Godin et Basu: Mike Matheson et la gestion du risque, ce que fait Vincent Lecavalier avec le CH

Nov 19, 2022; Montreal, Quebec, CAN; Montreal Canadiens defenseman Mike Matheson (8) shows pride after scoring his first career goal with the Montreal Canadiens against the Philadelphia Flyers during the second period at Bell Centre. Mandatory Credit: David Kirouac-USA TODAY Sports
By Marc Antoine Godin et Arpon Basu
Mar 20, 2023

La semaine dernière, Mike Matheson a visité ses deux domiciles précédents dans la LNH lors de matchs consécutifs à Pittsburgh et à Sunrise, en Floride. Avant d’affronter les Panthers jeudi, donc avant qu’on sache quel match fou et déjanté il s’apprêtait à jouer, on a demandé à Matheson de revenir un peu sur son parcours, compte tenu du fait qu’il semble être bien établi avec le Canadien en ce moment, où il joue peut-être son meilleur hockey en carrière.

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« Il s’est passé beaucoup de choses et ça ne fait même pas trois ans que je suis parti d’ici. Beaucoup de choses ont changé, c’est certain, a convenu Matheson. Sur la glace, il y a une grande différence. À mon dernier match ici, avec cette organisation-là, j’avais été laissé de côté. Maintenant, je suis vraiment dans une position différente avec cette équipe-ci, et j’ai même fait partie d’une autre organisation entretemps.

« Alors oui, je pense qu’il y a eu un grand changement en termes de ce qui s’est passé sur la glace, et évidemment, je suis devenu père aussi depuis ce temps-là, j’ai mûri et j’espère être devenu un peu plus mature, et ça a beaucoup aidé aussi. »

Mais Matheson n’éprouve aucun ressentiment amer à l’égard de la façon dont s’est terminé son séjour en Floride. En fait, c’était le rappel à l’ordre dont il avait besoin.

« Je ne regarde pas mon séjour en Floride en me disant que je me suis fait avoir. Ce n’est pas le cas. Je ne jouais pas bien et c’était de ma faute, a-t-il déclaré. J’étais un joueur à risque qui ne défendait pas très bien. Pour un entraîneur, ce n’est pas une bonne personne à avoir sur la glace. Quand j’ai été échangé, je savais que j’obtenais un nouveau départ, et c’est exactement ce que j’ai considéré : je ne suis pas assez bon, et surtout pas dans ma gestion du risque et des récompenses, et c’est surtout là-dessus que je dois m’attarder.

« À ce moment-là, je n’avais plus confiance en moi. J’étais tellement absorbé dans ma tête. Je focalisais tellement là-dessus que parfois, ça te prend un nouveau départ. »

C’est à Pittsburgh qu’il a pris ce nouveau départ, et c’est en grande partie grâce au travail qu’il a accompli et à celui de l’équipe d’entraîneurs menée par Mike Sullivan que le Canadien est en mesure d’en récolter les fruits aujourd’hui.

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« Je pense que ce qui s’est passé cette année a beaucoup à voir avec le personnel d’entraîneurs ici et le travail avec les joueurs ici, mais je pense aussi que ça a à voir avec ce qui s’est passé à Pittsburgh pour m’amener à ce point-ci, a indiqué Matheson. Tu regardes Kris (Letang), par exemple, un joueur de calibre international depuis très longtemps. Je savais que je n’allais pas passer en avant de lui. Donc en termes d’opportunités, il n’y a aucun doute que j’ai eu plus d’opportunités ici. »

Depuis le retour de la semaine de congé, le 11 février, aucun défenseur de la LNH n’a marqué plus que les six buts inscrits par Matheson en 19 matchs (Roman Josi de Nashville a également marqué six buts en 18 matchs au cours de la même période). Ses 15 points le placent à égalité au 10e rang des défenseurs de la LNH depuis cette date.

Gérer le risque et la récompense lui posait problème en Floride, et ce n’est pas encore parfait aujourd’hui, mais Matheson sort le plus souvent gagnant de ce calcul, et sa capacité à identifier correctement les situations où il peut prendre un risque offensif sans mettre son équipe dans le pétrin a permis à sa production de venir de manière plus responsable.

« Je pense qu’il a trouvé plus de constance avec ça, estime Martin St-Louis. Tu ne veux pas les empêcher de faire leurs lectures de jeu, n’est-ce pas ? Mais ils doivent apprendre à gérer ça. Pour moi, tout dépend du nombre de jetons que tu as en banque. Si tu fais une mauvaise lecture et que ça te coûte une occasion de marquer ou bien un but, je vais vivre avec si tu as beaucoup de jetons en réserve. Lui il en a accumulé un bon nombre. Je pense qu’il a trouvé une certaine constance en ajoutant constamment des jetons. »

L’analogie avec le poker est rare chez St-Louis, car il puise presque toutes ses images dans le baseball, mais dans ce cas-ci, elle est appropriée. En effet, le poker est essentiellement un jeu de gestion des risques, et c’est ce qui permet à Matheson de s’épanouir avec le Canadien.

