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Article de synthèse

La production du bissap (Hibiscus sabdariffa L.) au Sénégal


Mady CISSE1,2, Manuel DORNIER1*, Mama SAKHO2, Codou MAR DIOP2, Max REYNES1, Oumar SOCK2

1
UMR 95 Qualisud, Bissap (Hibiscus sabdariffa L.) production in Senegal.
Montpellier SupAgro, CIRAD,
TA B-95/16, Abstract –– Production area. Introduced in the XIXth century, H. sabdariffa L. is grown throu-
73 rue Jean-François Breton, ghout the territory of Senegal, particularly in the Kaolack, Djourbel, Thies, Saint-Louis and Louga
F-34398 Montpellier Cedex 5, regions. Agricultural practises. In these areas, cultivated surfaces vary between (0.25 and 5) ha
France and are managed for the most part by women who are grouping together more and more in
[email protected] associations or economic interest groups. It is grown in the winter period in a cycle of (120 to
165) days, depending on traditional practises, and usually without fertilizer. The harvest and
2 post-harvest treatments are carried out manually, while drying is carried out in the sun and often
ESP, Dép. GCBA, BP 5085,
Dakar Fann, Sénégal directly on the floor. Varieties. Two types of H. sabdariffa are found: the green and red types.
The red type includes mainly four varieties (Vimto, Koor, CLT 92 and Thai) with different cha-
racteristics. Transformation. The main processing activities of the H. sabdariffa calyx are
crushing, and the production of drink and concentrate, jam and instant powder. The manufacture
of beverages, the main method of transformation, carried out under the direction of women's
groups, has remained virtually artisanal. Markets. With a support program of the Senegalese
state, the increase in the cultivated areas and the number of actors, H. sabdariffa occupies an
important place in the marketing of agricultural products in Senegal. The export of dried calyx
of H. sabdariffa to Europe and the United States at prices between (1,000 and 2,500) $US·t–1
is increasing year by year.

Senegal / Hibiscus sabdariffa / vegetable growing / interest groups / processing /


markets

La production du bissap (Hibiscus sabdariffa L.) au Sénégal.


Résumé –– Zones de production. Introduit au XIXe siècle, le bissap (H. sabdariffa L.) est
cultivé sur l’ensemble du territoire sénégalais et plus particulièrement dans les régions de
Kaolack, Djourbel, Thiès, Saint-Louis et Louga. Pratiques agricoles. Dans ces régions, les
superficies utilisées varient entre (0,25 et 5) ha et sont gérées pour la majeure partie par des
femmes qui se regroupent de plus en plus en association ou en groupement d’intérêt écono-
mique. La plante est cultivée en période d’hivernage sur un cycle de (120 à 165) j selon des
pratiques traditionnelles, généralement sans apport d’engrais. La récolte et les traitements
post-récoltes sont effectués manuellement et le séchage est réalisé au soleil, souvent à même
le sol. Variétés. Deux types d’H. sabdariffa sont rencontrés : le type vert et le type rouge qui
* Correspondance et tirés à part comprend essentiellement quatre variétés (Vimto, Koor, CLT 92 et Thaï) aux caractéristiques
différentes. Transformation. Les principales activités de transformation des calices
d’H. sabdariffa sont le concassage, la production de boisson, de concentré, de confiture et de
Reçu le 4 juin 2008 poudre instantanée. La fabrication de boisson, principale voie de transformation, effectuée
Accepté le 24 août 2008 sous la direction de groupements féminins est restée quasiment artisanale. Marchés. Bénéfi-
ciant d’un programme d’appui de l’État sénégalais, l’augmentation des superficies cultivées et
du nombre d’acteurs économiques impliqués dans la filière de production du bissap confè-
Fruits, 2009, vol. 64, p. 111–124 rent aujourd’hui à cette culture une place importante dans la commercialisation des produits
© 2009 Cirad/EDP Sciences agricoles au Sénégal. L’exportation des calices secs d’H. sabdariffa vers l’Europe et les États-
All rights reserved Unis à des prix situés entre (1 000 et 2 500) $US·t–1 augmente d’année en année.
DOI: 10.1051/fruits/2009006
www.fruits-journal.org
Sénégal / Hibiscus sabdariffa / culture maraîchère / groupe d'intérêt /
RESUMEN ESPAÑOL, p. 124 traitement / marché

Fruits, vol. 64 (2) 111

Article published by EDP Sciences and available at http://www.fruits-journal.org or http://dx.doi.org/10.1051/fruits/2009006


