Complaint - Astudillo v. Michelle Chaloux (May 7 2021)

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CANADA ASTUDILLO, Alan

PROVINCE OF QUEBEC September 25th, 1987


District: MONTREAL 2560 Henri-Bourassa Est, Apt. 3,
Locality: MONTREAL Montréal, QC, H2B 1V5
File #: 525-41-024093-114
File #: 525-41-024706-111 (Applicant)

vs.
CHALOUX, Michelle
BATSHAW YOUTH & FAMILY CENTRES
5 WEREDALE PARK RUE,
Westmount, QC, H3Z 1Y5
(Respondent)

INTERVENTION PLAN 2021 (Updated)

1. I have no Axis I (Mental Illness) DSM Diagnostic, and have not had any in over 7 years.
a. Alan Astudillo & Hopital St-Jérome,
Date: 2013-09-12,
Numéro de dossier: SAS-Q-192867-1306; Autre citation: 2014 QCTAQ 06733
No Axis I Diagnostic (Mental Illness)
https://www.canlii.org/fr/qc/qctaq/doc/2013/2013canlii94299/2013canlii94299.html?

b. Alan Astudillo & Albert-Prevost, Montréal,


Date: 2015-08-04,
Numéro de dossier: SAS-Q-192867-1306; Autre citation: 2016 QCTAQ 11822
No Axis I Diagnostic (Mental Illness)
https://www.canlii.org/fr/qc/qctaq/doc/2015/2015canlii104264/2015canlii104264.html?

c. Psychiatric Report, Written by Docteure Ines Senouci,


Date 2019-01-3017:55:00
Numéro de dossier: SAS-Q-192867-1306
No Axis I Diagnostic (Mental Illness)

d. Psychiatric Report, Written by Docteur Paul-André Lafleur,


Date 2019-11-12,
Numero de Dossier: 101229409; 752870; Numero de la Visite: 1668653
No Axis I Diagnostic (Mental Illness)

2. In your document entitled: INTERVENTION PLAN (IP) (Review of IP)


Date 2021-04-06.
File #: 525-41-024093-114; File #: 525-41-024706-111;
a. You say the contrary of what the children’s father’s medical record states.
b. You file that in court under oath, +2 count of Perjury. (1 document with lies per kid)
c. Meantime +2 counts of Kidnapping minors to extort service without consent (s. 279 (1)(c)).

3. PERJURO, (RA)
Del latino. periūrus.
© Real Academia Española, 2021. https://dle.rae.es/perjuro

4. RAPTAR
Del lat. Rapture
[1. tr. Secuestrar, retener a alguien en contra de su voluntad, por lo general con el fin de
conseguir un rescate.]
© Real Academia Española, 2021. https://dle.rae.es/raptar

5. Intent to Sue for Damages on contact, consider that good for my children as well.

Date: __May 7th 2021___


Location: Montréal, QC__
Kidnapping

279 (1) Every person commits an offence who kidnaps


a person with intent (c) to hold the person for ransom
or to service against the person’s will.
Droit de la famille — 101001 2010 QCCS 1856

COUR SUPÉRIEURE

2010 QCCS 1856 (CanLII)


CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE FRONTENAC

N° : 235-04-000019-095

DATE : 3 mai 2010


______________________________________________________________________

SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE DENIS JACQUES, j.c.s.


______________________________________________________________________

N... S...
Demanderesse
c.
F... L...
Défendeur

______________________________________________________________________

JUGEMENT
______________________________________________________________________

[1] Par sa requête, la demanderesse demande au Tribunal de prononcer la


déchéance de l’autorité parentale du défendeur à l’égard de son enfant X, née le [...]
2004.

[2] Le défendeur conteste la requête et ajoute qu’il désire connaître sa fille qu’il n’a
pas vue depuis plus de cinq ans.

LES FAITS

[3] Les parties se fréquentent pendant environ deux ans et cohabitent de janvier
2004 à juillet 2004.

JJ0379
235-04-000019-095 PAGE : 2

[4] Le [...] 2004, de l’union des parties est née X. Le défendeur est présent lors de
l’accouchement.

[5] Après la naissance de X, le défendeur explique que la demanderesse est

2010 QCCS 1856 (CanLII)


contrôlante et qu’elle s’approprie leur fille, ne lui laissant que peu de place.

[6] Il ajoute que même durant la grossesse, la demanderesse parlait de « divorce ».

[7] À la mi-juillet 2004, la demanderesse exige du défendeur qu’il quitte la résidence


familiale.

[8] Il réagit mal à la séparation.

[9] Le défendeur affirme qu’il a de la difficulté même à récupérer ses effets


personnels.

[10] À l’audience, la mère de la demanderesse confirme que le défendeur pleurait


alors beaucoup.

[11] Elle ajoute que le défendeur était plutôt malhabile avec l’enfant et qu’il était peu
mature.

[12] Le baptême de X était prévu pour le début du mois d’août. Toute la famille de la
demanderesse s’y retrouve.

[13] Pour sa part, le défendeur explique qu’en raison de la séparation récente, il est
incapable de s’y présenter, tout comme sa famille.

[14] Le 6 août 2004, la demanderesse dépose une requête introductive d’instance


pour garde d’enfant et de fixation de pension alimentaire.

[15] À la fin de l’été, le défendeur rencontre la demanderesse dans un restaurant de


la région en compagnie de X. La rencontre se déroule très bien.

[16] Le 7 septembre 2004, le juge Marc Lesage rend un jugement intérimaire


octroyant la garde de l’enfant X à la demanderesse et ordonnant au défendeur de payer
une pension alimentaire de 29,49 $ par semaine rétroactivement au 15 août 2004.

[17] Le 22 septembre 2004, les parties signent une convention sur le fond de la
requête déposée par la demanderesse.

[18] Par cette convention entérinée par la greffière spéciale Me Line Laforest, la
demanderesse se voit octroyer la garde de X.

[19] Par ailleurs, la convention prévoit des droits d’accès au défendeur établis comme
suit :
235-04-000019-095 PAGE : 3

« 3. Le défendeur a des droits d’accès auprès de son enfant suivant


entente entre les parties et, à défaut d’entente, une journée par semaine,
soit du déjeuner à compter du 8 heures jusqu’au souper soit 18 heures
sauf occasion spéciale, le tout avec un préavis de QUARANTE-HUIT (48)

2010 QCCS 1856 (CanLII)


heures. Jusqu’à ce que l’enfant ait atteint l’âge de dix-huit (18) mois, le
Défendeur exercera ses droits d’accès accompagné de sa sœur ou de sa
mère. Le Défendeur, dans les présentes circonstances, assumera les
frais de transport lors des droits d’accès. De plus, tout le linge et les
accessoires de bébé accompagnant l’enfant devront suivre l’enfant;

4. Le Défendeur aura l’enfant la veille de Noël et le Jour de l’An et la


Demanderesse aura l’enfant le jour de Noël et la veille du Jour de l’An ou
selon entente entre les parties;

5. Alternativement, d’année en année, les parties se partageront la


journée de Pâques, étant entendu que la Demanderesse aura son enfant
pour la journée de Pâques 2005;

6. Le Défendeur aura accès à son enfant mineur à l’occasion des


vacances estivales moyennant un préavis d’un mois comme suit :
i) Trois (3) jours consécutifs en 2004 et 2005;
ii) À partir de l’âge de deux (2) ans : 1 semaine;
iii) À partir de l’âge de trois (3) ans : 2 périodes d’une semaine;

7. Le jour de la Fête des pères et le jour de l’anniversaire du Défendeur


seront réservés à ce dernier étant entendu que le jour de la Fête des
mères et le jour de l’anniversaire de la Demanderesse seront réservés à
cette dernière; »

[20] En outre, les parties s’engagent par cette convention à encourager le


développement des liens affectifs entre l’enfant et l’un et l’autre des parents :

« 8. Les parties reconnaissent qu’il est dans le meilleur intérêt de l’enfant


mineur [sic] X que l’enfant continue à avoir accès à ses parents malgré
leur séparation et que le lien existant entre l’enfant X et chacun des
parents soit préservé et renforcé; Aucune des parties ne tentera de
diminuer l’affection de l’enfant pour l’autre mais au contraire, encouragera
son développement; »

[Nos soulignements]

[21] À la suite de cette entente, le défendeur soutient qu’il a téléphoné à plus de dix
reprises chez la demanderesse pour avoir accès à sa fille X.
235-04-000019-095 PAGE : 4

[22] Or, il ajoute que la demanderesse trouve toujours des excuses ou des raisons
pour que ne s’exercent pas les accès requis.