(Bruce Bennett/Getty Images)

Que fait Vincent Lecavalier au juste avec le Canadien ?

C’est une question que nous avons souvent entendue et à laquelle, franchement, nous n’avons jamais eu de réponse claire.

En effet, le rôle de Vincent Lecavalier au sein de l’état-major du Canadien n’est pas clairement défini. De la manière dont on nous l’a décrit, il fait un peu de tout.

Cependant, il se concentre principalement sur le recrutement amateur par vidéo. Il regarde beaucoup de vidéos sur les espoirs et, lors de son intronisation au Temple de la renommée du Lightning, vendredi, nous avons eu un petit aperçu de son travail.

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Lecavalier était sur scène avec St-Louis pour participer à une séance de questions/réponses lorsqu’on lui a demandé s’il pouvait se reconnaître dans certains vidéos des joueurs amateurs qu’il surveille, ou à tout le moins utiliser son expérience d’ancien espoir de haut niveau scruté à la loupe. Lecavalier a tout de suite parlé de la difficulté qu’il éprouve à découvrir les aspects intangibles d’un joueur par le biais de la vidéo, comme par exemple évaluer son niveau de détermination.

C’est également un point que Lecavalier a soulevé lorsqu’il s’est adressé aux médias de Montréal lors du camp de développement du Canadien, l’été dernier. Il avait noté que le recrutement par vidéo ne permettait pas de voir comment un joueur se comporte sur le banc, comment il interagit avec ses coéquipiers, ses entraîneurs, etc.

Donc c’est difficile.

« C’est un processus d’apprentissage, mais c’est un sujet qui me passionne, a conclu Lecavalier, et c’est évident que je veux aider Marty. »

C’est à ce moment-là que St-Louis est intervenu.

« Est-ce que je peux dire quelque chose là-dessus? a lancé St. Louis. L’année passé, Vinny et moi on était assis à la table de sélection, au repêchage, et moi je ne suis pas vraiment impliqué auprès des meilleurs espoirs. Mais j’ai été impressionné de voir à quel point ce gars-là était prêt, parce que quand ils annonçaient les choix, il connaissait exactement le joueur et il disait ‘ugh, quel choix terrible’ ou bien ‘ça c’est un excellent choix’.

« Il avait fait ses devoirs, j’étais assez impressionné. »

Le recrutement amateur constitue donc l’essentiel du profil d’emploi de Lecavalier. Il se rendra d’ailleurs en Suisse avec le reste de l’équipe de dépistage amateur et l’état-major de l’équipe pour les Championnats du monde des moins de 18 ans le mois prochain. Mais Lecavalier a également un rôle à jouer dans le recrutement au niveau professionnel. La saison dernière, avant d’appuyer sur la gâchette dans l’échange de Tyler Toffoli, Lecavalier a visionné des vidéos sur Emil Heineman, l’espoir qui a été obtenu dans la transaction en même temps qu’un choix de premier tour. Il a fait de même avec Justin Barron avant que le Tricolore ne conclut l’échange envoyant Artturi Lehkonen au Colorado.

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Et quand Lecavalier a dit qu’il voulait « aider Marty », eh bien, il fait cela aussi, car on nous dit qu’il regarde tous les matchs du Canadien et qu’il a parfois des conversations avec St-Louis au sujet de certains joueurs et qu’il partage certaines idées avec lui.

Ce n’est donc pas une définition de tâche qui est simple, mais Lecavalier s’est gardé très occupé à travailler pour le Canadien. Et l’espoir demeure, comme ça avait été le cas avec St-Louis, qu’une fois que ses enfants seront un peu plus âgés, Lecavalier sera prêt à jouer un rôle à temps plein au sein de la direction.

(Harvard Athletics)

Sean Farrell: brillant espoir, brillant étudiant

Même si l’Université Harvard s’est inclinée en finale de la conférence ECAC, samedi soir contre Colgate, la saison de Sean Farrell n’a pas pris fin pour autant. C’est qu’en plus des six équipes qui ont remporté le tournoi de leur conférence respective, dix autres places ont été attribuées en vue du championnat national de la NCAA par un comité de six personnes, et il ne faisait aucun doute que Harvard allait être retenue en vertu de sa fiche, de la difficulté de son calendrier et de son Rating Percentage Index (RPI), le septième meilleur au pays.