M. Cisse et al.

1. Introduction titut de Technologie Alimentaire (ITA) de


Dakar, l’Institut Sénégalais de Recherches
Hibiscus sabdariffa L. de la famille des mal- Agronomique (ISRA), le Centre de Dévelop-
vacées est connu sous différentes appella- pement Horticole (CDH) de Dakar de
tions : oseille de Guinée, bissap au Sénégal, l’ISRA, la Direction de Protection des Végé-
karkadé en Afrique du Nord, roselle, sorrel taux (DPV) du ministère de l’Agriculture du
ou sour tea en anglais, ngai-ngai en Afrique Sénégal, le groupement d’intérêt économi-
centrale, groseille de Noël aux Antilles, flo- que Valorisation des Produits Végétaux
res de Jamaica en Amérique centrale [1–7]. (VAPROVET) et l’antenne sénégalaise de
C’est une plante herbacée, annuelle, à l’Agribusiness in Sustainable Natural Afri-
feuilles alternes. Les fleurs sont axillaires can Plan Products (ASNAPP). Par ailleurs,
solitaires, formant de faux épis lâches et her- une série d’enquêtes a été réalisée auprès
maphrodites. L’espèce est autogame. des acteurs de la filière (producteurs, com-
merçants, consommateurs, etc.) et des visi-
Au Sénégal, le bissap a été introduit à par- tes de terrains ont été menées durant les
tir du XIXe siècle [8]. Il y est aujourd’hui cul- campagnes agricoles de 2005 à 2007.
tivé sur l’ensemble du territoire national,
principalement dans le bassin arachidier, au
centre du pays, comprenant les régions de
Djourbel, Kaolack, Fatick et Thiès.
2. Méthodes d’enquêtes
La culture de bissap se présente actuel- Les enquêtes menées de 2005 à 2007 ont été
lement comme une source de revenus non basées sur des discussions ouvertes avec dif-
négligeable pour les agriculteurs sénégalais férents acteurs de la filière. Quinze produc-
[9]. Cette culture représente une autre teurs localisés dans les régions de Kaolack,
option de production de rente dans une Djourbel, Thiès et Louga ont ainsi été inter-
région qui souffre du déclin de la filière de rogés sur les lieux de production. Dans ce
l’arachide. De nombreux producteurs culti- cas, la discussion générale a englobé tous
vent le bissap pour leur propre consomma- les aspects de leurs activités. Des questions
tion et les surplus sont commercialisés aussi précises ont systématiquement été abordées
bien sur le marché local que vers ceux portant, par exemple, sur la période de
d’exportation. semence, de récolte, le temps de travail con-
sacré à la culture d’H. sabdariffa, l’utilisa-
Dans notre article, nous avons cherché à
tion d’engrais, ainsi que sur la nature des
décrire les principaux éléments caractéristi-
techniques culturales, l’utilisation et la des-
ques de la filière bissap, de sa production
tinée des calices, l’identification des clients
jusqu’à sa commercialisation. L’objectif de
et la définition des prix de vente, etc.
ce travail a été d’apporter quelques élé-
ments d’analyse sur les différents segments Quinze grossistes et 30 détaillants pré-
et acteurs de cette filière. Il traite tour à tour sents sur des marchés urbains ont été inter-
de la culture et des traitements post-récoltes rogés. Les marchés sélectionnés pour ces
de la plante, des producteurs, des commer- entretiens ont été ceux de Grand Yoff, de
çants et des circuits de distribution et de Castor et du marché de la gare ferroviaire à
commercialisation, en passant par les opé- Dakar ; de Thiaroye et de Sandicat de Pikine
rations et les acteurs de sa transformation. dans la banlieue dakaroise ; du marché cen-
Seules les variétés d’H. sabdariffa cultivées tral de Kaolack et de celui de Touba à Djour-
pour la production de calices rouges sont bel dans les régions. Des vendeuses de bis-
considérées dans notre étude. sap installées sur les bords de routes ont
également été interrogées à l’occasion des
Nous nous sommes appuyés tout d’abord déplacements inter-régionaux (dix vendeu-
sur différents documents produits par des ses sur l’axe routier Dakar-Kaolack, huit sur
organismes travaillant sur cette filière : l’Ins- l’axe Dakar-Touba). Lors des visites dans les
marchés, vingt-cinq clientes qui venaient
1
http://www.fintrac.com, Fintrac, Étude de acheter des calices ont été interviewées.
marché sur l’Hibiscus sabdariffa, 1999, con- Enfin, des consommateurs ont été rencon-
sulté en 2007. trés dans les points de vente de la boisson,

112 Fruits, vol. 64 (2)


H. sabdariffa au Sénégal

notamment dans les marchés, les écoles, les


lycées et à l’université Cheikh Anta Diop de
Podor Mauritanie
Dakar. Océan
Richard-Toll
Atlantique
SAINT LOUIS
Vimto, Koor
LOUGA
3. Zones de production Vimto, Koor Matam
THIES Linguère
Au Sénégal, les régions de Kaolack, Djour- Dakar Vimto, Koor
bel, Thiès, Louga et Saint-Louis correspon- Gorée DIOURBEL
Vimto, Koor Nayé
dent aux zones où la culture d’H. sabdariffa
KAOLACK Mali
est une activité ancienne, généralement TAMBACOUNDA
Vimto, Koor, Thai, Violette, Thai
menée en mode de production extensif CLT 92, Yoump
(figure 1). Gambie
Goumbati
Dans la zone Nord (Louga et Saint-Louis),
KOLDA
le bissap est cultivé principalement en Burkinabé
KEDOUGOU
lignes, sur les diguettes de délimitation de Violette
Ziguinchor
parcelles de riz dans le Walo, région proche Guinée
de Saint-Louis, et en association avec les cul- Bissau Guinée
tures de mil, de maïs ou d’arachide dans le
Diéri. Le Diéri est un terme géographique Zones principales
d'origine toucouleur qui désigne les terres de culture
Autres zones
non inondables de la vallée du fleuve Séné- de production
gal. Celles-ci se situent dans la région de
Saint-Louis.
Dans la zone centre (Kaolack, Djourbel), vert nommé « bissap vert » est principale- Figure 1.
le bissap se cultive principalement en asso- ment utilisé comme condiment dans les sau- Aire approximative de la
ciation avec l’arachide ou le mil. Cependant, ces (calices) ou comme légume-feuilles dans production d’Hibiscus
les cas de monoculture y sont de plus en l’alimentation des populations [10, 11]. Le sabdariffa au Sénégal et
principales variétés cultivées.
plus fréquents du fait des opportunités type rouge est utilisé essentiellement pour
d’exportations de calices secs d’H. sabda- la préparation de boissons [12] ; il regroupe
riffa. Cette augmentation de la monoculture quatre variétés : « Koor », « Thaïlandaise »,
de bissap est favorisée par l’appui d’orga- « CLT 92 » et « Vimto » (figure 2). D’autres
nismes non gouvernementaux tels que variétés rouges (« Bambara », « Burkina »,
l’ASNAPP (Agribusiness in Sustainable « Violette » ou ordinaire) sont également cul-
Natural African Plant Products) au Sénégal, tivées.
VAPROVET (association constituée de cher-
La variété « Vimto » donne des fleurs de
cheurs de l’Université Cheikh Anta Diop de
gros diamètre (4,5 cm) et de grande lon-
Dakar au Sénégal) ou la fondation « Éduca-
gueur (8,5 cm) avec des sépales rouge vif
tion-Santé » qui fournissent aux producteurs
ouverts vers l’extérieur. Les teneurs en
des semences pures. Ces organismes jouent
anthocyanes des calices secs sont de (10 à
de plus en plus un rôle de centrale d’achat
15) g·kg–1 et celles en vitamine C sont de
pour l’exportation des calices.
0,5 g·kg–1. Les calices sont de couleur rouge
La culture du bissap est moins développée sombre et peu acidulés. Le rendement en
dans les zones Est et Sud (régions de Tam- calices séchés peut atteindre dans les con-
bacounda, Kolda). Elle y est presqu’exclusi- ditions optimales 500 kg·ha–1 [9]. La variété
vement réalisée en association avec le mil, est présente dans toutes les zones agro-éco-
l’arachide ou le maïs. logiques du Sénégal (tableau I). Cette variété,
originaire du Soudan, bénéficie d’une excel-
lente réputation sur les marchés internatio-
4. Variétés naux.
Au Sénégal, deux types d’H. sabdariffa sont La variété « Koor » se distingue par un
utilisés : le type vert et le type rouge. Le type calice conique de petite taille (diamètre