[23] À l’audience, la demanderesse ne peut contester ces faits.

2010 QCCS 1856 (CanLII)


[24] À partir d’octobre 2004, la demanderesse développe une relation amoureuse
avec un homme habitant à ville A.

[25] À la même époque, le défendeur apprend que celle-ci est déménagée à ville A
avec son nouveau conjoint et X. Il ne connaît pas leur adresse.

[26] La demanderesse affirme qu’elle était alors en congé familial pour un an. Elle
affirme que c’est graduellement qu’elle s’est retrouvée plus souvent à ville A et qu’elle y
aménage complètement en mai 2005. Elle soutient qu’elle a néanmoins conservé son
loyer à ville B jusqu’en juin 2005.

[27] La demanderesse n’a jamais avisé le défendeur de sa nouvelle adresse ni donné


quelque information relativement à X voire même transmis des photos de l’enfant au
défendeur.

[28] Le nouveau conjoint de la demanderesse fut transféré à ville C en janvier 2006.


Encore là, elle n’avise pas le défendeur.

[29] Avec son nouveau conjoint, la demanderesse a développé une nouvelle cellule
familiale. Elle a donné naissance à une autre fille en novembre 2006.

[30] Le 12 mai 2007, la demanderesse s’est mariée avec son nouveau conjoint.

[31] À l’audience, elle explique que X vit pleinement sa relation de famille avec son
nouveau conjoint et sa sœur.

[32] Le 19 février 2009, la demanderesse dépose sa requête introductive d’instance


en déchéance d’autorité parentale et changement de nom.

[33] Le 24 février 2009, elle signifie sa requête au domicile du défendeur.

[34] Le défendeur comparaît au dossier par avocat et conteste la requête par le dépôt
d’une défense écrite le 25 mai 2009.

[35] Dans sa contestation écrite, le défendeur soutient que la demanderesse a tout


fait pour l’éliminer de sa vie et de celle de l’enfant X. Ainsi, c’est par dépit et
découragement qu’il a cessé de faire ses démarches pour voir son enfant, ne
connaissant pas au surplus la nouvelle adresse de la demanderesse.

[36] Interrogé après défense le 22 septembre 2009, le défendeur réitère sa volonté


de développer des liens avec son enfant X.
235-04-000019-095 PAGE : 5

[37] Le défendeur travaille à temps partiel comme militaire réserviste et comme agent
de sécurité. Ses revenus sont d’environ 12 000 $ par année.

[38] Après la séparation des parties, le défendeur a fréquenté le Collège A [dans la

2010 QCCS 1856 (CanLII)


région A] pendant environ une année.

[39] Malgré ses faibles revenus, le défendeur a toujours acquitté la pension


alimentaire au bénéfice de sa fille X. Cette pension alimentaire s’élève aujourd’hui à
environ 140 $ par mois.

[40] De plus, il explique qu’en 2008 et 2009, il a transmis à X un montant de 50 $


comme cadeau de fête.

[41] À l’audience, le défendeur réitère qu’il désire revoir sa fille. Il affirme qu’il pense
à elle à tous les jours.

[42] Dans sa requête, la demanderesse soutient que volontairement le défendeur a


carrément abandonné l’enfant. Elle ajoute que le défendeur est indigne car il n’a jamais
assumé ses obligations envers l’enfant et qu’il est improbable qu’il assume ses
responsabilités dans le futur.

[43] Elle affirme que sa demande n’est pas faite dans le but d’adoption par son
nouveau conjoint. Elle craint plutôt que le défendeur s’immisce dans les décisions
importantes pour X ou qu’il l’empêche de voyager à l’extérieur du pays sans son
autorisation.

[44] En conséquence de la déchéance d’autorité parentale, la demanderesse


demande le changement de nom attribué à X afin de faire rayer le nom L... de son nom
de famille pour le remplacer par S....

ANALYSE ET DÉCISION

[45] L'article 599 C.c.Q. identifie les attributs de l'autorité parentale. Ainsi, les père et
mère ont, à l'égard de leurs enfants, le droit et le devoir de garde, de surveillance et
d'éducation. En outre, ils doivent nourrir et entretenir leurs enfants.

[46] L'autorité parentale demeure jusqu'à la majorité de l'enfant ou à son


émancipation.

[47] Les droits conférés aux parents à l'égard de leurs enfants peuvent faire l'objet
d'un retrait ou d'une déchéance. A cet égard, l'article 606 C.c.Q. prescrit ce qui suit:

« Art. 606. La déchéance de l'autorité parentale peut être prononcée par


le tribunal, à la demande de tout intéressé, à l'égard des père et mère, de
l'un d'eux ou du tiers à qui elle aurait été attribuée, si des motifs graves et
l'intérêt de l'enfant justifient une telle mesure.
235-04-000019-095 PAGE : 6

Si la situation ne requiert pas l'application d'une telle mesure, mais


requiert néanmoins une intervention, le tribunal peut plutôt prononcer le
retrait d'un attribut de l'autorité parentale ou de son exercice. Il peut aussi
être saisi directement d'une demande de retrait. »

2010 QCCS 1856 (CanLII)


[48] Dans l'arrêt C. (G.) c. V.F. (T.)1, la Cour suprême rappelle le caractère
exceptionnel de la demande de déchéance parentale. C'est une mesure extrêmement
grave, radicale, qui revêt en soi un caractère infamant.

[49] L'importance de la mesure est aussi expliquée par l'auteur Michel Tétreault2
dans son traité sur Droit de la famille, alors qu'il s'exprime comme suit:

«Autres éléments à considérer, la déchéance de l'autorité parentale peut


devenir l'antichambre de l'adoption (art. 552 C.c.Q.) d'où l'importance
d'étudier sérieusement la demande. En effet, même si la déchéance de
l'autorité parentale est réversible (art. 610 C.c.Q.) si une ordonnance de
placement pour adoption est prononcée avant que l'autorité n'ait été
rétablie à l'égard du parent déchu, son recours devient illusoire. »

[50] Dans Droit de la famille – 17383, la Cour d'appel refuse la demande de


déchéance parentale d'un père, toxicomane, possédant un dossier criminel chargé,
ayant vécu en prison pendant de nombreuses années et ayant tenté de se suicider.

[51] La déchéance n'est pas en soi une sanction à l'égard des parents ; elle constitue
plutôt une mesure de protection pour l'enfant4.

[52] Dans l'arrêt C.(G.) c. V.F. (T.).5, la Cour Suprême expose ce qui suit:

« L'article 654 C.c.Q. précise qu'il ne suffit pas d'apporter la preuve d'un
motif grave pour prononcer la déchéance du titulaire de l'autorité
parentale. Il faut de plus qu'il soit prouvé qu'il est dans l'intérêt de l'enfant
de recourir à cette mesure. Cette preuve n'a pas été apportée. Même si
elles apparaissent minces à court terme, il est important dans l'intérêt des
enfants et du père de ne pas compromettre les chances de réconciliation
à plus long terme. »

[53] Néanmoins, l'aspect fautif constitue le critère prioritaire pour déterminer si les
motifs de déchéance sont graves.

1
C. (G.) c. V.-F.(T.) 1987 2 R.C.S. 244.
2
Michel TETRAULT, Droit de la famille, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 766
3
Droit de la famille – 1738, [1995] R.J.Q. 2328 (C.A.) jj. Chamberland, Deschamps et Le Bel
(dissident).
4
V. Young c. Young [1993] 4 S.C.R. 3.
5
C.(G.) c. V.F. (T.), précité note 2, p. 265.
235-04-000019-095 PAGE : 7

[54] Dans Droit de la famille - 1738, le juge Chamberland explique que l’on ne doit
prononcer la déchéance d’autorité parentale que si la preuve révèle des circonstances
extrêmement graves6 :

2010 QCCS 1856 (CanLII)


« La déchéance de l’autorité parentale est une « mesure extrêmement
grave » [le juge Monet, dans Droit de la famille – 639, [1989] R.J.Q. 1082,
1083]. Il s’agit d’une « mesure radicale » [le juge Beetz dans C.(G.) c. V.-
F.(T.), [1987] 2 R.C.S., 244, 261], une « mesure tout à fait
exceptionnelle » [le juge Beaudouin dans Droit de la famille – 990, [1991]
R.J.Q. 1215 C.A. 1220]. Elle a un « caractère infamant » [Marty et
Raynaud, Droit civil : les personnes, 3è éd. Paris : Sirey, 1976. P. 304].
Le professeur Pineau écrivait que « la déchéance de l’autorité parentale
n’avait pas été inventée pour permettre à l’enfant de changer de nom ou
pour permettre d’accélérer le processus de l’adoption » [Jean Pineau. La
famille : droit applicable au lendemain de la « Loi 89 ». Montréal : P.U.M.,
1983. P. 346]; ni, j’ajouterais pour permettre à un parent de contrer la
requête en vue d’obtenir des droits d’accès présentée par l’autre parent.

