Souvenirs du bref passage de Jacques Plante avec les Oilers à 45 ans

MONTREAL, CANADA - CIRCA 1970's:  Jacques Plante poses for a photo with two magazines with his photo on the cover circa the 1970's in Montreal, Quebec, Canada. (Photo by Denis Brodeur/NHLI via Getty Images)
By Daniel Nugent-Bowman
Apr 16, 2020

Le défenseur des Oilers Al Hamilton n’était pas particulièrement enthousiaste quand il a appris que son équipe avait fait signer un contrat au gardien de but Jacques Plante, alors âgé de 45 ans.

Il était sceptique.

« Est-ce qu’on est désespéré? » s’est demandé le capitaine.

Plante, un innovateur qui a popularisé le port du masque et qui a été l’un des plus grands gardiens de tous les temps, s’est plutôt bien débrouillé à Edmonton. Il a connu peu de problèmes et il a occasionnellement offert des performances dignes de ses meilleures années.

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À d’autres égards, les préoccupations de Hamilton se sont toutefois révélées justes.

Athlétique se penche sur certaines des histoires les plus étranges du monde du sport. La dernière saison professionnelle qu’a disputé Plante, disputé avec les Oilers dans l’Association mondiale de hockey fait partie de cette catégorie, du moins dans le demi-siècle d’existence de la concession du nord de l’Alberta.

Un retour au jeu après un an d’absence. Un contrat avantageux. Un coéquipier bizarre qui a rapidement quitté la capitale de l’Alberta.

Bref, le bref passage de Plante avec les Oilers pendant la campagne de 1974-1975 n’a pas manqué de rebondissements.

L’histoire commence avec l’un des personnages les plus colorés du hockey, Bill Hunter.

Le fondateur et le propriétaire des Oilers, était connu pour aller à contre-courant. Vous l’excluez de la LNH? Eh bien, il participera à la création d’une autre ligue professionnelle comme il l’a fait avec l’AMH.

Il serait difficile de trouver une promotion qu’il ne voulait pas soutenir ou une idée qu’il trouvait trop petite.

C’est « un homme qui a un jour organisé une conférence de presse pour annoncer qu’il tiendrait une conférence de presse encore plus grosse et plus spectaculaire le lendemain, a écrit Kevin Mitchell du StarPhoenix de Saskatoon. Il a attaqué la vie avec charme et fanfaronnade, avec éclat et éblouissement, tout en jetant de la poudre aux yeux. »

L’article de Mitchell porte sur la période où Hunter a acheté les Blues de St-Louis en 1983 – bien après qu’il ait vendu les Oilers – et qu’il a essayé de les déménager à Saskatoon. Le bureau des gouverneurs de la LNH a annulé la transaction.

Mais son séjour à Edmonton a été le point de départ pour ses tours de passe-passe.

« Bill était un promoteur fantastique », a raconté Hamilton, un membre des Oilers de la première heure, dont le numéro 3 a été retiré par l’organisation. « Il préparait toujours quelque chose et rêvait grand.

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« Même le fait qu’Edmonton ait été l’une des premières équipes à entrer dans l’AMH et qu’il ait eu l’audace d’attaquer la LNH et de lancer une nouvelle ligue était ahurissant, vraiment. Il avait un rêve et il l’a réalisé. »

Embaucher Plante en 1974 a été l’un des plus grands coups de publicité de Hunter à l’époque où il dirigeait les Oilers, selon Hamilton.

Les Oilers devaient déménager du Edmonton Gardens pour s’installer au Northlands Coliseum en novembre de cette année-là et Hunter voulait une vedette qui allait attirer l’attention. Plante était son homme.

Plante avait passé la saison 1972-1973 de la LNH avec les Maple Leafs et les Bruins pour ensuite devenir entraîneur des Nordiques de Québec dans l’AMH. Après une seule saison de son contrat de 10 ans d’une valeur de 1 million $, il a démissionné, frustré par les performances de l’équipe même si sa fiche était de 38-36-4.

