«La nuit en prison, je ne dors pas vraiment. C’est la nuit qu’on m’a volé toutes mes affaires, c’est la nuit que des codétenus fanatiques ont essayé de m’étrangler dans mon lit. Mon sommeil s’arrête toutes les heures ; et quand je me réveille, j’ai des pensées très noires. Je me dis : tu as rêvé ta vie d’avant, tu as rêvé la France, rien de tout ça ne t’est arrivé. Tu vas finir ici, dans ce trou noir…»
Le débit est lent, essoufflé. La voix se brise finalement dans un silence profond. De Kaboul à Paris, où nous recevons cet appel le 3 octobre, le journaliste à la bonhomie légendaire transpire la détresse. Il déverse sans vraiment hiérarchiser des informations, un mélange d’horreurs et de récits du quotidien. Depuis fin juillet, date de son transfert à la prison publique de Pul-e-Sharki, Mortaza peut ainsi «regarder le ciel, dans la cour, deux fois par jour». Il aime s’y rendre avec Matiullah Wesa, grande figure médiatique afghane, enfermé depuis plus de six mois pour avoir défendu l’éducation secondaire pour les filles à travers un réseau d’écoles qu’il a lui-même fondé. «Il a été comme une lumière», dit Mortaza, qui, au même moment, a redécouvert une autre joie, celle de pouvoir «tenir un crayon dans ses mains». L’écriture lui était refusée lors de ses six premiers mois de détention, d’abord au sein d’un commissariat de quartier de Kaboul, puis de la tristement célèbre «Prison de la sécurité» du quartier de Shash-Darak – où les renseignement