J’aborde donc l’analyse de la question à la lumière des propos, fort justes


et sereins, du juge Beetz dans l’affaire C.(G.) c. V.-F.(T.), [1987] 2 R.C.S.
244, 261-262] :

La déchéance de l’autorité parentale constitue un jugement de valeur sur


la conduite de son titulaire. Qu’il soit partiel ou total, le jugement de
déchéance représente une déclaration judiciaire d’inaptitude du titulaire à
détenir une partie ou la totalité de l’autorité parentale. On ne peut donc
déchoir une personne, même partiellement, sans conclure qu’elle a
commis, par action ou abstention, un manquement grave et injustifié à son
devoir de parent. »

[Nos soulignements]

[55] L'abandon d'un enfant peut constituer un motif grave au sens de l'article 606
C.c.Q. Mais cet abandon doit être sans équivoque et s'être prolongé sur une période
suffisamment importante7.

[56] En l’espèce, le Tribunal estime que nous ne retrouvons pas les circonstances
exceptionnelles requises pour prononcer la déchéance parentale du défendeur.

[57] En effet, même si le défendeur aurait pu faire des démarches additionnelles pour
retracer l’adresse de la demanderesse, il n’en demeure pas moins que celle-ci n’a pas

6
[1995] R.J.Q. 2328.
7
V. Droit de la famille – 2066, [1994] R.J.Q. 2663 (C.S.) ; Droit de la famille – 2200, J.E. 95-1093
(C.A.) ; V. aussi Droit de famille –2137 [1995] R.D.J. 583 (C.S.) et M.C. c. C.B. [2001] R.J.Q. 356
(C.A.).
235-04-000019-095 PAGE : 8

favorisé le développement de contacts de X avec son père tel qu’elle s’y était engagée
par la convention de septembre 20048.

[58] C’est plutôt le contraire que révèle la preuve. En effet, dans un premier temps,

2010 QCCS 1856 (CanLII)


elle ne donne pas suite aux demandes répétées du défendeur d’avoir accès à X.
Ensuite, elle ne donne aucune nouvelle de l’enfant X à son père, ne lui transmet aucune
information ni photo et lui cache au surplus son adresse.

[59] L’intérêt de X est de connaître son père et celui-ci est désireux de développer
des liens avec elle.

[60] Même si X a développé d’excellentes relations avec le mari de la demanderesse,


il n’en demeure pas moins que son intérêt est de développer des liens avec son père tel
qu’elle le reconnaissait d’ailleurs la demanderesse lors de la signature de la convention
en septembre 2004.

[61] Rappelons au surplus que le défendeur s’est acquitté de son obligation


alimentaire envers sa fille, malgré une capacité financière limitée.

[62] Par ailleurs, en 2008, même avant la signification de la requête de la


demanderesse, celui-ci a transmis un cadeau de fête à sa fille par virement bancaire.

[63] À l’audience, le défendeur explique qu’il n’a pas l’intention de bouleverser la vie
de sa fille et de la demanderesse. Il ajoute même qu’il est prêt à laisser à la
demanderesse l’entière autorité relativement aux questions médicales et scolaires de X.

[64] En outre, il convient d’autoriser la demanderesse à obtenir un passeport et à


voyager avec X sans son autorisation.

[65] Dans les circonstances, le Tribunal estime que le défendeur n’a pas abandonné
totalement sa fille, qu’il n’est pas le seul à être blâmé dans le contexte et qu’il serait
injuste de lui imposer la déchéance totale recherchée.

[66] Le défendeur explique qu’il entend demander au Tribunal de lui accorder des
droits d’accès à la suite du présent jugement.

8
Voir notamment le paragraphe 8 de la convention reproduit au paragraphe 20 du présent jugement.
235-04-000019-095 PAGE : 9

[67] En effet, bien que la convention des parties intervenue en 2004 n’a jamais été
annulée, elle est en pratique inapplicable en raison du contexte et de l’écoulement du
temps.

2010 QCCS 1856 (CanLII)


[68] Il appartiendra au Tribunal saisi de sa demande d’accès de décider si dans l’état
actuel des choses, il y a lieu de lui accorder de nouveaux accès et dans l’affirmative,
selon quels termes et conditions.

[69] Dans l’intervalle, le Tribunal estime raisonnable de requérir de la demanderesse


qu’elle fasse part sans délai au défendeur, tel qu’elle s’y était d’ailleurs engagée dans
l’entente de septembre 2004, d’informations relatives à la santé et au développement
de X.

[70] Par ailleurs, il ne serait que juste et raisonnable qu’elle lui transmette aussi
quelques photos, tel que le lui demandait d’ailleurs le défendeur par lettre à l’automne
2009.

[71] De façon accessoire à la déchéance de l’autorité parentale recherchée, la


demanderesse requiert un changement dans le nom de X afin de retrancher le nom L...
et de le remplacer par celui de S....

[72] À cet égard, l’article 65 du C.c.Q. prévoit ce qui suit :

« 65. Le tribunal est seul compétent pour autoriser le changement de nom


d'un enfant en cas de changement dans la filiation, d'abandon par le père
ou la mère ou de déchéance de l'autorité parentale. »

[73] Puisque le Tribunal conclut qu’il n’y a pas eu abandon, il n’y a pas lieu
d’ordonner le changement de nom.

[74] Par ailleurs, il aurait été loisible à la demanderesse de requérir l’addition de son
nom « S... » au nom de X L..., mais telle demande n’a pas été formulée.

[75] La demanderessse pourra toujours présenter une telle demande ultérieurement,


si elle le juge utile et dans l’intérêt de X.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[76] REJETTE la requête introductive d’instance en déchéance de l’autorité parentale


et changement de nom de la demanderesse;

[77] ORDONNE à la demanderesse de transmettre au défendeur sans délai toute


information importante relative à la santé et à l’éducation de X;
235-04-000019-095 PAGE : 10

[78] AUTORISE la demanderesse à obtenir un passeport au nom de X sans


autorisation du défendeur et à voyager à l’extérieur du pays avec X sous réserve d’en
informer le défendeur, si le voyage est d’une durée supérieure à 14 jours;

2010 QCCS 1856 (CanLII)


[79] SANS FRAIS, vu la nature du litige.

__________________________________
DENIS JACQUES, j.c.s.

Me Richard Côté
ÉTUDE DE ME RICHARD CÔTÉ
716, St-Alphonse Nord
Thetford Mines (Qc) G6G 3X2
Procureur de la demanderesse

Me Jacques Samson
SAMSON CÔTES GARDNER
57, Notre-Dame Ouest
Thetford Mines (Qc) G6G 1J4

Date d’audience : 9 avril 2010


Protection de la jeunesse — 15156 2015 QCCS 2952

COUR SUPÉRIEURE

2015 QCCS 2952 (CanLII)


CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE ST-FRANÇOIS

Nº C.S.: 450-24-000019-148
Nº C.Q.: 450-41-004314-127

DATE : 26 juin 2015


______________________________________________________________________

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE LINE SAMOISETTE, J.C.S.

