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Complaint - Astudillo v. Michelle Chaloux (May 7 2021)
Complaint - Astudillo v. Michelle Chaloux (May 7 2021)
Complaint - Astudillo v. Michelle Chaloux (May 7 2021)
vs.
CHALOUX, Michelle
BATSHAW YOUTH & FAMILY CENTRES
5 WEREDALE PARK RUE,
Westmount, QC, H3Z 1Y5
(Respondent)
1. I have no Axis I (Mental Illness) DSM Diagnostic, and have not had any in over 7 years.
a. Alan Astudillo & Hopital St-Jérome,
Date: 2013-09-12,
Numéro de dossier: SAS-Q-192867-1306; Autre citation: 2014 QCTAQ 06733
No Axis I Diagnostic (Mental Illness)
https://www.canlii.org/fr/qc/qctaq/doc/2013/2013canlii94299/2013canlii94299.html?
3. PERJURO, (RA)
Del latino. periūrus.
© Real Academia Española, 2021. https://dle.rae.es/perjuro
4. RAPTAR
Del lat. Rapture
[1. tr. Secuestrar, retener a alguien en contra de su voluntad, por lo general con el fin de
conseguir un rescate.]
© Real Academia Española, 2021. https://dle.rae.es/raptar
5. Intent to Sue for Damages on contact, consider that good for my children as well.
COUR SUPÉRIEURE
N° : 235-04-000019-095
N... S...
Demanderesse
c.
F... L...
Défendeur
______________________________________________________________________
JUGEMENT
______________________________________________________________________
[2] Le défendeur conteste la requête et ajoute qu’il désire connaître sa fille qu’il n’a
pas vue depuis plus de cinq ans.
LES FAITS
[3] Les parties se fréquentent pendant environ deux ans et cohabitent de janvier
2004 à juillet 2004.
JJ0379
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[4] Le [...] 2004, de l’union des parties est née X. Le défendeur est présent lors de
l’accouchement.
[11] Elle ajoute que le défendeur était plutôt malhabile avec l’enfant et qu’il était peu
mature.
[12] Le baptême de X était prévu pour le début du mois d’août. Toute la famille de la
demanderesse s’y retrouve.
[13] Pour sa part, le défendeur explique qu’en raison de la séparation récente, il est
incapable de s’y présenter, tout comme sa famille.
[17] Le 22 septembre 2004, les parties signent une convention sur le fond de la
requête déposée par la demanderesse.
[18] Par cette convention entérinée par la greffière spéciale Me Line Laforest, la
demanderesse se voit octroyer la garde de X.
[19] Par ailleurs, la convention prévoit des droits d’accès au défendeur établis comme
suit :
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[Nos soulignements]
[21] À la suite de cette entente, le défendeur soutient qu’il a téléphoné à plus de dix
reprises chez la demanderesse pour avoir accès à sa fille X.
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[22] Or, il ajoute que la demanderesse trouve toujours des excuses ou des raisons
pour que ne s’exercent pas les accès requis.
[25] À la même époque, le défendeur apprend que celle-ci est déménagée à ville A
avec son nouveau conjoint et X. Il ne connaît pas leur adresse.
[26] La demanderesse affirme qu’elle était alors en congé familial pour un an. Elle
affirme que c’est graduellement qu’elle s’est retrouvée plus souvent à ville A et qu’elle y
aménage complètement en mai 2005. Elle soutient qu’elle a néanmoins conservé son
loyer à ville B jusqu’en juin 2005.
[29] Avec son nouveau conjoint, la demanderesse a développé une nouvelle cellule
familiale. Elle a donné naissance à une autre fille en novembre 2006.
[30] Le 12 mai 2007, la demanderesse s’est mariée avec son nouveau conjoint.
[31] À l’audience, elle explique que X vit pleinement sa relation de famille avec son
nouveau conjoint et sa sœur.
[34] Le défendeur comparaît au dossier par avocat et conteste la requête par le dépôt
d’une défense écrite le 25 mai 2009.
[37] Le défendeur travaille à temps partiel comme militaire réserviste et comme agent
de sécurité. Ses revenus sont d’environ 12 000 $ par année.
[41] À l’audience, le défendeur réitère qu’il désire revoir sa fille. Il affirme qu’il pense
à elle à tous les jours.
[43] Elle affirme que sa demande n’est pas faite dans le but d’adoption par son
nouveau conjoint. Elle craint plutôt que le défendeur s’immisce dans les décisions
importantes pour X ou qu’il l’empêche de voyager à l’extérieur du pays sans son
autorisation.
ANALYSE ET DÉCISION
[45] L'article 599 C.c.Q. identifie les attributs de l'autorité parentale. Ainsi, les père et
mère ont, à l'égard de leurs enfants, le droit et le devoir de garde, de surveillance et
d'éducation. En outre, ils doivent nourrir et entretenir leurs enfants.
[47] Les droits conférés aux parents à l'égard de leurs enfants peuvent faire l'objet
d'un retrait ou d'une déchéance. A cet égard, l'article 606 C.c.Q. prescrit ce qui suit:
[49] L'importance de la mesure est aussi expliquée par l'auteur Michel Tétreault2
dans son traité sur Droit de la famille, alors qu'il s'exprime comme suit:
[51] La déchéance n'est pas en soi une sanction à l'égard des parents ; elle constitue
plutôt une mesure de protection pour l'enfant4.