Il faudra donc attendre encore avant d’assister aux débuts de Farrell avec le Canadien.

Le statut du jeune attaquant est un peu particulier. Farrell a profité de la COVID pour peser sur l’accélérateur au plan académique, de sorte qu’il sera en mesure d’obtenir son diplôme de Harvard dès la fin du présent semestre. Plutôt que d’obtenir son diplôme en quatre ans comme la majorité des étudiants, il l’aura donc fait en trois ans. Le fait qu’il ait pris des cours d’été – une pratique de plus en plus répandue chez les meilleurs joueurs universitaires – l’aura également aidé à gagner une année, de sorte qu’après avoir signé son contrat avec le Canadien, il n’aura qu’à suivre un cours ou deux et à faire ses examens finaux de manière à graduer cet été.

Techniquement, le fait que Farrell soit en position de graduer avant le 15 août ouvre la porte à la possibilité qu’il devienne joueur autonome s’il ne s’entendait pas avec le Canadien d’ici là. Au sein de l’agence CAA, qui conseille Farrell, on nous assure que ce scénario ne vaut même pas la peine d’être évoqué, et que l’attaquant de 21 ans entend signer un contrat avec le Tricolore. Mais il va sans dire que cela donne au jeune homme plus de levier en termes de négociations.

Le Canadien va probablement devoir faire son deuil d’un contrat d’entrée doublé d’un essai amateur comme ce qu’a signé Jayden Struble il y a quelques jours. Un tel arrangement aurait permis à Farrell d’aller rejoindre le Rocket de Laval et n’amorcer son contrat de la LNH que la saison prochaine. L’avenue de loin la plus probable est que Farrell s’aligne avec le Canadien sitôt Harvard éliminée de façon à ce qu’il joue le plus de matchs possible à Montréal d’ici la fin de la saison. Si l’équipe doit se résigner à brûler la première année du contrat d’entrée de Farrell, aussi bien que ce soit sur la glace et non seulement sur papier.

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Harvard affronte Ohio State ce vendredi au premier tour du tournoi NCAA. En cas de victoire, Harvard jouerait à nouveau dimanche pour une place dans le Frozen Four, qui aura lieu du 6 au 8 avril à Tampa. Si Harvard atteint la finale, le 8 avril, il ne restera plus au Canadien que deux matchs à disputer à ce moment-là. Autrement dit, Farrell pourrait être disponible dès ce samedi ou aussi tard que le 9 avril.

S’il cherche à terminer de jouer le plus tard possible, il n’est pas impossible non plus que Farrell participe au Championnat du monde au mois de mai. En fonction du nombre de joueurs de la LNH qui formeront l’équipe américaine, il risque en effet d’être considéré.

Farrell n’a peut-être été qu’un choix de quatrième ronde en 2020, mais il a grandement amélioré son profil depuis en étant nommé joueur de l’année dans la USHL en 2021, en participant aux Jeux olympiques de 2022 (où il a terminé premier marqueur de l’équipe américaine) et en recevant la semaine dernière le titre de joueur de l’année dans la conférence ECAC.

C’est un espoir que le CH ne veut pas perdre et on peut s’attendre à ce qu’il fasse tout le nécessaire pour confirmer ses services.

Mattias Norlinder (Minas Panagiotakis/Getty Images)

La ligne bleue du Rocket est un vrai casse-tête

Durant toute l’année, le Rocket de Laval a négocié avec ses propres blessés en plus de regarder plusieurs bons éléments prendre le chemin de Montréal afin de pallier aux nombreuses blessures chez le Canadien. En défense, il y a eu un moment au mois de janvier où le Rocket comptait sur huit arrières dans sa formation et, en l’espace de 24 heures, ce nombre avait fondu à cinq.

Les choses changent vite dans la Ligue américaine, et tout le monde a intérêt à se le rappeler en ce moment à Laval.

Il reste que le jeune défenseur Jayden Struble débarque dans une drôle de situation, car il y a présentement un surplus à la ligne bleue, et dénouer l’impasse ne s’annonce pas évident.

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L’entraîneur-chef Jean-François Houle veut bien le mettre à l’essai, mais le Rocket est également dans une course pour une place en séries et il ne lui reste pas assez de matchs pour procéder à de longues expériences.