______________________________________________________________________

DANS LA SITUATION DE L’ENFANT :


X

A
Appelant
et
[INTERVENANTE 1], personne dûment autorisée par le Directeur de la protection de la
jeunesse du Centre jeunesse A
Intimée
et
B
Intimée
et
C,
Intimé

______________________________________________________________________

JUGEMENT
______________________________________________________________________
450-24-000019-148 PAGE : 2

[1] L’appelant se pourvoit à l’encontre d’une décision de la Cour du Québec, chambre


de la jeunesse, rendue par le juge Michel Durand le 4 novembre 2014 dont les
conclusions se lisent:

2015 QCCS 2952 (CanLII)


« [160] ACCUEILLE la présente requête;

[161] DÉCLARE la sécurité et le développement de l’enfant X encore et toujours


compromis;

[162] RÉVISE l’ordonnance rendue le 20 septembre 2013 dans le présent


dossier;

[163] ORDONNE que l’enfant X soit confiée au Directeur de la protection de la


jeunesse du Centre jeunesse A pour hébergement dans la famille d’accueil
actuelle que le Directeur a évaluée, choisie et nommément désignée et ce, pour
une période allant jusqu’à la majorité de l’enfant;

[164] INTERDIT tout contact direct ou indirect entre l’enfant et sa mère;

[165] INTERDIT tout contact direct ou indirect entre l’enfant avec monsieur C;

[166] INTERDIT tout contact direct ou indirect entre l’enfant et son père,
monsieur A;

[167] ORDONNE qu’une ou des personnes, oeuvrant au sein du Centre


jeunesse A ou de tout autre établissement ou organisme, apportent aide, conseil,
support et assistance à l’enfant X, à sa mère et à son père monsieur A si ceux-ci
en font expressément la demande, et ce, pour une période allant jusqu’à sa
majorité, soit le [...] 2029;

[168] CONFIE la situation de l’enfant X au Directeur de la protection de la


jeunesse du Centre jeunesse A pour l’exécution de l’ordonnance.

(notre soulignement)

[2] Le 11 décembre 2014, l’appelant recevait le jugement qui a été corrigé pour y
ajouter plus particulièrement la conclusion suivante :
« [167] RETIRE aux parents les attributs de l’autorité parentale et les CONFIE à
la famille d’accueil nommément désignée; »

[3] L'avis d’appel vise l’interdiction de contacts entre l’appelant et sa fille X et le


retrait de tous les attributs de l’autorité parentale de l’appelant.

[4] L'appelant demande de lui accorder des droits d’accès supervisés auprès de son
enfant avec la possibilité de lever la supervision dès que la situation le permettra. Il
propose que les accès se déroulent de façon progressive débutant par une période de
trois heures aux deux semaines.

[5] L’enfant X est née le [...] 2011. Elle a été prise en charge par le Directeur de la
protection de la jeunesse (le Directeur) deux jours après sa naissance. À ce moment-là,
450-24-000019-148 PAGE : 3

le père déclaré était C. La mère avait déjà un fils placé jusqu’à majorité chez la grand-
mère maternelle.

[6] L'appelant a été déclaré père de l'enfant X après plus d'un an de démarches

2015 QCCS 2952 (CanLII)


judiciaires. Il est déjà le père d'une fille de 12 ans dont il a la garde depuis cinq ans.

CONTEXTE

[7] Il s’agit ici d’un contexte singulier où l'appelant, le père biologique, A, ne vivait
pas avec la mère lorsqu’elle a donné naissance à l’enfant. De fait, il n’a su qu’au mois
de mars 2013 qu’il était probablement le père de l’enfant alors que l'acte de naissance
de l'enfant mentionnait plutôt le nom de C comme étant le père. Le juge de première
instance a ainsi relaté les faits dans son jugement :
« [54] Monsieur A a fréquenté la mère B à partir de la fin février 2011 jusqu’à la
mi-juin. Ils ont aménagé ensemble au début du mois de juin et, à la mi-juin, B
partait pour aller habiter avec C.

[55] Au mois d’août, elle lui dit qu’elle est enceinte de 24 semaines et que le père
est C. Pour lui, ça fait du sens puisque s’il recule de 24 semaines, ça correspond
à l’époque où elle demeurait encore avec C.

[56] Au début de l’année 2013, la mère de B, donc la grand-mère maternelle de


X, appelle A pour lui dire qu’elle vient de trouver une copie de l’échographie de
sa fille. Elle lui annonce que les dates données par B ne sont pas exactes et
qu’elle était enceinte de 20 semaines seulement et non de 24 semaines. Elle lui
dit qu’il est fort probable qu’il soit le père de la petite X.

[57] C’est à partir de là qu’il entreprend des procédures en mars 2013 pour
obtenir un prélèvement d’ADN sur X et sur lui-même. »

[8] L'appelant a immédiatement entrepris un recours devant la Cour supérieure afin


de contester la paternité de C et d'être déclaré père de l'enfant.

[9] Le recours concernant la compromission et la sécurité de l'enfant avait déjà


débuté devant la Cour du Québec, chambre de la jeunesse.

[10] Pour une meilleure compréhension de la situation, il importe de reprendre de


façon chronologique les jugements de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse, qui
précèdent celui en cause ainsi que les démarches de l'appelant devant la Cour
supérieure, chambre de la famille, afin de faire reconnaître sa paternité.

[11] Le 17 avril 2012, la juge Lise Gagnon de la Cour du Québec, chambre de la


jeunesse, a déclaré la sécurité et le développement de l'enfant compromis et a rendu
également les conclusions suivantes :
« (…);
450-24-000019-148 PAGE : 4

MAINTIENT X auprès de ses parents;

ORDONNE aux parents de participer activement au suivi psychosocial;

2015 QCCS 2952 (CanLII)


PREND ACTE du consentement de la mère à poursuivre son suivi avec le
docteur Émond;

ORDONNE qu’une ou des personnes, oeuvrant au sein du Centre jeunesse A ou


de tout autre établissement ou organisme, soient désignées pour apporter aide,
conseil et assistance à X et à sa famille, et ce, pour une période de six (6) mois;

CONFIE la situation de X au Directeur de la protection de la jeunesse du Centre


jeunesse A pour l’exécution de la présente ordonnance. »

[12] Le 15 août 2012, la juge Gagnon, révisait l'ordonnance précédente et déclarait


que la sécurité et le développement de l'enfant étaient toujours compromis. Ses autres
conclusions se lisent :
« (…);

CONFIE X à ses parents;

PREND ACTE du fait que le père a pris rendez-vous avec un intervenant [de
l’organisme A] et qu'il s'engage à faire une démarche pour régler sa
problématique d'impulsivité et d'agressivité;

ORDONNE aux parents de participer activement aux mesures ayant pour but de
mettre un terme à la situation de compromission, notamment :

- que les parents participent activement au suivi psychosocial et à tout autre


service qui leur sera offert;

- que le père entreprenne une démarche pour son problème d'impulsivité et


d'agressivité;

- que le père entreprenne une démarche pour une évaluation en toxicomanie et


un suivi si recommandé;

- que la mère entreprenne un suivi personnel en lien avec sa dynamique


personnelle et qu'elle poursuive son suivi médical avec le docteur Émond;

ORDONNE que X reçoive tous les soins de santé requis par son état;

ORDONNE qu'une ou des personnes, oeuvrant au sein du Centre jeunesse A ou


de tout autre établissement ou organisme, apportent aide, conseil support et
assistance à X et à sa famille, et ce, pour une période de neuf (9) mois;

CONFIE la situation de X au Directeur de la protection de la jeunesse du Centre


jeunesse A pour l'exécution de l'ordonnance. »

[13] Rappelons que la personne désignée comme le père dans ce jugement n'est pas
l'appelant.
450-24-000019-148 PAGE : 5

[14] Tel que déjà souligné, au mois de mars 2013, l'appelant a entrepris les
démarches judiciaires devant la Cour supérieure afin de faire reconnaître sa paternité.
[15] Le 21 mai 2013, l’enfant X a été confiée à une famille d’accueil.

2015 QCCS 2952 (CanLII)


[16] Le 13 juin 2013, un jugement de la Cour supérieure homologuait une entente
confirmant que les parties consentaient à ce qu’un test d’ADN soit effectué concernant
l’appelant et l’enfant X.