[52] Dans l'arrêt C.(G.) c. V.F. (T.).5, la Cour Suprême expose ce qui suit:
« L'article 654 C.c.Q. précise qu'il ne suffit pas d'apporter la preuve d'un
motif grave pour prononcer la déchéance du titulaire de l'autorité
parentale. Il faut de plus qu'il soit prouvé qu'il est dans l'intérêt de l'enfant
de recourir à cette mesure. Cette preuve n'a pas été apportée. Même si
elles apparaissent minces à court terme, il est important dans l'intérêt des
enfants et du père de ne pas compromettre les chances de réconciliation
à plus long terme. »
[53] Néanmoins, l'aspect fautif constitue le critère prioritaire pour déterminer si les
motifs de déchéance sont graves.
1
C. (G.) c. V.-F.(T.) 1987 2 R.C.S. 244.
2
Michel TETRAULT, Droit de la famille, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 766
3
Droit de la famille – 1738, [1995] R.J.Q. 2328 (C.A.) jj. Chamberland, Deschamps et Le Bel
(dissident).
4
V. Young c. Young [1993] 4 S.C.R. 3.
5
C.(G.) c. V.F. (T.), précité note 2, p. 265.
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[54] Dans Droit de la famille - 1738, le juge Chamberland explique que l’on ne doit
prononcer la déchéance d’autorité parentale que si la preuve révèle des circonstances
extrêmement graves6 :
[Nos soulignements]
[55] L'abandon d'un enfant peut constituer un motif grave au sens de l'article 606
C.c.Q. Mais cet abandon doit être sans équivoque et s'être prolongé sur une période
suffisamment importante7.
[56] En l’espèce, le Tribunal estime que nous ne retrouvons pas les circonstances
exceptionnelles requises pour prononcer la déchéance parentale du défendeur.
[57] En effet, même si le défendeur aurait pu faire des démarches additionnelles pour
retracer l’adresse de la demanderesse, il n’en demeure pas moins que celle-ci n’a pas
6
[1995] R.J.Q. 2328.
7
V. Droit de la famille – 2066, [1994] R.J.Q. 2663 (C.S.) ; Droit de la famille – 2200, J.E. 95-1093
(C.A.) ; V. aussi Droit de famille –2137 [1995] R.D.J. 583 (C.S.) et M.C. c. C.B. [2001] R.J.Q. 356
(C.A.).
235-04-000019-095 PAGE : 8
favorisé le développement de contacts de X avec son père tel qu’elle s’y était engagée
par la convention de septembre 20048.
[58] C’est plutôt le contraire que révèle la preuve. En effet, dans un premier temps,
[59] L’intérêt de X est de connaître son père et celui-ci est désireux de développer
des liens avec elle.
[63] À l’audience, le défendeur explique qu’il n’a pas l’intention de bouleverser la vie
de sa fille et de la demanderesse. Il ajoute même qu’il est prêt à laisser à la
demanderesse l’entière autorité relativement aux questions médicales et scolaires de X.
[65] Dans les circonstances, le Tribunal estime que le défendeur n’a pas abandonné
totalement sa fille, qu’il n’est pas le seul à être blâmé dans le contexte et qu’il serait
injuste de lui imposer la déchéance totale recherchée.
[66] Le défendeur explique qu’il entend demander au Tribunal de lui accorder des
droits d’accès à la suite du présent jugement.
8
Voir notamment le paragraphe 8 de la convention reproduit au paragraphe 20 du présent jugement.
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[67] En effet, bien que la convention des parties intervenue en 2004 n’a jamais été
annulée, elle est en pratique inapplicable en raison du contexte et de l’écoulement du
temps.
[70] Par ailleurs, il ne serait que juste et raisonnable qu’elle lui transmette aussi
quelques photos, tel que le lui demandait d’ailleurs le défendeur par lettre à l’automne
2009.
[73] Puisque le Tribunal conclut qu’il n’y a pas eu abandon, il n’y a pas lieu
d’ordonner le changement de nom.
[74] Par ailleurs, il aurait été loisible à la demanderesse de requérir l’addition de son
nom « S... » au nom de X L..., mais telle demande n’a pas été formulée.
__________________________________
DENIS JACQUES, j.c.s.
Me Richard Côté
ÉTUDE DE ME RICHARD CÔTÉ
716, St-Alphonse Nord
Thetford Mines (Qc) G6G 3X2
Procureur de la demanderesse
Me Jacques Samson
SAMSON CÔTES GARDNER
57, Notre-Dame Ouest
Thetford Mines (Qc) G6G 1J4
COUR SUPÉRIEURE
Nº C.S.: 450-24-000019-148
Nº C.Q.: 450-41-004314-127
______________________________________________________________________
A
Appelant
et
[INTERVENANTE 1], personne dûment autorisée par le Directeur de la protection de la
jeunesse du Centre jeunesse A
Intimée
et
B
Intimée
et
C,
Intimé
______________________________________________________________________
JUGEMENT
______________________________________________________________________
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[165] INTERDIT tout contact direct ou indirect entre l’enfant avec monsieur C;
[166] INTERDIT tout contact direct ou indirect entre l’enfant et son père,
monsieur A;
(notre soulignement)
[2] Le 11 décembre 2014, l’appelant recevait le jugement qui a été corrigé pour y
ajouter plus particulièrement la conclusion suivante :
« [167] RETIRE aux parents les attributs de l’autorité parentale et les CONFIE à
la famille d’accueil nommément désignée; »
[4] L'appelant demande de lui accorder des droits d’accès supervisés auprès de son
enfant avec la possibilité de lever la supervision dès que la situation le permettra. Il
propose que les accès se déroulent de façon progressive débutant par une période de
trois heures aux deux semaines.