Hunter a sauté sur l’occasion et l’a attiré de nouveau sur la glace.

« Bill Hunter était l’architecte, a dit le journaliste de longue date John Short, qui travaillait alors à La Presse canadienne. Je n’ai aucune idée comment il est arrivé ici, sur quel bouton il a pesé ou quelles faveurs il a sollicitées. »

Le fait que Plante ait obtenu un bon contrat de la part de Hunter a probablement aidé à conclure l’entente.

« Je ne sais pas si c’était une condition dans son contrat, mais il jouait surtout à domicile et il ne voyageait pas tout le temps », a dit Hamilton.

« Il a obtenu cette merveilleuse entente. Il jouait quand il voulait. Il était très bien payé », a dit Short.

Les Oilers ont entamé la saison sur la route avec des matchs à Winnipeg, Vancouver, Cleveland et Indianapolis. Plante a été laissé de côté. Ce n’est que lors de l’ouverture du Colisée, le 10 novembre, que Plante a fait ses débuts avec les Oilers. Il les a menés à un gain de 4-1 contre les Crusaders de Cleveland.

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On peut voir dans les archives de la ligue que Plante a participé à 13 matchs avant le Nouvel An. Un seul a été disputé en dehors d’Edmonton, une victoire de 8-2 contre les Toros de Toronto où il a partagé le filet avec Ken Brown.

Il a joué 31 matchs cette saison-là et seulement huit à l’extérieur. Brown et Chris Worthy devaient donc s’occuper de la plupart des rencontres sur la route.

« Si j’avais été l’autre gardien, qu’il faisait cela et que je ne jouais que les matchs sur la route, j’aurais été prêt à le tuer, a lancé Hamilton en riant. On était hors de nous. On se disait : ‘Mais qu’est-ce que c’est que ça?’

« Il jouait encore sacrément bien, alors on ne pouvait pas trop parler. »

Plante, qui a eu 46 ans en janvier de cette saison-là, était peut-être simplement malin. Les Oilers ne volaient plus en avion commercial, a dit Hamilton, mais leur mode de transport exclusif rendait les déplacements encore plus difficiles.

« C’était un avion à hélices. Tu aurais pu te rendre en Europe plus vite que nous on allait à Québec, a-t-il dit. Il fallait faire le plein à mi-chemin. Ce n’était pas un beau jet de luxe, je vous le dis. »

Plante a réduit ses déplacements au maximum, ce qui lui permettait d’économiser son énergie pour la foule à la maison.

Ken Hitchcock, qui a été l’entraîneur des Oilers pendant 62 matchs la saison dernière, venait de commencer à diriger une équipe de niveau midget en ville. Il a assisté à environ deux tiers des 36 matchs à domicile des Oilers quand il n’était pas occupé avec son équipe. Il a indiqué que c’était toujours un plaisir de voir l’ancienne gloire du Canadien, gagnant du trophée Hart et sept fois lauréat du trophée Vézina, devant le filet des Oilers.

« Je ne pouvais pas croire à quel point il était bon pour son âge, s’est souvenu Hitchcock. Je n’arrivais pas à croire à quel point il était rapide et agile. Ce qui a surpris tout le monde, c’est qu’il n’avait pas l’air d’un gars de 45 ans. »

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La plupart des contemporains de Plante étaient des gardiens qui restaient debout, mais il était un « pionnier », a dit Hamilton.

« Il était très scientifique dans son positionnement, a-t-il ajouté. Il était très, très solide techniquement, mais il pouvait encore jouer. Il n’y avait aucun doute à ce sujet. C’était incontestable. Je n’avais pas à me plaindre. »

Plante était difficile à battre quand il était à son meilleur.

« Il couvrait les angles et tu devais le battre, a dit Short. Tu ne pouvais pas simplement lui tirer dessus. Il n’avait pas l’air d’essayer de deviner (ce qui allait se passer), comme tant de gardiens qui se fiaient sur leurs réflexes nous avaient montré tout au long de l’histoire. Il semblait connaître très vite tous les joueurs qu’il voyait. »

Une partie du problème, cependant, était que les Oilers étaient une équipe de milieu de peloton.

