un recours administratif. »

    Le sort des bouquinistes avait ému leurs soutiens, et notamment un libraire qui avait lancé, en juillet dernier, une pétition pour leur maintien lors des Jeux. Celle-ci a recueilli, à date, plus de 184 000 signatures. Les tests de démontage menés en novembre avaient relancé cette inquiétude qui devenait de plus en plus concrète.

    Sur le quai des Grands-Augustins, Anna, qui assure un remplacement de bouquiniste une fois par semaine, se réjouit. « Mon collègue va être très heureux de l’apprendre, sourit-elle. La période des Jeux va être importante pour la profession. Et puis on pouvait difficilement envisager des Jeux sans nous. C’est quand même l’âme de Paris, Macron ne pouvait pas faire autrement. »

    « C’est plutôt une bonne nouvelle, commente-t-on ce mardi soir à la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Paris. Je suis régulièrement en contact avec le président des bouquinistes qui était vent debout contre le déménagement des boîtes. C’est une attractivité spécifique à Paris. Le problème était d’ordre sécuritaire, ils ont certainement trouvé une solution pour sécuriser les quais tout en maintenant les boîtes. »

    Une jauge revue à la baisse ?

    La décision aura en effet pour conséquence la révision du dispositif de sécurité pendant la cérémonie d’ouverture, avec une possible nouvelle baisse de la jauge d’accueil du public. Le chef de l’État « a demandé que le dispositif de sécurité soit adapté en conséquence, les espaces concernés sur les quais hauts n’étant dès lors plus susceptibles d’accueillir du public pendant la cérémonie », précise ainsi l’Elysée.

    Selon nos informations, la jauge totale atteindrait 300 000 spectateurs : 80 000 à 100 000 spectateurs sur les quais bas (payants), et de 200 000 à 220 000 sur les quais hauts (gratuits). Soit la jauge annoncée fin janvier par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.

    « L’Etat a changé d’avis alors qu’il était à l’origine de ce choix. Nous prenons acte de cette décision, réagit Pierre Rabadan, adjoint d’Anne Hidalgo chargé des Jeux olympiques, quoique surpris de ne pas avoir été informé en amont. Mais nous espérons que les dernières jauges annoncées par Gérald Darmanin avait été définies avec ce maintien des boîtes des bouquinistes. Car nous voulons que la cérémonie d’ouverture, qui se déroulera bien sur la Seine quoi qu’en disent certains, accueille le plus de monde possible. »

    Rachida Dati, nouvelle ministre de la Culture et maire du VII arrondissement, « remercie le président de la République d’avoir entendu les arguments des bouquinistes et leurs demandes, soutenues depuis l’origine par l’ensemble des élus de Changer Paris », son groupe au sein du Conseil de Paris. La maire (Horizons) du Ve, Florence Berthout, salue aussi « une magnifique nouvelle ». « Depuis des mois, je me bats aux côtés des bouquinistes pour empêcher leur déplacement pendant les Jeux. Cette décision était injuste et sans doute pas très efficace en termes de sécurité », réagit l’élue.

    La question de la sécurité en suspens

    Même son de cloche du côté de Paris Centre. Ou presque. « J’avais demandé dès le départ de réduire au maximum le démontage de boîtes. Les discussions étaient compliquées. Ce choix d’Emmanuel Macron simplifie donc le problème », commente Ariel Weil, le maire (PS). Reste que cette décision « pose un autre problème » selon lui : « Celui de la jauge pour la cérémonie d’ouverture », laquelle « va certainement devoir être revue à la baisse ». « Et si nous souhaitons que l’on ait des Jeux protégés, dans un contexte sécuritaire difficile, nous voulons aussi qu’ils demeurent une liesse populaire. »

    La préfecture de police, elle, n’a pas encore réagi. Mais la décision présidentielle de ce mardi entre en contradiction avec une prédiction du préfet de police exprimée en Conseil de Paris le 3 octobre dernier. « Une boîte est en endroit où l’on peut dissimuler des armes, voire pire, des explosifs, avait notamment argué le Laurent Nuñez. Je crains que si nous laissions ces boîtes à un endroit où il y aura des centaines de milliers de personnes, il y ait des incidents extrêmement graves, sauf à renoncer au côté festif de cette cérémonie. » De ce point de vue, l’Elysée semble avoir tranché.