[5] L’enfant X est née le [...] 2011. Elle a été prise en charge par le Directeur de la
protection de la jeunesse (le Directeur) deux jours après sa naissance. À ce moment-là,
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le père déclaré était C. La mère avait déjà un fils placé jusqu’à majorité chez la grand-
mère maternelle.
[6] L'appelant a été déclaré père de l'enfant X après plus d'un an de démarches
CONTEXTE
[7] Il s’agit ici d’un contexte singulier où l'appelant, le père biologique, A, ne vivait
pas avec la mère lorsqu’elle a donné naissance à l’enfant. De fait, il n’a su qu’au mois
de mars 2013 qu’il était probablement le père de l’enfant alors que l'acte de naissance
de l'enfant mentionnait plutôt le nom de C comme étant le père. Le juge de première
instance a ainsi relaté les faits dans son jugement :
« [54] Monsieur A a fréquenté la mère B à partir de la fin février 2011 jusqu’à la
mi-juin. Ils ont aménagé ensemble au début du mois de juin et, à la mi-juin, B
partait pour aller habiter avec C.
[55] Au mois d’août, elle lui dit qu’elle est enceinte de 24 semaines et que le père
est C. Pour lui, ça fait du sens puisque s’il recule de 24 semaines, ça correspond
à l’époque où elle demeurait encore avec C.
[57] C’est à partir de là qu’il entreprend des procédures en mars 2013 pour
obtenir un prélèvement d’ADN sur X et sur lui-même. »
PREND ACTE du fait que le père a pris rendez-vous avec un intervenant [de
l’organisme A] et qu'il s'engage à faire une démarche pour régler sa
problématique d'impulsivité et d'agressivité;
ORDONNE aux parents de participer activement aux mesures ayant pour but de
mettre un terme à la situation de compromission, notamment :
ORDONNE que X reçoive tous les soins de santé requis par son état;
[13] Rappelons que la personne désignée comme le père dans ce jugement n'est pas
l'appelant.
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[14] Tel que déjà souligné, au mois de mars 2013, l'appelant a entrepris les
démarches judiciaires devant la Cour supérieure afin de faire reconnaître sa paternité.
[15] Le 21 mai 2013, l’enfant X a été confiée à une famille d’accueil.
AUTORISE en faveur de l’enfant des contacts supervisés avec son père selon la
durée et la fréquence établie par le Directeur de la protection de la jeunesse :
PREND ACTE qu’au départ, les contacts seront permis selon les modalités
suivantes :
- Que les contacts aient lieu dans les locaux du centre jeunesse A;
- Que les contacts aient lieux (sic) uniquement si le père affiche une
attitude respectueuse envers la superviseure;
[18] Notons encore une fois qu’ici le père n'est toujours pas l'appelant.
[19] Soulignons que malgré l'ordonnance rendue le 13 juin 2013 par la Cour
supérieure, la mère négligeait d’amener l’enfant au centre de prélèvement afin qu’elle
subisse le test d’ADN, ce qui a causé des délais importants. Confronté à la négligence
de la mère, l’appelant n'a eu d'autre choix que de présenter une requête devant la Cour
supérieure pour la forcer à agir et c’est alors que le Directeur a été mis au courant des
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[20] Au mois de février 2014, le test d’ADN a finalement révélé que l’appelant était le
[22] Le 14 février 2014, le Directeur déposait une requête en révision pour placement
à majorité de X. L'audition s'est tenue le 21 mai suivant et il n’est pas fait mention des
démarches en reconnaissance de paternité de l’appelant. Après l'audience, le juge
Durand a pris la cause en délibéré.
[24] Après qu'il ait été déclaré le père de l'enfant X, la travailleuse sociale, madame
[intervenante 1] a rencontré l'appelant. Elle voulait alors connaître ses intentions et elle
lui a demandé de lui proposer un plan. De fait, la preuve a démontré qu'une décision
clinique avait déjà été prise avant même la rencontre avec l'appelant à l'effet de ne pas
ajouter une autre personne dans la vie de l'enfant. Ce faisant, la travailleuse sociale
considérait inutile d'effectuer une évaluation complète du père 3.
1
Pièce R-4.
2
Jugement de première instance, par. 61 et 62.
3
Notes sténographiques de l’audition sur la réouverture des débats tenue le 16 octobre 2014, p. 13, l. 6 à
14; p. 18, l. 18 à p. 19, l. 17; p. 20, l. 5 à 25; p. 21, l. 14 à p. 22, l. 10; p. 28, l. 18 à p. 29, l. 22.
4
Notes sténographiques de l’audition sur la réouverture des débats tenue le 16 octobre 2014, p. 39, l. 13
à p. 40, l. 3.
5
Notes sténographiques de l’audition sur la réouverture des débats tenue le 16 octobre 2014, p 41, l. 18
à p. 42, l. 9.
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« Q. Mais à compter de mars vous n’avez pas tenté de vérifier certains aspects?
En mars, on est donc sept (7) mois plus tard aujourd’hui?