[17] Le 20 septembre 2013, la juge Gagnon a révisé son ordonnance du 15 août


2012. La sécurité et le développement de l'enfant demeuraient toujours compromis. Les
autres conclusions se lisent:
« (…)

CONFIE X au Directeur de la protection de la jeunesse du Centre jeunesse A,


pour son hébergement en famille d’accueil;

PREND ACTE de l’intention du Directeur de la protection de la jeunesse de


procéder, durant la prochaine période, à la clarification du projet de vie
permanent de l’enfant;

AUTORISE, en faveur de l’enfant, des contacts supervisés avec sa mère selon la


durée et la fréquence établie par le Directeur de la protection de la jeunesse et
selon les modalités suivantes :

- Que la mère soit sobre;

- Que les contacts se déroulent à l’exclusion du père;

AUTORISE en faveur de l’enfant des contacts supervisés avec son père selon la
durée et la fréquence établie par le Directeur de la protection de la jeunesse :

PREND ACTE qu’au départ, les contacts seront permis selon les modalités
suivantes :

- Que les contacts aient lieu dans les locaux du centre jeunesse A;

- Que les contacts aient lieux (sic) à l’exclusion de la mère;

- Que les contacts aient lieux (sic) uniquement si le père ne se présente


pas avec une haleine dégageant une odeur d’alcool;

- Que les contacts aient lieux (sic) uniquement si le père affiche une
attitude respectueuse envers la superviseure;

PREND ACTE que la superviseure des visites annulera la visite supervisée de


l’enfant avec la mère ou le père si l’une ou l’autre des modalités fixées n’est pas
respectée;
450-24-000019-148 PAGE : 6

PREND ACTE de l’intention du Directeur de saisir le Tribunal afin de demander


une suspension de contacts si la superviseure doit annuler deux (2) visites pour
un non-respect des modalités ordonnées;

2015 QCCS 2952 (CanLII)


AUTORISE le Directeur à modifier lesdites modalités de contacts selon
l’évolution de la situation;

ORDONNE aux parents de participer activement à l’application des mesures afin


de mettre fin à la situation de compromission, notamment :

- Que les parents fassent rapport au Directeur de la protection de la


jeunesse de tout changement dans leur situation personnelle;

- Que les parents adoptent une attitude respectueuse envers les


intervenants en tout temps;

- Que le père entreprenne des services en lien avec ses difficultés


personnelles notamment en lien avec son agressivité et son impulsivité et en lien
avec ses problématiques liées à l’alcool;

- Que la mère poursuive ses suivis en lien avec ses difficultés


personnelles, notamment son suivi médical et sa prise de médication telle que
prescrite, son suivi auprès du CSSS en lien avec sa santé mentale et qu’elle
entreprenne un suivi en lien avec ses problématiques liées à l’alcool;

- Que les parents permettent au Directeur de la protection de la jeunesse


d’avoir accès à leurs suivis respectifs;

- Que les parents participent activement et avec transparence au suivi


psychosocial et au plan d’intervention;

AUTORISE le Directeur de la protection de la jeunesse à modifier les modalités


de contacts selon l’évolution de la situation des parents et en fonction des
besoins de X;

ORDONNE qu'une ou des personnes, oeuvrant au sein du Centre jeunesse A ou


de tout autre établissement ou organisme, apportent aide, conseil support et
assistance à X et à sa famille, et ce, pour la même période pour une période de
six (6) mois;

CONFIE la situation de X au Directeur de la protection de la jeunesse du Centre


jeunesse A pour l'exécution de l'ordonnance. »

[18] Notons encore une fois qu’ici le père n'est toujours pas l'appelant.

[19] Soulignons que malgré l'ordonnance rendue le 13 juin 2013 par la Cour
supérieure, la mère négligeait d’amener l’enfant au centre de prélèvement afin qu’elle
subisse le test d’ADN, ce qui a causé des délais importants. Confronté à la négligence
de la mère, l’appelant n'a eu d'autre choix que de présenter une requête devant la Cour
supérieure pour la forcer à agir et c’est alors que le Directeur a été mis au courant des
450-24-000019-148 PAGE : 7

procédures. Le 23 janvier 2014, le juge Pierre Boily a autorisé la famille d’accueil à


prendre rendez-vous et amener l'enfant au centre de prélèvement, ce qui a été fait1.

[20] Au mois de février 2014, le test d’ADN a finalement révélé que l’appelant était le

2015 QCCS 2952 (CanLII)


père biologique de l’enfant. La mère a tout de même poursuivi sa contestation de sorte
que cela a entraîné d'autres délais. Le dossier a dû être fixé sur le rôle des causes
contestées du mois de juillet 2014.

[21] Parallèlement, le dossier de l'enfant s'est poursuivi devant la Cour du Québec,


chambre de la jeunesse. L'appelant n'étant pas déclaré père, il n'était pas partie à cette
procédure. L'appelant a tenté de joindre l'intervenante au dossier à quelques reprises,
mais en vain2.

[22] Le 14 février 2014, le Directeur déposait une requête en révision pour placement
à majorité de X. L'audition s'est tenue le 21 mai suivant et il n’est pas fait mention des
démarches en reconnaissance de paternité de l’appelant. Après l'audience, le juge
Durand a pris la cause en délibéré.

[23] Le 10 juillet 2014, la requête de l’appelant en contestation d'état et en


reconnaissance de paternité a été entendue en Cour supérieure. La contestation
annoncée n'a pas eu lieu. En effet, la mère ne s'est pas présentée et quant à C, il n'a
pas comparu. L'appelant a donc été déclaré père de l'enfant X ce même jour.

[24] Après qu'il ait été déclaré le père de l'enfant X, la travailleuse sociale, madame
[intervenante 1] a rencontré l'appelant. Elle voulait alors connaître ses intentions et elle
lui a demandé de lui proposer un plan. De fait, la preuve a démontré qu'une décision
clinique avait déjà été prise avant même la rencontre avec l'appelant à l'effet de ne pas
ajouter une autre personne dans la vie de l'enfant. Ce faisant, la travailleuse sociale
considérait inutile d'effectuer une évaluation complète du père 3.

[25] Soulignons qu'avant sa rencontre avec l'appelant, la travailleuse sociale ne


savait pas que ce dernier avait entrepris les démarches judiciaires pour être reconnu
père plus de 16 mois auparavant4. Son contre-interrogatoire fait état d’une certaine
préconception à savoir que suivant son expérience, c'est arrivé à plusieurs reprises
dans le passé qu'un père se faisait déclarer père, mais ne démontrait pas d'intérêt 5:

1
Pièce R-4.
2
Jugement de première instance, par. 61 et 62.
3
Notes sténographiques de l’audition sur la réouverture des débats tenue le 16 octobre 2014, p. 13, l. 6 à
14; p. 18, l. 18 à p. 19, l. 17; p. 20, l. 5 à 25; p. 21, l. 14 à p. 22, l. 10; p. 28, l. 18 à p. 29, l. 22.
4
Notes sténographiques de l’audition sur la réouverture des débats tenue le 16 octobre 2014, p. 39, l. 13
à p. 40, l. 3.
5
Notes sténographiques de l’audition sur la réouverture des débats tenue le 16 octobre 2014, p 41, l. 18
à p. 42, l. 9.
450-24-000019-148 PAGE : 8

« Q. Mais à compter de mars vous n’avez pas tenté de vérifier certains aspects?
En mars, on est donc sept (7) mois plus tard aujourd’hui?

R. Ben écoutez, moi, en mars j’ai… comme j’ai expliqué tout à l’heure, j’ai

2015 QCCS 2952 (CanLII)


consulté le contentieux à savoir dans ces situations-là quelles sont nos
obligations et par rapport à une démarche comme celle-là. Moi, je sais que dans
le passé ça m’est arrivé souvent dans des dossiers où des personnes se sont fait
déclarer parents, puis qu’on n’a pas eu nécessairement de demande ou de… de
plan en fonction de cet enfant-là. Donc, quand on a eu connaissance de ça, alors
c’était… c’était important pour nous de savoir est-ce que ce père-là va faire aussi
une démarche supplémentaire, de proposer un plan pour son enfant parce que
moi, dans mon expérience j’ai eu souvent des parents qui ont été déclarés pères,
mais qu’on n’a jamais entendu parler ensuite.»

(nos soulignements)

[26] La travailleuse sociale a rencontré l'appelant. Il est utile de reprendre un extrait


de son témoignage lors de son interrogatoire 6 :
« Q. O.K. Vous avez pris une décision clinique, vous nous l’avez expliqué tout à
l’heure, vous avez eu des discussions avec monsieur A?

R. Hum, hum.

Q. Mais vous avez vérifié s’il avait des antécédents, il semble pas y en avoir et
pourquoi avez-vous pris, malgré tout, la décision de ne pas évaluer le milieu de
monsieur A et, si vous l’aviez fait, est-ce que ça vous aurait par ailleurs donné un
meilleur portrait de la situation globale de X et de son père?

R. Ben à partir du moment où on a déterminé cliniquement qu’on ne pensait pas


que c’était dans le meilleur intérêt de X d’ajouter une nouvelle personne et
considérant, bon, tous les éléments que j’ai mentionnés tout à l’heure, à ce
niveau-là ça nous donnait pas nécessairement un éclairage de plus de faire une
évaluation en profondeur du père puisque, comme j’expliquais, on… on ne croit
pas que c’est dans son meilleur intérêt actuellement de… d’introduire le père
dans sa vie.

