Philanthropie : lorsque l’intérêt individuel rencontre l’intérêt général

Philanthropie : lorsque l’intérêt individuel rencontre l’intérêt général

Le 19 juin dernier, la Fondation de France publiait l’édition 2024 du Baromètre annuel de la philanthropie qui mesure les évolutions et tendances des fonds de dotation et fondations au service de l’intérêt général.

Trois chiffres marquants nous encouragent à dédier notre troisième newsletter à ce sujet :

  • Plus de 16 milliards d’euros ont été engagés en 2022 pour l’intérêt général, en augmentation de 21 % par rapport à 2021 ;

  • En 20 ans, les actifs des fondations ont été multipliés par quatre, passant de 8 milliards d’actifs en 2001 à 32 milliards en 2021 ;

  • 62 % des fondations et fonds de dotation créés après 2018 agissent à l’échelon départemental/régional contre 51 % des structures créées avant 2009.

La philanthropie - cet acte de générosité qui a pour but de promouvoir le bien-être des autres - est une pratique de plus en plus plébiscitée par les Français. Dans sa première définition de l’Académie Française, datée de 1762, est philanthrope “celui qui, par disposition et bonté naturelle, est porté à aimer tous les Hommes”. Un siècle plus tard, le philanthrope sera défini comme “celui qui s’occupe activement des moyens d'améliorer la condition de ses semblables”, que ces moyens soient financiers, matériels ou humains (Bescherelle, 1861). Une définition qui s’applique encore à la philanthropie actuelle.

Qui sont les philanthropes aujourd’hui ? Comment choisir les causes qui vous tiennent à cœur, mais aussi les véhicules les plus appropriés pour exprimer sa générosité ? Nous allons tenter de répondre à ces questions et établir un panorama de la philanthropie en France aujourd’hui.

Un engouement pour la philanthropie, entre désir d’impact, désir d’empreinte et désir d’innovation

Une contribution à chaque échelon de l’intérêt général

“Face aux défis immenses auxquels notre monde est confronté, la philanthropie a une responsabilité de plus en plus grande à agir efficacement et durablement au service de l’intérêt général.” C’est dans ces termes qu’Axelle Davezac, Directrice générale de la Fondation de France, explique le dynamisme autour de la philanthropie.

Cette année encore, les chiffres publiés par l’Observatoire de la philanthropie confirment une tendance à la hausse des actes de générosité. Les structures philanthropiques sont en constante progression, et en particulier les fondations et les fonds de dotations, dont le nombre a augmenté de 5 % entre 2023 et 2024 pour atteindre le nombre de 5 674 en activité à ce jour.

Mais si l’action de donner est une décision personnelle, elle est de plus en plus motivée par un contexte global. Il y a aujourd’hui une multitude de causes à soutenir et à défendre : santé et recherche, lutte contre la pauvreté et l’exclusion, l’environnement, l’éducation, l’égalité, les droits de l’homme, etc.

Ces causes sont d’ailleurs de plus en plus soutenues à l’échelle des territoires. La philanthropie permet de répondre aux besoins locaux, et offre une meilleure compréhension des enjeux spécifiques à chaque territoire. Son atout majeur réside dans sa capacité à réunir tous les acteurs localement - associations, habitants, fondations, entreprises et collectivités - autour de projets communs. Une synergie qui stimule l’innovation sociale et qui renforce l’impact des actions menées. “Le mécénat, qui est une forme de philanthropie axée sur le soutien des arts et de la culture, et la philanthropie de demain se doivent d’être collectifs : les bonnes solutions s’inventent en proximité sur les territoires et à plusieurs, avec des acteurs de tous horizons”, souligne Delphine Allarousse, déléguée générale de la Fondation de France Centre-Est.

Tous philanthropes ? Une possibilité d’action qui ne se restreint pas aux millionnaires et aux milliardaires

Contrairement aux idées reçues, la philanthropie ne concerne pas uniquement les grandes fortunes.

Aux États-Unis, la philanthropie renvoie à des personnalités telles que Bill Gates et sa fondation, ou encore à l’homme d’affaires Warren Buffet. Ils ont lancé ensemble en 2008 l’initiative “Giving Pledge” qui incite et encourage les personnes fortunées à s’engager dans des actions philanthropiques, de leur vivant et/ou dans leurs testaments. Warren Buffet s’est ainsi engagé à reverser 99 % de sa fortune personnelle (estimée à 123 milliards d’euros en 2022) tout au long de sa vie, pour financer des projets philanthropiques.

Mais au sens large, la philanthropie regroupe l’ensemble des dons privés, qu’ils soient réalisés par des riches donateurs, ou des “petits donateurs”. Ainsi, lorsque vous donnez chaque mois une  somme modeste à une association, cela fait de vous un philanthrope.