R. Ben écoutez, moi, en mars j’ai… comme j’ai expliqué tout à l’heure, j’ai
(nos soulignements)
R. Hum, hum.
Q. Mais vous avez vérifié s’il avait des antécédents, il semble pas y en avoir et
pourquoi avez-vous pris, malgré tout, la décision de ne pas évaluer le milieu de
monsieur A et, si vous l’aviez fait, est-ce que ça vous aurait par ailleurs donné un
meilleur portrait de la situation globale de X et de son père?
R. Si on avait été dans un autre contexte, comme je disais, un (1) an plus tôt
dans… ailleurs dans la vie de l’enfant ou beaucoup plus tôt dans le processus,
ç’aurait été différent, mais pour toutes ces raisons on a décidé de pas procéder
avec une évaluation en profondeur. C’est sûr qu’on avait des… des informations
de base-là sur monsieur. »
6
Notes sténographiques de l’audition sur la réouverture des débats tenue le 16 octobre 2014, p. 40, l. 14
à p. 41, l. 17.
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[27] Malgré que la travailleuse sociale n'a pas considéré utile d'évaluer le père de
l'enfant, la preuve non contredite a démontré que ce dernier a une vie stable depuis
plusieurs années. Il occupe le même emploi depuis 15 ans 7, il assume seul depuis cinq
ans la garde de sa fille âgée maintenant de 12 ans et celle-ci ne présente aucun
[28] Le 1er août 2014, l'appelant a signifié une requête pour réouverture des débats
afin d'être déclaré partie au dossier. Le 19 août 2014, la juge Marie-Pierre Jutras a fixé
l'audition concernant la réouverture des débats sur la continuation de l’enquête en
révision au 16 octobre 2014. L'audition s'est tenue à cette date devant le juge Durand et
par la suite, il a rendu son jugement qui fait l'objet du présent appel9.
[29] Enfin, avant d'aller plus avant dans l'analyse, il importe de décrire l'enfant X. Lors
de son interrogatoire du 16 octobre 2014, la travailleuse sociale la décrit comme suit 10 :
«Q. Vous nous décririez X quel genre de petite demoiselle, petite fille?
R. Comme j'explique dans mon rapport, c'est une petite fille très enjouée, très
déterminée aussi. Elle a quand même un caractère, elle exprime haut et fort ce
qu'elle souhaite, elle se développe bien. Donc, au niveau de son développement
y a aucune difficulté.
R. Moi, je l'ai vue dans son contexte de famille d'accueil et je l'ai vue dans le
contexte avec monsieur C et sa mère, B, donc je peux pas vous décrire
comment elle est. C'est sûr que y a... y a des gens qui l'entourent là évidemment,
y a la famille élargie, y a plusieurs autres enfants dans la famille d'accueil dans
laquelle elle fonctionne très bien, mais je suis pas à même de vous dire là
quelles sont ses réactions avec d’autres étrangers. »
(nos soulignements)
7
Notes sténographiques de l’audition en réouverture des débats du 16 octobre 2014, p. 50, l. 2 à 4.
8
Notes sténographiques de l’audition en réouverture des débats du 16 octobre 2014, p. 49, l. 6 à 9.
9
Jugement de première instance, par. 34.
10
Notes sténographiques de l’audition en réouverture des débats du 16 octobre 2014, p. 37, l. 7 à p. 38, l.
1
11
Notes sténographiques de l’audition en réouverture des débats du 16 octobre 2014, p. 20, l. 17 à p. 21,
l. 8.
450-24-000019-148 PAGE : 10
(notre soulignement)
[31] Lors de son interrogatoire tenu quelques mois auparavant, soit le 21 mai 2014,
elle s'exprimait ainsi quant aux réactions de l'enfant face aux visites 12:
« X, elle a deux (2) ans, donc évidemment là on a… on n’a pas de discussions
avec elle. Ce que… ce que j’ai comme information là, c’est que au niveau des
visites avec le père, ça va quand même bien. Elle revient, y a pas de réactions
particulières. Par contre, quand elle voit sa mère, là elle voit sa mère les
vendredis, le retour est beaucoup plus difficile. Elle… elle vit, elle semble vivre
beaucoup d'insécurité, elle est accrochée beaucoup après la famille d'accueil,
elle pleure quand elle va se coucher. La famille d'accueil doit la... la réconforter
beaucoup plus dans la journée et le lendemain là. Par exemple, aussitôt que la
famille d'accueil veut quitter, sort de la maison, elle se met à pleurer, elle veut
suivre. Donc, ça on a ça beaucoup au retour des visites avec la mère. Donc moi,
mon hypothèse en discutant avec la famille d'accueil parce qu'on en a discuté
souvent là, elle me ramène souvent cette information-là, c'est sûr que là
l'atmosphère des visites est 'différent'. Quand X est avec son père, y a les deux
(2) garçons qui sont là, donc ça se passe plus dans le jeu, t'sais, y a beaucoup
plus de... de jeux qui 'est' organisés. C'est sûr que la mère, elle est seule avec X,
la mère est très. . . elle la prend beaucoup dans ses bras. Elle est beaucoup,
beaucoup dans l'émotif là, t'sais, collée sur elle. Elle fait des belles visites, la
mère, mais beaucoup plus dans... au niveau d'accaparer sa fille. Donc, je pense
que émotivement mon hypothèse, sans pouvoir le vérifier avec l'enfant, bien sûr,
parce qu'elle a juste deux (2) ans, c'est qu'elle vit ça différemment ses visites
avec sa mère qu'avec son père, mais y a définitivement une différence de
réactions là au retour. »
(notre soulignement)
[32] Ici, encore une fois, l'on ne réfère pas au père biologique mais bien, au conjoint
de la mère.