Q. Donc, vous n’évaluez pas à ce moment-là le père?

R. Si on avait été dans un autre contexte, comme je disais, un (1) an plus tôt
dans… ailleurs dans la vie de l’enfant ou beaucoup plus tôt dans le processus,
ç’aurait été différent, mais pour toutes ces raisons on a décidé de pas procéder
avec une évaluation en profondeur. C’est sûr qu’on avait des… des informations
de base-là sur monsieur. »

6
Notes sténographiques de l’audition sur la réouverture des débats tenue le 16 octobre 2014, p. 40, l. 14
à p. 41, l. 17.
450-24-000019-148 PAGE : 9

[27] Malgré que la travailleuse sociale n'a pas considéré utile d'évaluer le père de
l'enfant, la preuve non contredite a démontré que ce dernier a une vie stable depuis
plusieurs années. Il occupe le même emploi depuis 15 ans 7, il assume seul depuis cinq
ans la garde de sa fille âgée maintenant de 12 ans et celle-ci ne présente aucun

2015 QCCS 2952 (CanLII)


problème8 et il est membre d'une grande famille avec qui il entretient de bons liens.

[28] Le 1er août 2014, l'appelant a signifié une requête pour réouverture des débats
afin d'être déclaré partie au dossier. Le 19 août 2014, la juge Marie-Pierre Jutras a fixé
l'audition concernant la réouverture des débats sur la continuation de l’enquête en
révision au 16 octobre 2014. L'audition s'est tenue à cette date devant le juge Durand et
par la suite, il a rendu son jugement qui fait l'objet du présent appel9.

[29] Enfin, avant d'aller plus avant dans l'analyse, il importe de décrire l'enfant X. Lors
de son interrogatoire du 16 octobre 2014, la travailleuse sociale la décrit comme suit 10 :
«Q. Vous nous décririez X quel genre de petite demoiselle, petite fille?

R. Comme j'explique dans mon rapport, c'est une petite fille très enjouée, très
déterminée aussi. Elle a quand même un caractère, elle exprime haut et fort ce
qu'elle souhaite, elle se développe bien. Donc, au niveau de son développement
y a aucune difficulté.

Q. Sa relation avec les personnes moins connues ou étrangères, êtes-vous à


même de... de nous décrire son… Est-ce qu'il y a une ouverture ou pas
d'ouverture?

R. Moi, je l'ai vue dans son contexte de famille d'accueil et je l'ai vue dans le
contexte avec monsieur C et sa mère, B, donc je peux pas vous décrire
comment elle est. C'est sûr que y a... y a des gens qui l'entourent là évidemment,
y a la famille élargie, y a plusieurs autres enfants dans la famille d'accueil dans
laquelle elle fonctionne très bien, mais je suis pas à même de vous dire là
quelles sont ses réactions avec d’autres étrangers. »

(nos soulignements)

[30] Selon la travailleuse sociale, X a un peu de difficulté lorsqu'elle revient de visites


ajoutant qu'elle « va quand même très très bien de façon globale et générale dans son
milieu d'accueil »11:
« (…) Comme je disais, j’expliquais dans mon rapport, quand elle revient de ses
visites, y a toujours un moment où là elle est insécure par rapport à ce qui se
passe, t’sais, la journée qu’elle revient de visite là, y faut que la famille d’accueil

7
Notes sténographiques de l’audition en réouverture des débats du 16 octobre 2014, p. 50, l. 2 à 4.
8
Notes sténographiques de l’audition en réouverture des débats du 16 octobre 2014, p. 49, l. 6 à 9.
9
Jugement de première instance, par. 34.
10
Notes sténographiques de l’audition en réouverture des débats du 16 octobre 2014, p. 37, l. 7 à p. 38, l.
1
11
Notes sténographiques de l’audition en réouverture des débats du 16 octobre 2014, p. 20, l. 17 à p. 21,
l. 8.
450-24-000019-148 PAGE : 10

reprenne du temps pour la sécuriser. Elle a un petit peu de difficulté à se coucher


le soir. Donc, on a une enfant qui est quand même fragilisée un peu au niveau
de… au niveau de se sentir sécure par rapport à où elle appartient, puis où elle
vit, mais elle va quand même très très bien de façon générale et globale là dans

2015 QCCS 2952 (CanLII)


son… dans son milieu d’accueil. Donc, on ne voit pas la nécessité actuellement
d’ajouter une autre personne dans sa vie, qu’elle ne connaît pas, qu’elle n’a
jamais vue et pour répondre à son meilleur intérêt, on croit qu’elle devrait rester
dans sa famille d’accueil et investir et se sécuriser dans son milieu d’accueil. »

(notre soulignement)

[31] Lors de son interrogatoire tenu quelques mois auparavant, soit le 21 mai 2014,
elle s'exprimait ainsi quant aux réactions de l'enfant face aux visites 12:
« X, elle a deux (2) ans, donc évidemment là on a… on n’a pas de discussions
avec elle. Ce que… ce que j’ai comme information là, c’est que au niveau des
visites avec le père, ça va quand même bien. Elle revient, y a pas de réactions
particulières. Par contre, quand elle voit sa mère, là elle voit sa mère les
vendredis, le retour est beaucoup plus difficile. Elle… elle vit, elle semble vivre
beaucoup d'insécurité, elle est accrochée beaucoup après la famille d'accueil,
elle pleure quand elle va se coucher. La famille d'accueil doit la... la réconforter
beaucoup plus dans la journée et le lendemain là. Par exemple, aussitôt que la
famille d'accueil veut quitter, sort de la maison, elle se met à pleurer, elle veut
suivre. Donc, ça on a ça beaucoup au retour des visites avec la mère. Donc moi,
mon hypothèse en discutant avec la famille d'accueil parce qu'on en a discuté
souvent là, elle me ramène souvent cette information-là, c'est sûr que là
l'atmosphère des visites est 'différent'. Quand X est avec son père, y a les deux
(2) garçons qui sont là, donc ça se passe plus dans le jeu, t'sais, y a beaucoup
plus de... de jeux qui 'est' organisés. C'est sûr que la mère, elle est seule avec X,
la mère est très. . . elle la prend beaucoup dans ses bras. Elle est beaucoup,
beaucoup dans l'émotif là, t'sais, collée sur elle. Elle fait des belles visites, la
mère, mais beaucoup plus dans... au niveau d'accaparer sa fille. Donc, je pense
que émotivement mon hypothèse, sans pouvoir le vérifier avec l'enfant, bien sûr,
parce qu'elle a juste deux (2) ans, c'est qu'elle vit ça différemment ses visites
avec sa mère qu'avec son père, mais y a définitivement une différence de
réactions là au retour. »

(notre soulignement)

[32] Ici, encore une fois, l'on ne réfère pas au père biologique mais bien, au conjoint
de la mère.

[33] X a débuté la fréquentation de la garderie à temps partiel à l'automne 2014 sans


difficulté.13

12
Notes sténographiques de l’audition sur la requête en révision du 21 mai 2014, p. 24, l. 20 à p. 26, l. 2.
13
Notes sténographiques de l’audition en réouverture des débats du 16 octobre 2014, p. 38.
450-24-000019-148 PAGE : 11

POSITION DES PARTIES

[34] L'appelant plaide que le juge de première instance a erré en n'utilisant pas les
bons critères pour évaluer l'intérêt actuel et futur de X. Il souligne que la sécurité et le

2015 QCCS 2952 (CanLII)


développement de l'enfant ne sont nullement compromis par sa conduite, son
comportement ou des gestes qu'il aurait posés.

[35] L'appelant soutient que le juge de première instance s'est mal dirigé en
interdisant tout contact direct ou indirect entre sa fille et lui. Il comprend qu'il ne peut
apparaître subitement dans la vie de sa fille et aussi il se dit prêt à prendre le temps
qu'il faudra pour créer le lien. L'appelant fait valoir que la déléguée du Directeur n'a fait
aucune évaluation le concernant, sauf de vérifier s'il avait un casier judiciaire, et il n'en a
pas. Aucune évaluation de ses capacités parentales n'a été faite.

[36] L'appelant allègue que le juge de première instance a également erré en


concluant de retirer les attributs de l'autorité parentale. Il soutient non seulement
qu'aucune preuve n'a été faite à cet égard, mais également que la Loi sur la protection
de la jeunesse ne permet que de retirer l'exercice de certains attributs et non pas les
attributs14.

[37] La procureure de la mère est d'accord avec la position de l'appelant et fait siens
ses arguments.