Fruits, vol. 64 (2) 113


M. Cisse et al.

3,5 cm et longueur 4,5 cm). Elle est moins


riche en extrait sec et en anthocyanes
(3–7 g·kg–1) mais présenterait des teneurs
élevées en acides organiques. Ses calices
sont plus acides que ceux de la variété
« Vimto ». Son rendement en calices séchés
est compris entre (250 et 300) kg·ha–1
(tableau I). Elle est cultivée dans toutes les
zones agro-écologiques du pays notamment
dans le bassin arachidier où elle y est con-
nue depuis longtemps. La production de
cette variété locale est moins développée
que celle de la variété « Vimto ». Cependant,
lors des entretiens avec les acteurs de la
filière, notamment avec les exportateurs,
certains ont clairement indiqué que la
variété Koor était demandée en raison de
son acidité élevée. Elle est facile à commer-
cialiser du fait de sa relative rareté. Selon les
témoignages recueillis, cette variété est uti-
lisée en mélange avec la variété « Vimto »,
pour rehausser le goût acidulé lors de la
transformation des calices en boisson et
confiture.
La variété « Thaïlandaise » appelée « Thaï »,
se distingue de toutes celles précitées par la
grande taille de la plante (2 m de haut).
Figure 2. Cette variété a été sélectionnée en Thaïlande
Calices séchés de quatre variétés d’Hibiscus sabdariffa cultivées au Sénégal. pour sa richesse en fibres. Ses calices rouges

Tableau I.
Caractéristiques des variétés d’Hibiscus sabdariffa de type rouge, cultivées au Sénégal.

Variétés Origine Zones de culture Morphologie Dimensions calices Cycle Couleur Rendement
(longueur/diamètre) végétatif calices (kg·ha–1
(cm) (jours) calices secs)

Vimto Soudan Toutes zones Sépales ouverts vers 8,5 / 4,5 140 Rouge 500
l’extérieur, droits, légèrement sombre
recourbés au sommet
Koor Sénégal Toutes zones avec Calice de forme conique 4,5 / 3,5 120 Rouge clair 250–300
prédominance dans
la région de Kaolack
Thai Thaïlande Kaolack, Arbre de grande taille (2 m), 4,5 / 3,5 165 Rouge clair 250–300
Tambacounda riches en fibres
CLT 92 Mexique Kaolack Arbre de taille moyenne 4,5 / 3,5 130 Rouge 250–300
foncé ou
bleu violacé
Burkinabé Burkina Faso Kolda, Kaolack Calice de forme conique 4,5 / 3,5 120 Rouge 250
Yoump Sénégal Kaolack Calice de forme conique 4,5 / 3,0 140 Rouge 250
Violette Sénégal Kédougou, Hybride naturel entre les 4,5 / 3,0 140 Violet 250
Tambacounda variétés Koor et Yoump

114 Fruits, vol. 64 (2)


H. sabdariffa au Sénégal

Figure 3.
juin juill. août sept. oct. nov. déc. janv. fév.
Schéma de la phénologie
Préparation sol et labour
moyenne d’Hibiscus sabdariffa
Semis
au Sénégal définie à partir
Sarco-binage
d’enquêtes de terrain.
Epandage engrais de fond
Epandage engrais entretien
Floraison
Récolte et séchage
Conditionnement / stockage

sont mouchetés. Son cycle végétatif est 5. Pratiques agricoles


assez long (165 j contre 140 j pour « Vimto »)
et sa production de calices est inférieure à 5.1. Culture
celle de « Vimto » (tableau I). La variété
« Thaïlandaise » est surtout présente dans la Le bissap est cultivé au Sénégal en période
région de Kaolack et plus particulièrement d’hivernage (saison des pluies) sur un cycle
dans le département de Nioro du Rip. Elle de (120 à 165) jours. Des cultures sous irri-
a été introduite par l’ASNAPP-Sénégal et la gation sont également possibles. Le semis
fondation Éducation-Santé présidée par est effectué en juillet-août, au début de la
Mme Viviane Wade. saison des pluies, à raison de (4 à 5) kg de
La variété « CLT 92 » est une variété à pig- graines par ha [13–15] (figure 3). Le semis
ments bleu-violacé ou rouge foncé introduit se fait en poquets. Le semis direct en place
par VAPROVET. Pour cette variété, les ren- est fait à raison de (3 à 5) graines par poquet,
dements en calices secs sont estimés entre à une profondeur de (2 à 3) cm. Certains
(250 à 300 kg·ha–1) (tableau I). producteurs font des semis en pépinière
ombragée, puis ils transplantent au champ
Les variétés « Thaï » et « CLT 92 » ont été les jeunes plants âgés de 4 semaines environ.
introduites récemment au Sénégal. Leur cul-
ture commence à se développer. Toutefois Les écartements utilisés sont en moyenne
leurs caractéristiques ne sont pas encore de (40 à 60) cm sur la ligne et de (60 à
tout à fait connues. Des travaux sont en 90) cm entre les lignes, soit des densités
cours pour une meilleure connaissance de de (18 500 à 41 500) plants·ha–1 selon que
leurs potentialités nutritionnelles et biochi- le mode de production est intensif ou exten-
miques en vue d’orienter leurs utilisations. sif [9].
Généralement, les producteurs, du fait
La variété « Burkinabé » a des caractéris-
d’un manque de moyens, n’ont pas recours
tiques morphologiques (calice) et agrono-
à l’utilisation d’engrais chimiques. Ils utili-
miques proches de celles de « Koor ». Sa
sent le plus souvent des déjections animales
coloration est proche de celle de « Vimto ».
(vache, cheval, mouton) pour apporter de
Elle est présente principalement dans les
la matière organique. Pendant la culture, les
régions de Kolda et de Kaolack.
paysans appliquent rarement (voire pas du
La variété « Yoump », très proche de tout) des traitements phytosanitaires sur leur
« Koor », a un calice rouge de forme conique culture de bissap pour trois principales
et à bractéoles relativement longues (2/3 de raisons : (1) le bissap est une plante robuste
la longueur des sépales) et de grande taille. qui résiste bien aux insectes et autres para-
Son acidité est très faible. C’est une variété sites ; (2) la culture du bissap est encore pra-
traditionnelle cultivée au centre du bassin tiquée de manière extensive avec des varié-
arachidier, c’est-à-dire dans la région de tés multiples et en mélange ; (3) après semis
Kaolack. et apparition de la plante, un sarco-binage
La variété Violette porte le nom de sa et un labourage de la terre sont effectués.
coloration. Elle pourrait dériver d’une hybri- En fonction de la pluviométrie, le paysan
dation naturelle entre la variété « Koor » et peut être amené à désherber le champ. Les
la variété « Yoump ». Elle est rencontrée au traitements à appliquer en cas d’attaque
Sénégal oriental. parasitaire sont mal connus.