12
Notes sténographiques de l’audition sur la requête en révision du 21 mai 2014, p. 24, l. 20 à p. 26, l. 2.
13
Notes sténographiques de l’audition en réouverture des débats du 16 octobre 2014, p. 38.
450-24-000019-148 PAGE : 11
[34] L'appelant plaide que le juge de première instance a erré en n'utilisant pas les
bons critères pour évaluer l'intérêt actuel et futur de X. Il souligne que la sécurité et le
[35] L'appelant soutient que le juge de première instance s'est mal dirigé en
interdisant tout contact direct ou indirect entre sa fille et lui. Il comprend qu'il ne peut
apparaître subitement dans la vie de sa fille et aussi il se dit prêt à prendre le temps
qu'il faudra pour créer le lien. L'appelant fait valoir que la déléguée du Directeur n'a fait
aucune évaluation le concernant, sauf de vérifier s'il avait un casier judiciaire, et il n'en a
pas. Aucune évaluation de ses capacités parentales n'a été faite.
[37] La procureure de la mère est d'accord avec la position de l'appelant et fait siens
ses arguments.
[40] La procureure du Directeur allègue pour sa part que le juge de première instance
n'a commis aucune erreur déterminante ni en fait ni en droit, aucune erreur de fait et
aucune erreur mixte de fait et de droit. Conséquemment, elle demande que l'appel soit
rejeté.
ANALYSE
14
RLRQ, c. P-34.1, art. 91n)
450-24-000019-148 PAGE : 12
[41] L 'appel d'une décision de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse, est prévu
aux articles 99 et suivants de la Loi sur la protection de la jeunesse.
[42] Le droit d’appel est assujetti aux règles énoncées dans Housen c. Nikolaisen15
[43] Il est reconnu que la retenue est de mise lorsqu'il s'agit d'analyser une question
de fait et une question mixte de fait et de droit qui est au coeur de la compétence
spécialisée de la chambre de la jeunesse.
[44] En décidant de l'appel, le tribunal peut, suivant l'article 112 de la Loi sur la
protection de la jeunesse :
« a) confirmer la décision ou ordonnance frappée d'appel;
[46] Le juge de première instance a-t-il commis une erreur manifeste et déterminante
en interdisant les contacts entre l'appelant et sa fille?
[47] L'article 3 de la Loi sur la protection de la jeunesse reproduit ce qui est déjà
édicté à l'article 33 C.c.Q. L'article 3 de la Loi sur la protection de la jeunesse se lit :
« 3. Les décisions prises en vertu de la présente loi doivent l'être dans l'intérêt de
l'enfant et dans le respect de ses droits.
[49] L'évaluation de l'intérêt d'un enfant n'est pas une mince tâche. Plusieurs
éléments doivent être soupesés cela faisant appel nécessairement à la discrétion
judiciaire. Comme le soulignait toutefois la juge McLachlin dans l'arrêt Young16: « la
tâche des tribunaux, n'est pas pour autant purement discrétionnaire ». L'auteur, Me
15
Housen c. Nik olaisen, [2002] 2 R.C.S 235, 2002 CSC 33.
16
Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3.
450-24-000019-148 PAGE : 13
[50] La Loi sur la protection de la jeunesse vise la protection des enfants dont les
parents ne sont pas en mesure d'assumer leur soin, leur entretien, leur éducation et
d'en assurer leur surveillance. Ces obligations incombent en premier lieu aux parents
de l'enfant »18.
[51] L'article 32 du Code civil du Québec se lit19 :
« Tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l'attention que ses parents
ou les personnes qui en tiennent lieu peuvent lui donner. »
[53] Ce sont donc les parents qui sont pour ainsi dire les « premiers répondants » de
leur enfant. L'enfant doit être protégé dans les cas où ses parents ne sont pas en
mesure d'assumer leurs obligations face à lui. Quant à la déchéance de l'autorité
parentale, tel que déjà souligné, elle ne sera prononcée à l'égard d'un parent que si des
motifs graves le justifient. Nous y reviendrons.
[54] Tous conviennent de la particularité du présent cas. L'adage « chaque cas est un
cas d'espèce » prend ici tout son sens. Aussi, une approche individualisée s'impose afin
de prendre en compte tous les aspects de cette situation particulière afin de découvrir
l'intérêt de l'enfant X.
[55] Il est admis que le mode de vie et les gestes posés qui ont mené aux motifs de
compromission ne sont nullement en lien avec l'appelant. Seules les capacités
parentales de la mère sont en cause.
[56] L'appelant quant à lui ne fait l'objet d'aucun reproche sur ses capacités
parentales. Le juge ne mentionne pas que le milieu de l’appelant n’est pas stable, mais
plutôt que le milieu où est confié l’enfant depuis 18 mois est l’option la plus stable 21. Il
ne mentionne pas non plus que le milieu de l’appelant n’est pas neutre, mais souligne
que le milieu d’accueil est le milieu le plus neutre de tous 22.
17 e
Michel TÉTREAULT, Droit de la famille, 3 éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, p. 411.
18
RLRQ, c. P-34.1, art. 2.2.
19
C.c.Q., art. 32.