[38] La procureure de l’enfant souligne qu’à l’audience en première instance, elle


était d’avis qu’il était dans l’intérêt de l’enfant que des droits d’accès soient accordés à
l'appelant. Quoique son avis demeure inchangé, elle allègue toutefois que la décision
du juge de première instance n'est pas déraisonnable concernant l’interdiction des
accès.

[39] La procureure de l’enfant précise toutefois qu'il en va autrement concernant la


conclusion relative au retrait des attributs de l’autorité parentale. Elle fait valoir que le
juge de première instance a commis une erreur de droit puisque l’article 91n) de la Loi
sur la protection de la jeunesse prévoit que le tribunal peut retirer certains attributs de
l’autorité parentale aux parents et non le retrait complet. Ce faisant, cela équivaut à une
déchéance totale de l’autorité parentale prévu à l’article 606 du Code civil du Québec.

[40] La procureure du Directeur allègue pour sa part que le juge de première instance
n'a commis aucune erreur déterminante ni en fait ni en droit, aucune erreur de fait et
aucune erreur mixte de fait et de droit. Conséquemment, elle demande que l'appel soit
rejeté.

ANALYSE

14
RLRQ, c. P-34.1, art. 91n)
450-24-000019-148 PAGE : 12

[41] L 'appel d'une décision de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse, est prévu
aux articles 99 et suivants de la Loi sur la protection de la jeunesse.

[42] Le droit d’appel est assujetti aux règles énoncées dans Housen c. Nikolaisen15

2015 QCCS 2952 (CanLII)


qui indique qu’une intervention est possible sur une question de fait ou sur une question
mixte de fait et de droit en présence d’une erreur manifeste et déterminante alors
qu’elle est sans réserve sur une question de droit.

[43] Il est reconnu que la retenue est de mise lorsqu'il s'agit d'analyser une question
de fait et une question mixte de fait et de droit qui est au coeur de la compétence
spécialisée de la chambre de la jeunesse.

[44] En décidant de l'appel, le tribunal peut, suivant l'article 112 de la Loi sur la
protection de la jeunesse :
« a) confirmer la décision ou ordonnance frappée d'appel;

b) rendre la décision ou ordonnance que le tribunal aurait dû rendre; ou

c) rendre toute autre ordonnance qu'elle considère appropriée. »

[45] En l'instance, y a-t-il lieu d'intervenir concernant l'interdit de contacts entre


l'appelant et sa fille et le retrait à l'appelant de tous les attributs de l'autorité parentale?
Analysons ces deux motifs.

[46] Le juge de première instance a-t-il commis une erreur manifeste et déterminante
en interdisant les contacts entre l'appelant et sa fille?

[47] L'article 3 de la Loi sur la protection de la jeunesse reproduit ce qui est déjà
édicté à l'article 33 C.c.Q. L'article 3 de la Loi sur la protection de la jeunesse se lit :
« 3. Les décisions prises en vertu de la présente loi doivent l'être dans l'intérêt de
l'enfant et dans le respect de ses droits.

Sont pris en considération, outre les besoins moraux, intellectuels, affectifs et


physiques de l'enfant, son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les
autres aspects de sa situation. »

[48] L'intérêt de l'enfant X est la pierre angulaire de toute décision la concernant.

[49] L'évaluation de l'intérêt d'un enfant n'est pas une mince tâche. Plusieurs
éléments doivent être soupesés cela faisant appel nécessairement à la discrétion
judiciaire. Comme le soulignait toutefois la juge McLachlin dans l'arrêt Young16: « la
tâche des tribunaux, n'est pas pour autant purement discrétionnaire ». L'auteur, Me

15
Housen c. Nik olaisen, [2002] 2 R.C.S 235, 2002 CSC 33.
16
Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3.
450-24-000019-148 PAGE : 13

Michel Tétreault, fait d'ailleurs la mise en garde ci-après à l'égard du pouvoir


discrétionnaire17:
« Au nom de la discrétion judiciaire, on peut dénaturer la notion subjective de

2015 QCCS 2952 (CanLII)


l'enfant lorsqu'on l'évalue à partir de diverses considérations détachées du vécu
de l'enfant. »

[50] La Loi sur la protection de la jeunesse vise la protection des enfants dont les
parents ne sont pas en mesure d'assumer leur soin, leur entretien, leur éducation et
d'en assurer leur surveillance. Ces obligations incombent en premier lieu aux parents
de l'enfant »18.
[51] L'article 32 du Code civil du Québec se lit19 :
« Tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l'attention que ses parents
ou les personnes qui en tiennent lieu peuvent lui donner. »

[52] L'article 39 de la Charte des droits et libertés de la personne est au même


effet20.

[53] Ce sont donc les parents qui sont pour ainsi dire les « premiers répondants » de
leur enfant. L'enfant doit être protégé dans les cas où ses parents ne sont pas en
mesure d'assumer leurs obligations face à lui. Quant à la déchéance de l'autorité
parentale, tel que déjà souligné, elle ne sera prononcée à l'égard d'un parent que si des
motifs graves le justifient. Nous y reviendrons.

[54] Tous conviennent de la particularité du présent cas. L'adage « chaque cas est un
cas d'espèce » prend ici tout son sens. Aussi, une approche individualisée s'impose afin
de prendre en compte tous les aspects de cette situation particulière afin de découvrir
l'intérêt de l'enfant X.

[55] Il est admis que le mode de vie et les gestes posés qui ont mené aux motifs de
compromission ne sont nullement en lien avec l'appelant. Seules les capacités
parentales de la mère sont en cause.

[56] L'appelant quant à lui ne fait l'objet d'aucun reproche sur ses capacités
parentales. Le juge ne mentionne pas que le milieu de l’appelant n’est pas stable, mais
plutôt que le milieu où est confié l’enfant depuis 18 mois est l’option la plus stable 21. Il
ne mentionne pas non plus que le milieu de l’appelant n’est pas neutre, mais souligne
que le milieu d’accueil est le milieu le plus neutre de tous 22.

17 e
Michel TÉTREAULT, Droit de la famille, 3 éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, p. 411.
18
RLRQ, c. P-34.1, art. 2.2.
19
C.c.Q., art. 32.
20
RLRQ, c. C-12, art. 39.
21
Jugement de première instance, par. 157.
22
Jugement de première instance, part 149.
450-24-000019-148 PAGE : 14

[57] Le juge de première instance a décidé que ce n'était pas le moment d'introduire
une autre personne dans la vie de X et conséquemment, il a conclu en favorisant la
stabilité de l’enfant dans la famille d'accueil plutôt que le droit de connaître son père. Il
écrit:

2015 QCCS 2952 (CanLII)


« [76] L'intervenante, madame [intervenante 1], explique au Tribunal la position
du Directeur d'interdire des contacts aussi avec le père biologique nouvellement
déclaré, monsieur A. Elle mentionne qu'il y a eu plusieurs discussions cliniques
pour discuter de la situation de cette enfant, avec le réviseur et le Directeur.

(…)

[81] C'est ainsi que le Directeur, suite aux discussions cliniques avec son
intervenante et le réviseur est arrivé à la conclusion qu'ils ne voyaient pas la
nécessité d'ajouter une autre personne dans l'intérêt de l'enfant. Elle a réponse à
tous ses besoins en famille d'accueil. »

(notre soulignement)

[58] Le juge estime que ce serait de faire encourir un « très grand risque »
d’introduire à ce moment-ci une nouvelle personne dans la vie de X, voire un nouveau
« personnage ». Il écrit :
« [92] Madame [intervenante 1] ajoute « elle commence à s’investir, c’est une
enfant fragile et le risque est très grand de briser ça, à ce moment-ci. »

(…)

[109] Mais en même temps où elle doit faire son deuil de sa mère et de celui
qu'elle croyait son père, il faudrait lui présenter un autre papa, son père
biologique, si le Tribunal accorde la demande de monsieur A.

[110] Tout cela peut prendre quelques mois et le père propose une ordonnance
d'une année pour commencer des visites supervisées avec sa fille, pour voir si la
« colle » peut prendre entre lui et sa fille.

(…)

[114] La preuve révèle que c'est une enfant fragile et comme elle commence
vraiment à s'investir dans cette famille d'accueil, elle serait vulnérable et il y
aurait un très grand risque à introduire un nouveau personnage (le père) dans sa
vie.