Fruits, vol. 64 (2) 115


M. Cisse et al.

La superficie des cultures varie en est probablement liée à la généralisation de


moyenne de (0,25 à 5) ha par exploitation l’utilisation d’engrais en Asie.
[2, 9]. Cependant, les petites superficies L’évolution de la production sénégalaise
(0,25 ha) demeurent de loin les plus cou- semble suivre celle des superficies puisque
rantes. Elles sont souvent exploitées par des l’accroissement du rendement par hectare
femmes. est relativement faible, voire nul, ce qui
Le bissap étant cultivé sur l’ensemble du explique la faible vitesse d’accroissement de
territoire sénégalais, sa culture se fait donc la production nationale. En d’autres termes,
sur tous les types de sols : les sols sableux les superficies augmentent, alors que les
profonds au nord et au centre du bassin ara- pratiques agricoles ont peu évolué. Un sim-
chidier, les sols sablo-argileux des plateaux ple apport d’engrais à une dose optimale et
de la basse et moyenne Casamance ou les l’amélioration des pratiques agricoles pour-
sols gravillonnaires peu profonds de la raient rapidement augmenter de façon signi-
haute Casamance et du nord-est du Sénégal ficative la production nationale.
oriental. Le bissap est essentiellement cul-
tivé sur des terrains plats. 5.3. Traitements postrécoltes

5.2. Récolte Après la récolte, interviennent les étapes de


décorticage, séchage, conditionnement et
Les calices se récoltent à la main, (2 à stockage des calices secs d’H. sabdariffa
3) semaines après la floraison, habituelle- (tableau II).
ment (4 à 6) mois après le semis, avant que
le fruit ne se dessèche et ne s’ouvre [14]. Des 5.3.1. Le décorticage
cueillettes régulières prolongent la floraison.
Le décorticage est une opération manuelle,
Les enquêtes sur le terrain ont confirmé délicate et nécessitant une main-d’œuvre
que la récolte est exclusivement réalisée par importante. Il consiste à prendre le fruit
des femmes. À ce stade, les calices sont ten- entre les deux mains puis à faire une incision
dres et charnus. La cueillette s’effectue en verticale avec les deux pouces pour séparer
prenant le calice dans une main et en l’arra- la capsule et le calice (figure 4). Il est sou-
chant d’un coup sec pour le détacher de la vent pénible et douloureux à cause de la
plante. Le critère de récolte le plus utilisé par pression à exercer sur les calices et la cap-
les paysans est la couleur rouge vif caracté- sule et, pour certaines variétés, la présence
ristique des calices. Ceux-ci sont rassemblés de poils urticants gênants.
dans des paniers en osier ou en plastique,
des sacs en plastique ou en jute qui servent Certaines opératrices coupent la base
à les transporter. pédonculaire de la fleur à l’aide d’un cou-
teau pour libérer la capsule et obtenir un
La récolte a lieu de novembre à janvier calice circulaire fermé. Cette méthode peut
(figure 3) et la distribution des fleurs sur les endommager la capsule qui s’ouvre partiel-
marchés se déroule de décembre à mai. Au- lement et libère les graines. Des pertes par
delà du mois de mai, les calices séchés per- brisure des sépales supérieurs sont fréquen-
dent de leur couleur et donc de leur valeur tes avec le couteau. Pour réduire ces pertes,
marchande. certaines paysannes ne décortiquent les
Les rendements de culture, en fonction fleurs que 24 h après la récolte. Les discus-
des variétés, varient entre (250 à 1000) kg sions menées auprès des producteurs ont
de calices séchés par hectare et autant de mis en évidence un réel besoin de mécani-
graines [9]. Le rendement moyen en calices sation de cette opération qui constitue un
sec d’H. sabdariffa se situe autour de frein important au développement de la
250 kg·ha–1. Le ratio massique [calices culture.
séchés / calices frais] est voisin de [1 / 10].
Le rendement en calices au Sénégal est 5.3.2. Le séchage
6 fois plus faible qu’en Asie où les rende-
ments sont en moyenne de 1500 kg de cali- Le séchage est effectué après le décorticage.
ces sec par hectare [16, 17]. Cette différence Il permet de réduire l’humidité des calices

116 Fruits, vol. 64 (2)


H. sabdariffa au Sénégal

Tableau II.
Caractéristiques de la récolte et des étapes de la postrécolte d’Hibiscus sabdariffa
au Sénégal.