20
RLRQ, c. C-12, art. 39.
21
Jugement de première instance, par. 157.
22
Jugement de première instance, part 149.
450-24-000019-148 PAGE : 14
[57] Le juge de première instance a décidé que ce n'était pas le moment d'introduire
une autre personne dans la vie de X et conséquemment, il a conclu en favorisant la
stabilité de l’enfant dans la famille d'accueil plutôt que le droit de connaître son père. Il
écrit:
(…)
[81] C'est ainsi que le Directeur, suite aux discussions cliniques avec son
intervenante et le réviseur est arrivé à la conclusion qu'ils ne voyaient pas la
nécessité d'ajouter une autre personne dans l'intérêt de l'enfant. Elle a réponse à
tous ses besoins en famille d'accueil. »
(notre soulignement)
[58] Le juge estime que ce serait de faire encourir un « très grand risque »
d’introduire à ce moment-ci une nouvelle personne dans la vie de X, voire un nouveau
« personnage ». Il écrit :
« [92] Madame [intervenante 1] ajoute « elle commence à s’investir, c’est une
enfant fragile et le risque est très grand de briser ça, à ce moment-ci. »
(…)
[109] Mais en même temps où elle doit faire son deuil de sa mère et de celui
qu'elle croyait son père, il faudrait lui présenter un autre papa, son père
biologique, si le Tribunal accorde la demande de monsieur A.
[110] Tout cela peut prendre quelques mois et le père propose une ordonnance
d'une année pour commencer des visites supervisées avec sa fille, pour voir si la
« colle » peut prendre entre lui et sa fille.
(…)
[114] La preuve révèle que c'est une enfant fragile et comme elle commence
vraiment à s'investir dans cette famille d'accueil, elle serait vulnérable et il y
aurait un très grand risque à introduire un nouveau personnage (le père) dans sa
vie.
(…)
[123] Cette enfant a réponse à tous ses besoins depuis 1½ an dans cette famille
d’accueil. En plus de la stabilité, elle commence à s’investir et à trouver une
sécurité affective auprès des parents d’accueil. La prépondérance de la preuve
va dans le sens que d’introduire une autre personne dans sa vie constitue un
risque. »
450-24-000019-148 PAGE : 15
(nos soulignements)
[60] Bien que la retenue est de mise pour le tribunal siégeant en appel, il n'en
demeure pas moins qu'en cas d'une erreur manifeste et déterminante en fonction de la
preuve, le tribunal doit intervenir.
[61] Il y a dans la décision dont appel des éléments qui surprennent. Le fait que
l'intervenante du Directeur ait déjà pris sa décision avant la première rencontre avec le
père biologique, le fait que la jurisprudence citée dans la décision réfère à des
situations factuelles différentes aux faits mis en preuve dans la présente affaire puisque
l'on réfère dans ces cas à un parent qui exerce déjà des droits d'accès dans un
contexte de séparation et dont sa capacité parentale est en cause, ce qui n'est pas le
cas en l'instance, bien au contraire, à l’égard du père.
[62] Également, le juge de première instance indique à deux occasions que le père
biologique pourrait être intégré dans la vie de l'enfant soit, peut-être après un certain
espace-temps ou soit, à la suite de problème avec la famille d'accueil, ce qui n'est
cependant pas anticipé pour l'instant.
[64] Le tribunal est d'avis que, dans les circonstances, il y a lieu de pousser plus loin
l'analyse.
[65] L'approche individualisée dans un contexte aussi particulier que le présent cas
impose que tous les aspects de la situation soient pris en compte afin de découvrir
l'intérêt de l'enfant X. De l'avis du tribunal, la décision clinique a été prise sans que tous
les aspects pertinents et importants soient pris en compte, et sans avoir même
rencontré le père.
[66] Rappelons qu'à compter de février/mars 2014, la travailleuse sociale savait que
suivant le résultat du test d'ADN l'appelant était le père biologique de l'enfant et par
conséquent, C ne l'était pas. Malgré tout, les démarches du Directeur ont continué dans
le sens de créer des liens avec C que l'on sait inadéquat et en occultant totalement la
présence du père biologique de l'enfant dans l'équation.
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[68] La connaissance du résultat d'ADN n'a pas été soumise au juge au mois de mai
2014, alors qu'à notre avis, il s'agit d'un fait nouveau important dans l'environnement de
l'enfant. Peut-être a-t-on cru à tord que l'appelant lâcherait prise comme le faisait la
plupart de ces pères qui voulaient se voir reconnaître leur paternité sans proposer de
plan, comme en a témoigné la travailleuse sociale ou peut-être que cela ne concordait
pas avec la demande de placement de l'enfant à majorité dans la famille d'accueil.
[69] Quoi qu'il en soit, on n’a pas considéré devoir s'intéresser à l'appelant. Cela n'a
pas été jugé comme étant important, voire pertinent, dans le questionnement relatif aux
accès du père et de l'enfant, ce qui surprend. La travailleuse sociale a tout au plus
vérifié s'il avait un casier judiciaire et elle a appris qu'il a une autre enfant âgée de 12
ans et qu'il est probablement un bon père pour elle 23.
[70] De fait, le seul élément à l'effet que des contacts entre l'appelant et l'enfant ne
seraient pas positifs c'est qu'après des discussions cliniques, sans bénéficier d'une
évaluation complète et approfondie du père, il a été décidé qu'il valait mieux ne pas
briser la stabilité de l'enfant dans sa famille d'accueil, donc continuer avec le projet tel
qu'amorcé et de ne pas introduire une « autre personne » dans la vie de l'enfant parce
que de toute façon, la famille d'accueil répondait aux besoins de l'enfant.