Au-delà des moyens, différents profils se dessinent, en fonction des projets que chacun souhaite soutenir. Le « philanthrope donateur » oriente sa générosité sur un sujet pris en charge par des associations installées de longue date et reconnues. Saisi par une crise, le « philanthrope de crise » va donner en réponse à des “urgences médiatisées” telles que la guerre en Ukraine, le tremblement de terre en Syrie et en Turquie, ou encore l’incendie de la cathédrale Notre-Dame à Paris. Le « philanthrope affectif » agit quant à lui sur un coup de cœur pour une cause, une œuvre particulière, pour lui donner du sens. D’autres, cherchent à laisser une empreinte positive dans l’Histoire, on parle de « philanthrope bienfaiteur ». Enfin, le dernier profil est celui du « philanthrope entrepreneur » qui souhaite s’investir financièrement (et parfois même personnellement) dans un projet avec l’objectif d’avoir un impact sur la cause choisie.

Une incitation à l’innovation sociale et sociétale pour les entreprises

La philanthropie est également une opportunité unique d’exploiter son patrimoine professionnel pour le mettre au service de l’innovation sociale. C’est une manière de faire vivre ses actifs, et de leur donner un sens. Le mécénat d’entreprise est un puissant levier d’engagement, tant pour l’entreprise elle-même que pour ses dirigeants et collaborateurs. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui que le développement de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) à partir de la fin des années 2000 a joué un rôle moteur dans la croissance des actions philanthropiques dans les entreprises, favorisant ainsi le partage de valeurs communes. Elles deviennent alors un espace de liberté, un laboratoire d’innovation pour l’entreprise.

L’entrepreneuriat et la philanthropie convergent de plus en plus, portés par le désir des jeunes générations de donner du sens à leur carrière. Cette tendance se manifeste à travers l’essor des entreprises faisant le choix du mécénat. Ces dernières seraient au nombre de 104 000 en France, selon le Panorama des générosités réalisé en 2021. Pour Marion Lelouvier, Présidente du Centre Français des fonds et fondations (CFF), et Présidente du directoire de la fondation L’Avenir : “La philanthropie et l’entrepreneuriat sont beaucoup plus proches qu’on ne pourrait le penser. Ils ont des ressorts communs comme l’intuition, la capacité à prendre des risques et la rigueur pour mener un projet dans la pérennité. La démarche est similaire, l’idée naît d’une réflexion individuelle, puis elle se développe et grandit en collectif.”

Des précautions à prendre et des arbitrages à faire avant de se lancer dans l’aventure philanthropique

S’entourer de conseillers appropriés pour obtenir plus de clarté

“Aujourd’hui, 80 % des promesses de dons n’aboutissent malheureusement pas. Les gens ont la ferme volonté de donner mais ne savent pas comment faire ou craignent que l’argent ne soit pas utilisé de la bonne manière. Le banquier est celui qui apporte expertise, solutions et clarté dans les dispositifs. Ce que les philanthropes n’ont pas toujours en tête, c’est qu’il existe une multitude d’alternatives pour exprimer ses valeurs au travers de son patrimoine, laisser une empreinte notable dans la société ou accompagner les grandes transitions et métamorphoses de notre monde, de notre pays, de notre région et même d’un département qui nous tient à cœur.” Françoise Neige, Directrice au sein de la Gestion de fortune chez Natixis Wealth Management.

Françoise Neige, Directrice au sein de la Gestion de fortune chez Natixis Wealth Management

Au-delà du don ponctuel, la philanthropie est un engagement qui se prépare avec soin. Face aux nombreuses possibilités et aux mécanismes existants, choisir la meilleure approche pour concrétiser son projet philanthropique peut s’avérer complexe. Il est crucial de bien s’entourer, de se poser les bonnes questions et de solliciter des conseils avisés. Une préparation minutieuse permet non seulement de maximiser l’impact de ses actions, mais aussi d’aligner ses efforts  avec ses valeurs, ses convictions et ses objectifs à long terme.

Que ce soit avec ses conseils habituels (notaire, avocat, …) et son banquier privé, il faut commencer par définir les quatre grands critères de choix : le temps à consacrer, les moyens humains et financiers, le niveau d’investissement souhaité et enfin, le niveau d’expertise attendu. Plus le projet sera défini en amont, et conçu sur-mesure, plus il aura de chances d’aboutir et de correspondre au projet initial.

Sélectionner le véhicule philanthropique adapté aux ambitions stratégiques

Comme pour la question de la transmission et de l’héritage, la philanthropie peut prendre différentes formes.  Fondations, fonds de dotations, fondations reconnues d’utilité publique, fondations abritées, fondation d’entreprises, sont autant de solutions. Certaines permettent une grande flexibilité dans la gestion des dons, d'autres facilitent l’implication des entreprises dans des causes sociales. Les régimes fiscaux, la gouvernance et les domaines d’action varient selon le format choisi.