Opérations Période Conditions

Récolte Novembre à janvier • Réalisée par les femmes pour la plupart


• 2 à 3 fois tous les 10 j
• Manuelle avec un sécateur ou un couteau et une bassine
Décorticage Novembre à janvier • Exclusivement par les femmes et les enfants
• Manuel avec ou sans couteau
• Au plus tôt 24 h après la récolte
Séchage Novembre à janvier • Toile de nylon ou natte sur le sol
• Claies disposée en hauteur (1,0 m du sol)
• Au soleil, pendant (6 à 8) j
• Ramassage des calices en fin de journée
• Humidité finale 14–16 %
Conditionnement Janvier • Pour le marché sénégalais ou sous-régional :
conditionnement en vrac ou en sachet individualisé
• Pour l’exportation : conditionnement en sac de jute de
50 kg
Stockage Février • À l’air libre le plus souvent
• Sous abri dans les marchés
• Dans un local ordinaire avec d’autres produits agricoles
ou non

de 86 % à 16 %, voire à 14 % pour une des sur les cinétiques de séchage et leur Figure 4.
bonne conservation. Actuellement le séchage impact sur la qualité des calices devront être Séance de décorticage
des calices en milieu rural se fait par expo- envisagées pour une meilleure maîtrise de d’Hibiscus sabdariffa dans le
sition directe au soleil sur des nattes, des cette étape. village de Thiaré au Sénégal.
tôles ou des toiles en plastique étalées direc-
tement sur le sol (figure 5). Cette méthode
présente des inconvénients majeurs : risque
important de contamination microbienne,
présence de sable et de débris divers, dégra-
dation des anthocyanes. La durée du
séchage est de (6 à 8) jours.
Pour se plier aux exigences des collec-
teurs et transformateurs, des soins doivent
être apportés lors du séchage en vue d’obte-
nir des produits contenant le moins possible
de corps étrangers (brindilles, sable,
feuilles, etc.). Un système de séchage sur
claies fabriquées à partir de sacs tissés en
propylène a été testé lors de la campagne
2006 par l’ASNAPP-Sénégal dans le village
de Thiaré et dans le département de Nioro
du Rip dans la région de Kaolack (figure 6).
Quel que soit le mode de séchage au
soleil, des pertes en anthocyanes et en aci-
des organiques sont observées [18]. Des étu-

Fruits, vol. 64 (2) 117


M. Cisse et al.

Figure 5. 5.3.4. Le transport et le stockage


Séchage des calices
d’Hibiscus sabdariffa sur des Les résultats des enquêtes ont montré que
nattes à même le sol. le transport des calices secs d’H. sabdariffa
entre les zones de production et les centres
urbains se faisait par des camions d’une
capacité de (15 à 30) t. Ce transport peut être
effectué en même temps que celui d’autres
productions telles que l’arachide, le mil et
le maïs. Le prix dépend de la distance et se
situe entre (10 et 20) FCFA·kg–1.
Au cours des enquêtes, nous avons pu
noter l’absence de structures spécifiques de
stockage du bissap séché conditionné. Le
plus souvent, les produits emballés ou en
vrac sont stockés à l’air libre ou sous abri
dans les grands marchés urbains, ou encore
dans un local ordinaire polyvalent où sont
stockés d’autres denrées. La durée de stoc-
kage est variable ; elle est fonction de la
consommation ou de la commercialisation
des calices d’H. sabdariffa. Ceux-ci peuvent
être conservés jusqu’à la prochaine récolte.
Cependant, selon les producteurs et com-
merçants interrogés, la couleur rouge des
calices passe au brun noir à partir de 3 mois.
En conclusion, il ressort de notre étude
qu’il n’existe pas de structures appropriées
de décorticage, de séchage, de condition-
nement et de stockage des calices
d’H. sabdariffa. Ces opérations effectuées
en l’absence d’infrastructure appropriée
entraîneraient une dégradation importante
de la qualité des calices.

6. Transformation

Les principales activités de transformation


Figure 6. 5.3.3. Le conditionnement sont le concassage, la production de bois-
Séchage des calices son, concentré et confitures.
d’Hibiscus sabdariffa sur des Les calices séchés sont ramassés et vendus
claies. en vrac ou en sachets individuels dans toute
l’Afrique de l’Ouest. Pour l’exportation, les 6.1. Calices secs entiers ou
calices séchés sont mis en ballots de 50 kg concassés
dans des sacs en propylène tissé. L’embal-
lage des calices séchés dans des sacs en pro- Les fleurs séchées collectées sont triées, net-
pylène est le mode le plus employé à cause toyées et mises en sachet pour l’approvi-
de la bonne aération que permet ce genre sionnement des populations urbaines à des
d’emballage et de son faible coût. Le prix du fins domestiques pour la confection de jus
sac varie entre (50 et 100) FCFA. Ce condi- de bissap. La Société SETEXPHARM (Étude
tionnement est utilisé aussi bien par les pro- et d’Exploitation des végétaux à usage Phar-
ducteurs que par les collecteurs. maceutique), une société privée anonyme à