« Toutes les équipes de la Ligue américaine composent avec ça à ce temps-ci de l’année, a noté Houle, jeudi. Il y a des gars de l’université qui rentrent, des choix de première ronde, l’an passé on a eu Joshua Roy en fin de saison alors que tout le monde jouait bien… Ce n’est pas évident pour un club de la Ligue américaine parce qu’il faut que tu développes. Il y a un juste milieu entre gagner et développer. »

Ce qui est assez particulier, c’est que deux des meilleurs défenseurs du Rocket par les temps qui courent, Tory Dello et Olivier Galipeau, sont parmi les rares qui n’ont pas de contrat de la LNH. Vu de l’extérieur, on pourrait penser qu’ils seraient vulnérables de céder leur place à des valeurs sûres de la Ligue américaine comme Corey Schueneman, Madison Bowey ou Frédéric Allard, au profit d’espoirs comme William Trudeau, Mattias Norlinder et Struble, ou bien d’un ancien choix de première ronde comme Nicolas Beaudin.

Mais Houle veut aussi y aller au mérite.

« C’est très facile pour moi de dire à Galipeau ‘retourne à Trois-Rivières’, a-t-il invoqué. Ça ferait moins de défenseurs et on ferait de la place pour tout le monde. Mais est-ce que c’est la bonne chose à faire pour ton équipe? Je ne pense pas. Moi, Galipeau, je le garde ici. Qu’il soit dans les estrades ou bien qu’il joue, Galipeau fait partie de l’équipe. Il nous en donne beaucoup trop pour qu’il ne joue pas, et des fois il faut que tu y ailles avec tes meilleurs joueurs. »

Il est arrivé à Beaudin de sauter son tour après des performances difficiles en défense. Plus récemment, Allard a été rayé de la formation à plusieurs reprises et il n’a pas eu beaucoup d’occasions de se faire valoir depuis son acquisition à la date limite des transactions. Et samedi, ça a été le tour du vétéran Bowey de ne pas jouer.

La situation est donc un peu tendue en ce moment, car il y a des défenseurs qui pensent à leur carrière et qui jugent que ce qui se passe présentement ne les sert pas du tout.

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Houle reconnaît que ce n’est pas simple.

« Il faut garder un certain niveau de confort dans le vestiaire, a dit l’entraîneur. À un moment donné ça devient pesant ces affaires-là, ça devient très pesant, et ce n’est pas le fun d’être autour de ça. Ils marchent sur des œufs, ils ne sont pas sûrs s’ils jouent ou non. Et la chimie de l’équipe est aussi très importante. On ne peut pas trop shaker ça, on est au milieu d’une course aux séries éliminatoires. Il y a plusieurs choses qui entrent en ligne de compte, mais on essaie de gérer le mieux possible. »

Ajoutez à cela le rendement de la recrue William Trudeau, qui a failli être cédé à la LHJMQ en tout début d’année et qui s’est avéré l’un des meilleurs défenseurs du Rocket cette saison, et à l’inverse Mattias Norlinder – qu’on aurait jadis identifié comme le plus bel espoir de ce groupe et de qui Houle attendait davantage – et on se retrouve avec une hiérarchie qui est sans dessus dessous.

Le Rocket achète du temps en employant souvent sept défenseurs, et qui sait si le statut de Kaiden Guhle à Montréal ne mènera pas à un rappel. Mais même si Struble a le potentiel pour tirer son épingle du jeu au milieu de cette brigade défensive, encore faut-il que Houle ne casse pas trop de vaisselle pour lui en donner l’opportunité.

(Éric Bolté/USA Today)

Emil Heineman bientôt en direction de Laval

Selon le moment où vous lisez ces lignes, le Canadien est sur le point d’annoncer, ou bien vient d’annoncer qu’Emil Heineman se joindra au Rocket pour le reste de la saison. Après la signature de Struble, cela donnera un nouvel élan aux espoirs du Rocket en vue des séries éliminatoires. Il est également fort possible que dès que le Canadien aura récupéré quelques attaquants en santé, il renverra non seulement Anthony Richard, mais aussi Jesse Ylönen et Rafaël Harvey-Pinard à Laval afin d’aider le Rocket à poursuivre sa poussée vers les séries.

Ylönen et Harvey-Pinard sont les seuls joueurs qui ont été rétrogradés sur papier à la date limite des transactions afin de les rendre admissibles aux séries de la LAH, et le Tricolore aimerait les ramener à Laval bientôt.

Quant à Heineman, après un solide camp d’entraînement avec le Canadien, il n’a pas semblé faire un grand pas en avant avec sa formation suédoise de Leksands, avec huit buts et 15 points en 35 matchs, ce qui n’est pas très différent des 11 buts et 16 points en 38 matchs qu’il a inscrits la saison dernière. Il a pourtant obtenu plus de temps de glace cette année. Mais Heineman n’a que 21 ans et il est possible que son jeu soit mieux adapté aux dimensions de glace et au style de l’Amérique du Nord.

Il semblerait que nous soyons sur le point de le vérifier.

(Photo de Mike Matheson: David Kirouac/USA Today)

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