[71] Dans son jugement, le juge de première instance explique ce qui arriverait si par
exemple la famille d'accueil de désistait ou encore se séparait et qu'il fallait réviser la
situation. Il écrit:
« [133] S’il y avait séparation ou divorce, ce qui arrive à des familles d’accueil
aussi, l’enfant vit en garde partagée entre les parents d’accueil ou avec l’un des
parents et l’autre a des contacts. Comme dans les autres familles qui ne sont
pas famille d’accueil et dont les parents biologiques se séparent aussi.
23
Jugement de première instance, par. 89.
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[135] Dans le cadre d’un placement à long terme, le Directeur doit tenir le père
informé de l’évolution de sa fille. Si la famille d’accueil se désiste, il doit signifier
une requête à toutes les parties pour réviser la situation.
[138] Que son évaluation soit sommaire actuellement s’explique par la décision
clinique prise par le Directeur. En effet, même avec une évaluation favorable, la
décision clinique d’introduire un étranger dans la vie de l’enfant, même s’il est le
père biologique, se poserait encore et toujours. »
[72] Malgré tout, par la rectification de son jugement, le juge de première instance a
retiré au père tous les attributs de l'autorité parentale ce qui équivaut à une déchéance
de l'autorité parentale.
[73] Il est vrai que la preuve est à l'effet que la famille d'accueil actuelle répond aux
besoins de l'enfant. Toutefois, l'objectif général de la Loi sur la protection de la jeunesse
ne vise pas à écarter un parent de la vie de son enfant. Bien sûr, si le père était
inadéquat il ne serait pas dans l'intérêt supérieur de l'enfant d'introduire l'appelant dans
sa vie.
[74] À au moins deux reprises le juge reprend les propos de l'intervenante quant à
l'importance de donner le message clair à X que ses parents sont ceux de la famille
d'accueil24.
[77] Ici, le juge retient que la preuve prépondérante est à l'effet qu'il y a un « très
grand risque de déstabiliser l'enfant. »
24
Jugement de première instance, par. 83 et 107.
25
Catholic Children's Aid Society of Metropolitan Toronto c. M.(C). [1994] 2 R.C.S. 165.
450-24-000019-148 PAGE : 18
[78] La preuve révèle que X est une enfant en bonne santé qui n'a pas de difficulté à
entrer en contact avec les gens. Les réactions négatives qui ont été répertoriées
visaient les visites avec la mère car les visites avec C ne lui causaient pas
véritablement de réactions et se déroulaient plutôt bien lorsqu'il se présentait.
- X, avec les aléas que l'on connaît depuis sa naissance, est présentée comme
une jeune fille en santé, très enjouée et déterminée. Elle se développe bien
actuellement. Elle n'a pas de difficultés à entrer en contact avec les gens. Elle a
eu des réactions en lien avec les droits d'accès exercés par sa mère qui,
rappelons-le, présente des difficultés. La preuve ne révèle pas de très fortes
réactions comme on le voit dans certains cas. Rappelons le témoignage de la
travailleuse sociale26:
« (…) Comme je disais, j’expliquais dans mon rapport, quand elle revient de ses
visites, y a toujours un moment où là elle est insécure par rapport à ce qui se
passe, t’sais, la journée qu’elle revient de visite là, y faut que la famille d’accueil
reprenne du temps pour la sécuriser. Elle a un petit peu de difficulté à se coucher
le soir. Donc, on a une enfant qui est quand même fragilisée un peu au niveau
de… au niveau de se sentir sécure par rapport à où elle appartient, puis où elle
vit, mais elle va quand même très très bien de façon générale et globale là dans
son… dans son milieu d’accueil. Donc, on ne voit pas la nécessité actuellement
d’ajouter une autre personne dans sa vie, qu’elle ne connaît pas, qu’elle n’a
jamais vue et pour répondre à son meilleur intérêt, on croit qu’elle devrait rester
dans sa famille d’accueil et investir et se sécuriser dans son milieu d’accueil. »
(notre soulignement)
[80] À quelques reprises dans son jugement, le juge de première instance réfère au
grand risque qu'encourrait X si elle était en contact avec son père biologique. Traitant
du risque que causeraient des droits d'accès, le juge réfère aux arrêts de la Cour
Suprême P.(D.) c. S.(C.)27 qui traitent de la notion de préjudice caractérisé. Toutefois,
cette notion a été appliquée dans les cas où il fallait décider s'il y avait lieu de mettre fin
26
Notes sténographiques de l’audition en réouverture des débats du 16 octobre 2014, p. 20, l. 17 à p. 21,
l. 8.
27
P.(D.) c. S.(C.), [1993] 4 R.C.S. 141.
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aux contacts avec l'un des deux parents après que la preuve eut démontré que la
continuation des accès pouvait constituer un risque pour l'enfant.
[81] Avec égards, ici cette théorie ne s'applique pas et de plus, il s'agit d'un cas de
[82] La preuve a démontré que l'appelant a une vie stable depuis plusieurs années,
qu'il occupe le même emploi depuis 15 ans, qu'il assume la garde de sa fille de 12 ans
depuis les cinq dernières années laquelle ne présente aucun problème et il est membre
d'une grande famille avec qui il entretient de bons liens.