118 Fruits, vol. 64 (2)


H. sabdariffa au Sénégal

responsabilité limitée basée à Dakar, est en de quartier ; leur consommation ne fait pas
train de développer la commercialisation de l’objet de vulgarisation.
bissap séché en sachet « prêt à l’emploi » en Des essais de production de poudre de
visant également les marchés régionaux et bissap atomisée ont été menés avec succès
internationaux. Elle est actuellement la par l’Institut de Technologie Alimentaire
seule entreprise sur ce secteur du marché. (ITA) de Dakar en partenariat avec le centre
Wallon de Belgique (CWBI) et l’École Supé-
6.2. Production de boisson et rieure Polytechnique (ESP) de l’université
concentré de bissap Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Pour
aider les transformateurs et transformatrices,
l’ITA, en particulier, a mis en place des pro-
La production de boisson est effectuée, de
cédures et formules de fabrication de divers
façon artisanale à partir de la transformation
produits à partir des calices d’H. sabdariffa
des calices d’H. sabdariffa, principalement
[19].
par des groupements féminins qui alimen-
tent d’une part les marchés et d’autre part
les hôtels de Dakar et des zones touristi-
ques. Les transformatrices rencontrées utili- 7. Les opérateurs de la filière
sent un ratio de 1 kg de calices secs pour
35 kg d’eau potable. Après macération pen-
dant 3 h, l’extrait est filtré et sucré à une 7.1. Opérateurs de production
dose de 150 g de sucre·L–1 de filtrat.
D’autres ingrédients tels que de l’eau de Selon nos enquêtes, les producteurs de bis-
fleurs d’oranger, des morceaux de fruits sap peuvent être répartis en deux grands
peuvent être ajoutés à la boisson. Certaines groupes : l’un, représenté par environ 70 %
transformatrices effectuent une pasteurisa- d’entre eux, est constitué par les produc-
tion à des températures voisines de 100 °C teurs traditionnels qui cultivent le bissap
pendant 10 min puis un conditionnement à autour des champs des grandes cultures ;
chaud dans des bouteilles en verre. l’autre groupe, environ 30 % des produc-
Pour la fabrication de concentré de bis- teurs, est constitué par les groupements
sap, le ratio utilisé est de 1 kg de calices sec féminins et groupement d’intérêt économi-
pour (5 à 10) kg d’eau potable. Après extrac- que qui commencent à faire des parcelles
tion et ajout de sucre, une évaporation par de culture de bissap sur des superficies
ébullition à pression atmosphérique est réa- variant de (1 à 5) ha.
lisée jusqu’à obtenir une solution plus ou
moins concentrée. Faute de moyens techni- 7.2. Opérateurs de transformation
ques adéquats, d’un réfractomètre par
exemple, les femmes utilisent leur savoir-
Les transformateurs de bissap au Sénégal
faire et expérience pour déterminer la fin du
peuvent être répartis en deux groupes : les
chauffage.
transformateurs artisanaux et les transfor-
mateurs industriels.
6.3. Poudre de bissap et confitures Les transformateurs artisanaux ne dispo-
sent pas souvent des équipements leur per-
La production de confitures à partir du bis- mettant d’appliquer correctement les procé-
sap est une activité marginale menée égale- dés préconisés par l’ITA ou ne les maîtrisent
ment par des groupements féminins de pas. Aussi, l’ITA organise-t-il régulièrement
façon artisanale. Ces produits, auxquels peu des sessions de formation qui leur sont des-
de consommateurs sénégalais ont accès, tinées. L’ITA, le CWBI et l’ESP ont mis en
sont destinés pour la plupart aux hôtels et place en janvier 2008 une société (SODE-
aux grandes surfaces. Cela est dû à trois BIO) à responsabilité limitée de développe-
principales raisons : le coût de ces produits ment des biotechnologies. Cette société
est relativement élevé ; ils ne sont pas dis- commercialise actuellement de la poudre de
ponibles dans les marchés et les boutiques bissap atomisée auprès de la société OASIS,

Fruits, vol. 64 (2) 119


M. Cisse et al.

société sénégalaise dont l’activité principale et 35 % à en consommer moins de 20 %.


est la vente de sucre et de boissons gazeu- Dans ces régions, sur 100 kg de calices
ses, et du CWBI. récoltés, 55 kg sont destinées à l’autocon-
Plusieurs grandes sociétés industrielles sommation.
sénégalaises se sont intéressées à la trans- La commercialisation des calices
formation des calices d’H. sabdariffa en d’H. sabdariffa est assurée par les produc-
commanditant des études sur le sujet pour teurs, les vendeurs ambulants et les grossis-
une production à l’échelle industrielle aussi tes établis le plus souvent au niveau des
bien pour le marché local que pour celui marchés urbains. Ces grossistes approvi-
d’exportation. Les principales contraintes sionnent les exportateurs de calices secs.
qui ont été identifiées à cette échelle sont Mais, de plus en plus, pour répondre aux
le manque d’homogénéité de la matière pre- exigences de qualités de leurs clients, les
mière compromettant la régularité de la qua- exportateurs organisent le ramassage par
lité du produit (mélange de variétés) et, d’un secteur et par variété. Pour cela, ils tra-
point de vue technologique, la décoloration vaillent, par contrat, en étroite collaboration
des boissons au cours du temps. Ainsi, avec les producteurs en leur fournissant les
jusqu’à présent, une seule entreprise indus- semences et les intrants agricoles. Par exem-
trielle, la « Laiterie du berger » située dans la ple, lors de la campagne 2006, ASNAPP-
région de Saint-Louis, propose une boisson Sénégal, qui était sous contrat avec des
en brique de 0,5 L. producteurs, a proposé un prix de
750 FCFA·kg–1 de calices secs. Ce prix a été
jugé peu attractif par les producteurs con-
cernés qui n’ont consenti à vendre à l’asso-
8. Économie du bissap ciation qu’une partie de leur production. En
effet, du fait de la perte de poids des calices
8.1. Importance économique de la frais après séchage, la commercialisation
des calices secs s’avère plus favorable aux
culture
producteurs si elle se fait au volume plutôt
Avec des superficies cultivées moyennes qu’au poids. Lors de la campagne 2007, ce
comprises entre (5 000 et 6 500) ha pour une prix a été revu à la hausse à 800 FCFA·kg–1
production nationale de (1 200 à 3 000) t et de calices secs de bissap.
une estimation de 30 000 à 40 000 produc- Des négociations entre producteurs et
teurs, l’H. sabdariffa occupe actuellement opérateurs devraient permettre prochaine-
une place importante, au Sénégal, dans la ment de définir clairement des modalités de
commercialisation des produits agricoles. À commercialisation tenant compte des inté-
l’instar des cultures de rente, le bissap four- rêts des deux parties.
nit aux producteurs de substantiels revenus.
Bien que l’autoconsommation soit impor-
tante, la majeure partie de la production de 8.2. Les marchés du bissap
calices est vendue soit sur les marchés
locaux, soit sur ceux d’exportation. 8.2.1. Marché local
Ainsi, nos enquêtes réalisées sur le terrain Les besoins en calices d’H. sabdariffa du
ont montré que, pour la région de Djourbel, marché national pour la transformation
pour 100 kg de calices récoltés, 30 kg sont domestique et artisanale s’élèvent à 700 t.
autoconsommés tandis que le reste de la Au cours de nos enquêtes, nous avons pu
production est commercialisé. Sur 10 pro- constater que les calices de bissap sont le
ducteurs interrogés, 35 % consommeraient plus souvent vendus au volume, dans deux
entre (20 et 35) % de leur production, tandis types d’unités de mesure : (1) une bassine
que 55 % en consommeraient moins de d’une contenance moyenne de 5 kg de cali-
20 %. Dans les régions de Kaolack et Fatick, ces secs ; (2) une boîte de conserve de for-
sur 25 producteurs interviewés, ils seraient mat 4/4 correspondant à une boîte de
40 % à consommer plus de 50 % de leur pro- tomate de 2 kg, dont le contenu est d’envi-
duction, 20 % à en utiliser entre (30 et 50) % ron 250 g de calices secs. Le prix des calices

