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Victoire

Législatives 2024 : le Nouveau Front populaire fête mieux que prévu

Elections législatives 2024dossier
Sans majorité mais en tête, l’alliance de gauche revendique son droit à gouverner. En accord sur le respect du programme, les partis de gauche doivent décider d’un nom pour Matignon.
publié le 7 juillet 2024 à 22h17

Le Nouveau Front populaire ne se contente pas de résister, il l’emporte. Conçue pour contrer la vague d’extrême droite qui menaçait de déferler sur l’Assemblée nationale, l’alliance des partis de gauche arrive en tête du scrutin, selon les premières estimations Ipsos pour France Télévisions de 21h30. Elle devient ainsi la première force politique du pays, avec un nombre de sièges oscillant entre 171 et 187, contre 152 à 163 pour le camp présidentiel et entre 132 et 152 sièges pour le Rassemblement national et ses alliés. Au sein de la coalition, les insoumis, avec un groupe qui devrait comporter entre 69 et 75 élus, font presque jeu égal avec les socialistes (entre 59 et 65). Derrière, les écologistes se renforcent (entre 32 et 36 députés) tandis que les communistes engrangent 11 élus.

Si certains ont répété jusqu’à la fin que tout était envisageable, personne, au sein même de l’union, ne pensait vraiment qu’une victoire était possible. A l’issue du premier tour, l’extrême droite était promise à une majorité relative sinon absolue. L’activisme de la gauche, qui a très vite annoncé qu’elle retirerait ses candidats arrivés en troisième position pour faire barrage au RN, et qui a mis la pression sur le camp présidentiel pour faire de même, a bien aidé. Les appels au front républicain ont donc fonctionné au-delà des attentes. Beaucoup, à gauche, redoutaient que les consignes de la macronie soient inopérantes après les attaques répétées de ses représentants contre La France insoumise et la lassitude des électeurs, sommés de faire barrage à la montée de l’extrême droite à chaque second tour.

L’espoir est immense, le défi l’est tout autant

Sans majorité absolue mais en tête, la gauche devrait donc, si Emmanuel Macron respecte l’esprit des institutions, être appelée à former un gouvernement. Contrairement au président du RN Jordan Bardella qui avait annoncé qu’il refuserait la tâche s’il n’avait pas de majorité absolue, les représentants du Nouveau Front populaire ont toujours dit qu’ils ne se défileraient pas. «La volonté du peuple doit être strictement respectée, dès lors, aucun subterfuge, arrangement ou combinaison ne serait acceptable. […] Le Président de la République […] a le devoir d’appeler le NFP à gouverner. Celui-ci y est prêt», a déclaré Jean-Luc Mélenchon. Aligné sur le triple candidat à la présidentielle, le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure a confirmé que la gauche «ne se prêtera à aucune coalition des contraires qui viendrait trahir le vote des Français et prolonger les politiques macronistes». «Nous allons gouverner», a appuyé la secrétaire nationale des Ecologistes Marine Tondelier, tout comme le secrétaire national du PCF Fabien Roussel, qui a dit le changement possible «dès cet été».

L’espoir est immense, le défi l’est tout autant. Toute la soirée du dimanche 7 juillet, les chefs de partis du Nouveau Front populaire ont prévenu qu’ils ne feraient pas de compromis sur leur programme. Mais en l’absence d’une majorité absolue, l’alliance de la gauche va devoir trouver des alliés. «On va devoir être adulte, discuter, a prévenu de son côté l’eurodéputé Raphaël Glucksmann. Le pays a besoin d’être apaisé, réconcilié.» Toute la semaine, l’hypothèse d’un gouvernement de coalition a été discutée, mais jamais dans la perspective d’une gauche en tête. Les macronistes, et notamment ceux de l’aile gauche, vont désormais devoir choisir s’ils soutiennent le Nouveau Front populaire, que ce soit en participant à une éventuelle coalition ou en étant dans une forme de soutien sans participation. Dans le cas contraire, la gauche s’exposerait à la menace rapide d’une motion de censure.

Rapports de force rééquilibrés

Cette surprise du second tour va en tout cas reposer la question du Premier ministre, mise de côté dans la dernière ligne droite, alors qu’une majorité de gauche ne semblait plus possible. «Ce soir, ce n’est pas le moment des postures, des oukases ni des courses de petits chevaux, a prévenu Marine Tondelier. Ce n’est pas non plus le moment de proposer un ou une Première ministre.» Tout au long de la campagne, le sujet a fait débat. Très présent dans la campagne, Jean-Luc Mélenchon a été le premier à se dire «capable» d’occuper la fonction sans toutefois «s’imposer». Décrivant un leader insoumis devenu «repoussoir», socialistes, communistes et écologistes ont martelé qu’ils s’y opposeraient.

Les alliés du NFP vont devoir trancher le mode de désignation de leur candidat pour Matignon, alors que Gabriel Attal a annoncé, dès dimanche, remettre sa démission lundi. Pour les insoumis, le choix doit revenir au groupe le plus important en nombre d’élus. Les roses, rouges et verts plaident, eux, pour un vote de tous les élus, bien conscients qu’un tel cas de figure mettrait LFI en minorité, et éloignerait donc l’hypothèse «Mélenchon à Matignon». D’autant que les rapports de force à gauche ont été rééquilibrés à la faveur de ces législatives. Avec un groupe PS qui se rapproche de LFI, l’hégémonie insoumise prend fin.

Le nom de François Ruffin, qui a rompu avec Mélenchon et la direction de LFI pendant la campagne, est aussi revenu avec insistance parmi les candidats potentiels au poste de Premier ministre. Le réalisateur de Merci Patron ! distancé au premier tour par le RN dans sa circonscription de la Somme est parvenu à être réelu. Comme lui, tous les frondeurs désinvestis ont retrouvé leur siège. Parmi les personnalités de gauche les plus scrutées, l’ancien président de la République François Hollande est élu dans la 1ère circonscription de Corrèze à la faveur d’une triangulaire qui a dispersé les voix de la droite. Partout en France, ce dimanche soir, une gauche victorieuse s’apprêtait à célébrer avant de s’atteler au défi qui l’attend.

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