[85] Avec égards, le tribunal ne croit pas que le report de la question identitaire dans
ce cas spécifique soit approprié.
[86] Le juge de première instance est d'avis que « le droit de l’enfant de savoir qui est
son père peut attendre et n’est pas prioritaire. L’intérêt de l’enfant est prioritaire et son
besoin de stabilité est la priorité à ce moment de sa vie. »28. Afin de démontrer que le
droit de l'enfant et son intérêt ne concordent pas toujours, ce qui dans certains cas est
vrai, le juge donne l'exemple d'un père batteur d'enfants ou un danger public ce qui
n'est surtout pas le cas en l'instance. Il écrit:
« [118] Le père veut que sa fille sache qui est son père et son avocate plaide en
ce sens en ajoutant que c’est aussi le droit de l’enfant de connaître son père.
L’avocate de l’enfant a renchéri sur le droit de l’enfant de connaître son père.
Cependant, le droit de l’enfant et son intérêt ne concordent pas toujours. »
28
Jugement de première instance, par. 122.
450-24-000019-148 PAGE : 20
(notre soulignement)
[87] Pour éradiquer un droit fondamental, il faut une preuve convaincante. Or, de
l'avis du tribunal, tel n'est pas le cas. La question identitaire est intrinsèquement liée à
l'enfant et est en lien avec sa stabilité émotive à moyen et long terme.
[89] On ne peut évincer un parent sur la base d'une simple crainte alors que la
preuve est à l'effet que le parent est capable et adéquat.
[90] Peut-on reprocher à l'appelant de ne pas avoir été présent plus tôt dans la vie de
X? Non. S'il n'a pu être présent auprès de sa fille dès sa naissance c'est parce qu'on lui
a caché la vérité comme le reconnaît le juge de première instance.
[91] Rappelons que depuis que l'appelant a été informé de la possibilité qu'il soit le
père de X, il n'a jamais lâché prise. Il a tout fait pour être reconnu père afin de prendre
rapidement ses responsabilités et faire face à ses obligations. Il y a investi temps,
énergie et argent. Ses efforts ont toutefois été ralentis par la mère puis par le fait
qu’avant même qu’il rencontre la travailleuse sociale, la décision clinique avait été prise.
À vrai dire, il semble que l'arrivée du père brouillait les cartes en rapport avec la position
du Directeur prise avant même la rencontre avec l'appelant.
29
Trociuk c. Colombie Britannique (Procureur général), [2003] 1 R.C.S. 835.
450-24-000019-148 PAGE : 21
[93] X n’a pu créer de lien avec son père A, vu les circonstances que l'on connaît.
Peut-être que le père n'est pas un visage familier pour l'instant, mais avec égards pour
l'opinion contraire, tout est en place pour qu'un lien soit créé. Rien ne permet de croire
qu'il ne veut être que de passage dans la vie de sa fille. Sa persévérance démontre le
[95] Avec égards, le tribunal est d'avis que le juge de première instance a commis
une erreur déterminante en décidant que la preuve prépondérante allait dans le sens de
la décision clinique d'autant que cette dernière n'avait pas pris en compte tous les
aspects de la présente situation particulière. La preuve prépondérante est plutôt à l'effet
que l'enfant X n'est pas fragile au point où il faille l'empêcher de connaître son père qui
est adéquat.
[96] Le juge de première instance a-t-il commis une erreur de droit en retirant à
l'appelant les attributs de l'autorité parentale?
[98] Les articles 91n) de la Loi sur la protection de la jeunesse et 606 C.c.Q. se
lisent :
L’article 91n) de la Loi sur la protection de la jeunesse
« 91. Si le tribunal en vient à la conclusion que la sécurité ou le développement
de l'enfant est compromis, il peut, pour la période qu'il détermine, ordonner
l'exécution de l'une ou de plusieurs des mesures suivantes:
(…)
30
Protection de la jeunesse – 084747, 2008 QCCQ 20727.
450-24-000019-148 PAGE : 22
(notre soulignement)
31
Protection de la jeunesse-118963, 2011 QCCQ 19748.
32
Protection de la jeunesse-1097, 2010 QCCQ 8414.
450-24-000019-148 PAGE : 23
[101] L’article 91n) de la Loi sur la protection de la jeunesse édicte que le juge peut
retirer l'exercice de certains attributs de l’autorité parentale aux parents. En retirant aux
parents tous les attributs de l'autorité parentale, cela équivaut à une déchéance de
l'autorité parentale, ce qui n'est pas de la compétence de la Cour du Québec, chambre
de la jeunesse. Au surplus, il n'y a aucune preuve démontrée en l’instance de tels
motifs graves. La Cour suprême a reconnu le caractère exceptionnel d'une demande de
déchéance de l'autorité parentale 33.
[102] Le tribunal est d'avis que le juge de première instance a commis une erreur de
droit en retirant la totalité des attributs de l’autorité parentale à l'appelant.
33
C.(G.) c. V-F.(T.), [1987] 2 R.C.S. 244.
450-24-000019-148 PAGE : 24
Me Michèle Beaupré
Pariseau Cliche et Associés
Procureurs de l’appelant
Me Mélissa Leblanc
Johanne Marcil avocats
Procureurs de l’intimée-mère de X
Me Véronique Dion
Lafontaine Robert & Lemay
Procureure de X