120 Fruits, vol. 64 (2)


H. sabdariffa au Sénégal

secs est très variable selon le lieu de com- Figure 7.


1600
mercialisation et la période de l’année. Évolution des exportations
1200 sénégalaises des calices de
Dans les marchés hebdomadaires, les

Quantité (t)
bissap (Hibiscus sabdariffa)
prix de vente de la bassine oscillent de 800 [22].
2 000 FCFA au mois d’octobre, début de la
récolte, à 5 000 FCFA à partir du mois de mai, 400
soit de (400 à 1000) FCFA·kg–1 de calices
0
secs. Le prix de ces mêmes calices secs en 1999 2001 2003 2005
boîte de conserve varie généralement de 2000 2002 2004
(125 à 175) FCFA pendant les mêmes pério-
des, soit entre (500 et 700) FCFA·kg–1.
cette année 2002 pourraient être expliquées
Sur les routes nationales et dans les par l’octroi d’une subvention de l’État sur les
grands centres urbains des régions, les prix intrants agricoles et par la distribution de
pratiqués sont habituellement plus élevés semences d’arachide qui ont occasionné un
que ceux observés sur les marchés hebdo- accroissement des superficies cultivées par
madaires. La bassine qui est vendue à des productions autres que le bissap. La
2 500 FCFA au début de la récolte peut baisse des exportations observée en 2005
atteindre 7.000 FCFA en mai ou juin, soit pourrait être due à une rétention possible
une variation du prix de (500 à des produits de la part des producteurs dans
1 400) FCFA·kg–1 de calices secs. Le prix en l’espoir d’en obtenir de meilleurs prix que
boite de conserve varie de (150 à 350) FCFA, ceux offerts par le marché international,
soit de (600 à 1 400) FCFA·kg–1 de calices suite à la publicité faite autour d’un pro-
secs. Sur les marchés de la région de Dakar, gramme « bissap » lancé par l’État sénéga-
les calices de bissap sont essentiellement lais. Les données d’exportations de 2006 et
vendus au détail à un prix pouvant varier 2007 ne sont pas encore disponibles.
suivant la période de l’année de (200 à
Les quantités exportées sont loin de cou-
500) FCFA pour l’équivalent d’une boîte de
vrir la demande. En effet, avec les accords
conserve de 2 kg, soit de (800 à 2000)
de l’African Growth and Opportunity Act
FCFA·kg–1 de calices secs.
(AGOA), les besoins du seul marché amé-
ricain sont estimés à 30 000 t·an–1.
8.2.2. Marché d’exportation
Les prix sur le marché mondial connais-
Les exportations de calices d’H. sabdariffa sent de grandes fluctuations. La moyenne du
se font essentiellement vers les États-Unis et marché se situant entre (1 000 et
l’Europe, dont, notamment la France et 2 500) $US·t–1. Les prix sont bien évidem-
l’Allemagne [20, 21], qui constitue 80 % du ment fonction de la qualité du produit qui
marché européen de l’ordre de 3 000 t de est jugée principalement sur la variété du
calices1. Les calices exportés sont destinés bissap, sa pureté variétale et le taux de cali-
à l’industrie alimentaire et cosmétique. ces entiers. Sur ce point, le Sénégal a beau-
coup à gagner en développant les ressour-
Le centre informatique de la douane
ces nécessaires à la production de bissap en
sénégalaise fait état d’une exportation de
variété pure.
126 t de calices séchés en 1998, tandis que
la Direction de l’horticulture reporte des Étant donné que le bissap est une culture
exportations de 923 t en 1999/2000 et 312 t annuelle, les quantités offertes sur le marché
en 2000/2001. Les exportations de calices peuvent fortement varier d’une année à
séchés de bissap en provenance du Sénégal l’autre, en fonction des facteurs climatiques
ont beaucoup fluctué entre les années 1998 et des performances économiques de
et 2005 (figure 7). Les tonnages exportés les l’année antérieure. Les quantités produites
plus élevés ont été enregistrés en 2003 et et offertes sur le marché ont une influence
2004 [22]. D’une façon générale, une nette directe sur les prix des cours mondiaux.
augmentation a pu être observée au cours Selon la SETEXPHARM, une société
de ces dernières années, à l’exception de locale, les importateurs européens, notam-
l’année 2002. Les faibles exportations de ment ceux d’Allemagne, préfèreraient la