Hunter a remplacé Brian Shaw pour les 19 derniers matchs de la saison et l’équipe n’a gagné que six fois. Les Oilers ont terminé la campagne avec une fiche 36-38-4 et ils ont raté les séries.

Les statistiques de Plante en ont souffert. Il a livré une fiche de 15-14-1 avec une moyenne de buts alloués respectable de 3,32 et un taux d’arrêts de ,890. Plante a terminé respectivement huitième et 15e dans ces catégories parmi les gardiens ayant disputé au moins 25 rencontres.

Curieusement, Brown et Worthy ont affiché de meilleurs taux d’arrêts que Plante. Certaines personnes pensaient que l’époque où il jouait pour le Canadien était bien révolue.

« Il a assez bien joué. Il n’était pas Jacques Plante, a affirmé Short. Si vous pensiez qu’il avait déjà été le meilleur au monde, il n’y avait plus de trace de cela.

« Les gens qui étaient de vrais fans de Jacques Plante n’allaient pas nécessairement être satisfaits de ce qu’ils voyaient. La ligue n’était pas la même et il n’était plus le même. »

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Il n’était pas non plus le type le plus facile avec qui s’entendre, que vous teniez un bloc-notes et un stylo ou que vous portiez un chandail des Oilers.

Hamilton a dit qu’il s’entendait plutôt bien avec Plante, mais que le gardien de but faisait souvent quelque chose qu’il détestait.

« Il était reconnu pour signaler si tu avais fait une erreur devant lui, a raconté Hamilton. Si (l’équipe adverse) marquait, il aimait pointer son bâton vers toi pour le faire savoir à tout le monde. »

Hamilton ne pensait pas que c’était une pratique appropriée. Il a fini par s’en lasser et dire à Plante ce qu’il ferait avec son bâton si jamais il recommençait.

Tu ne savais jamais à quoi t’attendre de Plante dans le vestiaire.

« Jacques était un homme au caractère changeant, a dit Short. Il pouvait charmer les oiseaux et les convaincre de sortir de leur arbre, mais il ne prenait pas la peine de le faire très souvent. »

« C’était un gars différent, a dit Hamilton. La légende veut qu’il tricotait ses propres sous-vêtements et ses chaussettes. Je ne sais pas si c’était un mythe ou non. Il n’a jamais apporté ses aiguilles à tricoter à l’entraînement. Il faisait ses affaires. »

Plante n’a pas participé aux quatre derniers matchs de la saison, même si trois d’entre eux étaient à domicile. Après la saison, il est rentré au Québec avant même que l’on s’en aperçoive.

« Il n’a pas vraiment dit au revoir à qui que ce soit, a dit Hamilton. Il est allé louer une remorque. Il l’a rempli avec les choses qu’il avait apportées – il avait sa propre suite au centre-ville – et il est parti. »

Plante est retourné à Edmonton l’automne suivant avec l’intention de jouer une autre saison avec les Oilers. Ces plans ne se sont toutefois pas concrétisés à cause de la mort de son plus jeune fils. Il a alors pris sa retraite pour de bon.

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Plante a été intronisé au Temple de la renommée du hockey en 1978 et il a succombé à un cancer de l’estomac en 1986, alors qu’il vivait en Suisse.

Dans le portrait d’ensemble, son unique saison à Edmonton s’inscrit à peine dans son impressionnant CV, mais ce fut une campagne étrange.

« Tout un personnage, a dit Hamilton. C’était juste un gars excentrique qui avait sa propre façon de faire les choses. »

 

(Photo : Denis Brodeur/NHLI via Getty Images)

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Daniel Nugent-Bowman

Daniel Nugent-Bowman is a staff writer who covers the Edmonton Oilers for The Athletic. Daniel has written about hockey for Sportsnet, The Hockey News, Yahoo Canada Sports and the Saskatoon StarPhoenix. Follow Daniel on Twitter @DNBsports