“Les fondations sont établies grâce à un don initial important, appelé dotation. Elles utilisent les revenus générés par cette dotation pour financer des projets choisis. Le fonds de dotation est une structure juridique plus récente et plus souple, créée en 2008. Il peut recevoir et gérer des biens et droits de toute nature (titres, œuvres d’art, immeubles, etc.) dont les revenus sont utilisés pour réaliser une mission d'intérêt général, ou sont redistribués à d’autres organismes à but non lucratif. Les fondations abritées, aussi appelées fondations sous égide, sont une alternative intéressante. Elles permettent d’engager un projet philanthropique hébergé par une fondation mère qui met à disposition ses expertises et ses ressources (humaines et financières). Les objectifs philanthropiques de la fondation abritée doivent être en adéquation avec ceux de  la fondation mère. ” Sophie Giraud-Marchan, Directeur adjoint - Ingénierie patrimoniale chez Natixis Wealth Management

Sophie Giraud-Marchan, Directeur adjoint - Ingénierie patrimoniale chez Natixis Wealth Management

Envisager la philanthropie sous le prisme de l’entreprise

Pour les dirigeants d’entreprise, la philanthropie est une solution de plus en plus prisée, notamment lors d'événements clés (ouverture de capital, cession, succession, etc.). La phase de transmission d'une entreprise offre par exemple des options intéressantes, comme la donation avant cession qui efface l'impôt sur les plus-values. D'autres stratégies incluent le don d'usufruit temporaire, la donation de nue-propriété, ou la désignation d'œuvres philanthropiques comme bénéficiaires d'assurance vie ou de legs testamentaires. Les héritiers peuvent même contribuer au projet, en faisant un don sur la succession. Toutes ces approches d'ingénierie patrimoniale permettent de maximiser l'impact philanthropique, dans le respect du cadre fiscal. 

“Chez les dirigeants d’entreprise, la philanthropie répond pleinement à la quête de sens et à la volonté de « rendre à la société » (notion de give back), que l’on observe de plus en plus chez les jeunes entrepreneurs - mais aussi chez les moins jeunes. Au même titre que l’entreprise familiale, un projet philanthropique peut fédérer la famille, toutes générations confondues. C’est d’ailleurs souvent la volonté de nos clients de faire de leur action philanthropique une affaire de famille.” Françoise Neige, Directrice au sein de la Gestion de fortune chez Natixis Wealth Management

Rechercher un accompagnement pluridisciplinaire pour répondre à toutes les facettes d’un projet philanthropique

Pour mener à bien sa démarche bienfaisante, nous l’avons dit précédemment, il est important de bien s’entourer. Aujourd’hui, des professionnels s’engagent pour s’assurer de leur réalisation dans les meilleures conditions. La fondation AlphaOmega, soutenue par Natixis Wealth Management, s’appuie sur un portefeuille de sept associations qui défendent l’accès à l’éducation et luttent contre le décrochage scolaire en France. Les membres de l’équipe de la Fondation AlphaOmega mettent leur expertise au service du secteur caritatif et accompagnent les associations qui interviennent sur les terrains de l’éducation et de l’insertion professionnelle.

“Il y a une filière à professionnaliser et nous y contribuons activement. Nous rencontrons les acteurs du marché, qu’ils soient avocats spécialistes ou encore notaires, pour les présenter à nos clients. Nous nous assurons qu’ils puissent leur faire confiance et que les valeurs de ces professionnels soient en adéquation avec celles de nos clients.” Sophie Giraud-Marchan, Directeur adjoint - Ingénierie patrimoniale chez Natixis Wealth Management, le 20 juin dernier, lors d’un petit déjeuner consacré à la philanthropie.

Très souvent réduite à un simple acte de générosité, la philanthropie va bien au-delà en réalité, car elle permet d’accélérer les grandes métamorphoses de la société ou de l’entreprise. Au travers des nombreux mécanismes proposés, elle accompagne les mutations longues et profondes mais également les urgences inattendues, qui nécessitent un soutien massif et immédiat. Le tout, que ce soit à l’échelle internationale, nationale, régionale ou départementale.

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Et si vous êtes passés à côté de nos précédents numéros sur l’éducation financière et la transmission, c’est par ici.


Pour aller plus loin :

*next moves = les prochaines étapes

Françoise NEIGE

Directeur chez Natixis Wealth Management

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Les banques de gestion de fortune ont un rôle essentiel à jouer en matière de philanthropie. Elles disposent des expertises et de l'expérience nécessaires pour conseiller leurs clients qui souhaitent consacrer une part de leur patrimoine au bien des autres. La transmission et la gestion financière sont au cœur du dispositif. Notre mission : donner à l'argent le pouvoir de réaliser les projets de nos clients.❤️

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