Fruits, vol. 64 (2) 121


M. Cisse et al.

variété soudanaise (« Vimto »), plus foncée en plus marqué de ses producteurs et expor-
que celle cultivée au Sénégal. Après avoir tateurs. Cependant, elle souffre d’un man-
multiplié la variété soudanaise, la SETEX- que d’organisation, d’information et de sup-
PHARM a distribué 20 t de semences dans port pour l’amélioration de sa productivité.
plusieurs régions. Elle possède actuellement Elle est par ailleurs confrontée à plusieurs
des points de vente dans la région de Tam- problèmes tels que la faible disponibilité de
bacounda. semences certifiées, des technologies post-
récoltes mal maîtrisées et l’inexistence de
produits dérivés industriels ou semi-indus-
8.3. Programme d’appui à la triels fabriqués localement.
production de bissap
Une approche ciblée sur les besoins cri-
Le bissap a été identifié parmi douze pro- tiques de la filière devrait permettre de
duits comme une culture mineure au Séné- gagner en compétitivité, à travers des pro-
gal, mais qui présente un fort potentiel de duits de qualité répondant aux besoins des
revenus pour les producteurs [23]. marchés. L’amélioration de la production
tant quantitative que qualitative devrait con-
Lors du conseil interministériel préparant tribuer à l’accroissement des exportations et
la campagne agricole de 2005/2006, le gou- au développement des activités de transfor-
vernement du Sénégal a décidé d’appuyer mations. Des structures comme l’ASNAPP-
la culture du bissap. Ainsi, depuis 2005, le Sénégal et la Fondation Éducation-Santé
programme agricole de l’État sénégalais a encadrent depuis 2004 des groupements de
doté la filière bissap de moyens supplémen- femmes productrices de calices d’H. sabda-
taires dans le cadre de la politique de diver- riffa. C’est ainsi que, depuis 2005, du bissap
sification des activités agricoles (4e pro- biologique, certifié en 2006 par la société
gramme spécial) pour un montant annuel de belge CERTISYS, est produit dans le dépar-
250 MFCFA. Les activités de ce programme tement de Nioro du Rip (sud-est de la région
sont la distribution de semences et d’engrais de Kaolack).
(subventionnées à 50 %), l’introduction de
la production de bissap biologique, la for- Ces progrès touchant la filière auront
mation et l’encadrement des producteurs et vraisemblablement un impact positif sur
le développement de liens entre les produc- l’accroissement des revenus des popula-
teurs et les acheteurs (marché local et expor- tions tant rurales qu’urbaines et cela d’autant
tation). plus que l’exportation est devenue une exi-
gence par rapport à la stratégie de dévelop-
Les objectifs de ce programme seraient
pement économique du Sénégal. Il existe un
d’atteindre une superficie de 12 000 ha
potentiel mondial notamment américain et
d’H. sabdariffa cultivés et une production
européen de plus en plus important pour les
de calices secs de 5 000 t. Il s’agit d’un pro-
calices d’H. sabdariffa. Dès lors, il importe
gramme très ambitieux qui ne devrait attein-
d’identifier toutes les niches potentielles sur
dre ses objectifs que d’ici (3 à 5) ans.
le marché mondial et de développer de nou-
Le bissap fait par ailleurs partie des sept veaux produits et des procédés de transfor-
filières inscrites dans la cadre de la Stratégie mation porteurs pour les transformateurs et
de Croissance Accélérée (SCA) du gouver- les petites et moyennes entreprises de
nement sénégalais, appuyée par l’USAID à l’agroalimentaire.
travers le projet Support for Accelerated
Growth and Increased Competitivness
(SAGIC) installé au Sénégal depuis 2006.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier ASNAPP-
9. Conclusion Sénégal et VAPROVET qui les ont associés
à leurs différentes campagnes de terrain. Les
La filière bissap au Sénégal recèle de larges remerciements s’adressent également au
potentialités à travers le dynamisme de plus CDH à l’ISRA et à l’ITA (Sénégal).

122 Fruits, vol. 64 (2)


H. sabdariffa au Sénégal

Ce travail bibliographique s’intègre dans de légumes feuilles traditionnels de type afri-


le cadre du projet : « Couplage de procédés cain au Sénégal, in: Chweya J.A., Eyzaguire
membranaires pour la production d’extrait P. (Ed.), Biodiversity of traditional leafy vege-
anthocyaniques : application à Hibiscus tables in Africa, International Plant Genetic
Resources Institute (IPGRI), Rome, Italie,
sabdariffa L. » qui bénéficie d’un support
1999, pp. 111–150.
financier du réseau des chercheurs en Génie
[11] Diouf M., Lô C., Gueye M., Mbengue N.B.,
des Procédés Appliqués à l’Agroalimentaire
Sélection participative de nouveaux cultivars
(GP3A) de l’Agence Universitaire de la Fran- de quatre (4) espèces de légumes feuilles
cophonie (AUF). (Hibiscus sabdariffa L., Amaranthus L. spp.,
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Fruits, vol. 64 (2) 123


M. Cisse et al.

La producción del bissap (Hibiscus sabdariffa L.) en Senegal.


Resumen –– Zonas de producción. Introducido en el siglo XIX, H. sabdariffa se cultiva en
todo el territorio de Senegal y en particular en las regiones de Kaolack, Djourbel, Thies, Saint-
Louis y Louga. Practicas agrícolas. En estas regiones, las superficies utilizadas varían entre (0,25
y 5) ha y son gestionados en su mayor parte por mujeres que se unen cada vez más en asociación
o agrupación de interés económico. Se cultiva en el período de invernada en un ciclo de (120
a 165) días dependiendo de las prácticas tradicionales y por lo general sin el fertilizante. La
cosecha y post cosecha de tratamiento se llevan a cabo manualmente, mientras que el secado
se lleva a cabo en el sol y a menudo en el suelo. Variedades. Dos tipos de H. sabdariffa se
reunió: el tipo verde y rojo tipo, que incluye principalmente cuatro variedades (Vimto, Koor,
CLT 92 y Thai) con diferentes características. Transformación. Las principales actividades de
procesamiento de cálices de H. sabdariffa son la trituración, la producción de concentrado, de
bebidas, mermelada y de polvo instantánea. La fabricación de bebidas, la principal forma de
transformación, llevada a cabo bajo la dirección de los grupos de mujeres se ha mantenido
prácticamente artesanal. Mercados. Con un programa de apoyo del Estado senegalés, el
aumento de áreas cultivadas y el número de agricultores, H. sabdariffa actualmente ocupa
un lugar importante en la comercialización de productos agrícolas en Senegal. La exportación
de cálices de H. sabdariffa a Europa y los Estados Unidos en los precios entre (1 000 y
2 500) $US·t–1 está aumentando año tras año.

Senegal / Hibiscus sabdariffa / cultivo de hortalizas / grupos de interés /


procesamiento / mercados

124 Fruits, vol. 64 (2)

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