(…)

[123] Cette enfant a réponse à tous ses besoins depuis 1½ an dans cette famille
d’accueil. En plus de la stabilité, elle commence à s’investir et à trouver une
sécurité affective auprès des parents d’accueil. La prépondérance de la preuve
va dans le sens que d’introduire une autre personne dans sa vie constitue un
risque. »
450-24-000019-148 PAGE : 15

(nos soulignements)

[59] Dans son analyse, le juge écrit :

2015 QCCS 2952 (CanLII)


« [141] Avec respect pour toute opinion contraire, le Tribunal constate que la
prépondérance de la preuve va dans le sens de la décision clinique prise par le
Directeur. »

[60] Bien que la retenue est de mise pour le tribunal siégeant en appel, il n'en
demeure pas moins qu'en cas d'une erreur manifeste et déterminante en fonction de la
preuve, le tribunal doit intervenir.

[61] Il y a dans la décision dont appel des éléments qui surprennent. Le fait que
l'intervenante du Directeur ait déjà pris sa décision avant la première rencontre avec le
père biologique, le fait que la jurisprudence citée dans la décision réfère à des
situations factuelles différentes aux faits mis en preuve dans la présente affaire puisque
l'on réfère dans ces cas à un parent qui exerce déjà des droits d'accès dans un
contexte de séparation et dont sa capacité parentale est en cause, ce qui n'est pas le
cas en l'instance, bien au contraire, à l’égard du père.

[62] Également, le juge de première instance indique à deux occasions que le père
biologique pourrait être intégré dans la vie de l'enfant soit, peut-être après un certain
espace-temps ou soit, à la suite de problème avec la famille d'accueil, ce qui n'est
cependant pas anticipé pour l'instant.

[63] De plus, le jugement rectifié de première instance retirant les attributs de


l’autorité parentale à l’appelant équivaut, à toutes fins pratiques, à une déchéance de
l'autorité parentale. Ajoutons à cela que le conjoint de la mère, lui-même inadéquat,
pouvait, jusqu’à l’automne dernier, exercer des droits d'accès auprès de X et qu’elle ne
s'en portait pas mal alors que le « vrai » père ne peut pas être en contact avec elle et
constitue un risque pour l'enfant alors qu'il est une personne adéquate selon la preuve.

[64] Le tribunal est d'avis que, dans les circonstances, il y a lieu de pousser plus loin
l'analyse.

[65] L'approche individualisée dans un contexte aussi particulier que le présent cas
impose que tous les aspects de la situation soient pris en compte afin de découvrir
l'intérêt de l'enfant X. De l'avis du tribunal, la décision clinique a été prise sans que tous
les aspects pertinents et importants soient pris en compte, et sans avoir même
rencontré le père.

[66] Rappelons qu'à compter de février/mars 2014, la travailleuse sociale savait que
suivant le résultat du test d'ADN l'appelant était le père biologique de l'enfant et par
conséquent, C ne l'était pas. Malgré tout, les démarches du Directeur ont continué dans
le sens de créer des liens avec C que l'on sait inadéquat et en occultant totalement la
présence du père biologique de l'enfant dans l'équation.
450-24-000019-148 PAGE : 16

[67] Lorsque les intervenants participaient à des discussions cliniques sur la


nécessité d'ajouter une « autre personne » dans la vie de X, à l'évidence l'on faisait
référence à l'appelant. Suivant la loi, le père n'est pas qu'une simple « autre
personne », mais bien le père de l'enfant avec les droits et obligations qui en découlent.

2015 QCCS 2952 (CanLII)


Le mot « parents » à l'article premier de la Loi sur la protection de la jeunesse est défini
comme « le père et la mère d'un enfant ou toute autre personne agissant comme
titulaire de l'autorité parentale, le cas échéant. » Peut-être que l'appelant n'est pas pour
le moment, en raison des circonstances que l'on connaît, un visage familier pour
l'enfant, mais chose certaine, il fait partie de sa famille.

[68] La connaissance du résultat d'ADN n'a pas été soumise au juge au mois de mai
2014, alors qu'à notre avis, il s'agit d'un fait nouveau important dans l'environnement de
l'enfant. Peut-être a-t-on cru à tord que l'appelant lâcherait prise comme le faisait la
plupart de ces pères qui voulaient se voir reconnaître leur paternité sans proposer de
plan, comme en a témoigné la travailleuse sociale ou peut-être que cela ne concordait
pas avec la demande de placement de l'enfant à majorité dans la famille d'accueil.

[69] Quoi qu'il en soit, on n’a pas considéré devoir s'intéresser à l'appelant. Cela n'a
pas été jugé comme étant important, voire pertinent, dans le questionnement relatif aux
accès du père et de l'enfant, ce qui surprend. La travailleuse sociale a tout au plus
vérifié s'il avait un casier judiciaire et elle a appris qu'il a une autre enfant âgée de 12
ans et qu'il est probablement un bon père pour elle 23.

[70] De fait, le seul élément à l'effet que des contacts entre l'appelant et l'enfant ne
seraient pas positifs c'est qu'après des discussions cliniques, sans bénéficier d'une
évaluation complète et approfondie du père, il a été décidé qu'il valait mieux ne pas
briser la stabilité de l'enfant dans sa famille d'accueil, donc continuer avec le projet tel
qu'amorcé et de ne pas introduire une « autre personne » dans la vie de l'enfant parce
que de toute façon, la famille d'accueil répondait aux besoins de l'enfant.

[71] Dans son jugement, le juge de première instance explique ce qui arriverait si par
exemple la famille d'accueil de désistait ou encore se séparait et qu'il fallait réviser la
situation. Il écrit:
« [133] S’il y avait séparation ou divorce, ce qui arrive à des familles d’accueil
aussi, l’enfant vit en garde partagée entre les parents d’accueil ou avec l’un des
parents et l’autre a des contacts. Comme dans les autres familles qui ne sont
pas famille d’accueil et dont les parents biologiques se séparent aussi.

[134] Mais même en supposant le pire, le désistement de la famille d’accueil – ce


qui n’est pas dans la preuve – le Directeur ne pourrait pas passer « par dessus le
père » parce qu’il est déclaré à l’acte de naissance corrigé par le jugement de la
Cour supérieure.

23
Jugement de première instance, par. 89.
450-24-000019-148 PAGE : 17

[135] Dans le cadre d’un placement à long terme, le Directeur doit tenir le père
informé de l’évolution de sa fille. Si la famille d’accueil se désiste, il doit signifier
une requête à toutes les parties pour réviser la situation.

2015 QCCS 2952 (CanLII)


[136] Le père est un étranger pour cette enfant. Mais s’il fallait déplacer l’enfant,
ce qui ne serait vraiment pas souhaitable – avant de l’envoyer chez un autre
étranger – il faudrait considérer le père.

[137] Le Directeur serait très mal venu, légalement et moralement, de passer


« par dessus la tête » de monsieur A. C’est à ce moment qu’il faudra l’évaluer
plus à fond pour vérifier s’il est dans l’intérêt de X de lui être confiée.

[138] Que son évaluation soit sommaire actuellement s’explique par la décision
clinique prise par le Directeur. En effet, même avec une évaluation favorable, la
décision clinique d’introduire un étranger dans la vie de l’enfant, même s’il est le
père biologique, se poserait encore et toujours. »

[72] Malgré tout, par la rectification de son jugement, le juge de première instance a
retiré au père tous les attributs de l'autorité parentale ce qui équivaut à une déchéance
de l'autorité parentale.

[73] Il est vrai que la preuve est à l'effet que la famille d'accueil actuelle répond aux
besoins de l'enfant. Toutefois, l'objectif général de la Loi sur la protection de la jeunesse
ne vise pas à écarter un parent de la vie de son enfant. Bien sûr, si le père était
inadéquat il ne serait pas dans l'intérêt supérieur de l'enfant d'introduire l'appelant dans
sa vie.

[74] À au moins deux reprises le juge reprend les propos de l'intervenante quant à
l'importance de donner le message clair à X que ses parents sont ceux de la famille
d'accueil24.

[75] Il traite également de l'attachement psychologique d'un enfant à l'égard de sa


famille d'accueil en citant un extrait de l'arrêt de la Cour suprême dans Catholic
children's Aid Society of Metropolitan Toronto c. M.(C).25. Or, les faits dans l'arrêt
Catholic Children's Aid Society of Metropolitan Toronto réfèrent à un enfant qui avait
passé cinq années sur sept dans sa famille d'accueil et ses deux parents étaient
inadéquats. Ces faits se distinguent de la présente affaire, puisque la preuve non
contredite est à l'effet que le père biologique est adéquat.

[76] La stabilité est certes un élément important dans l'évaluation de l'intérêt de


l'enfant. Cette stabilité affective, émotive et physique doit s'analyser en fonction de son
épanouissement global dans une perspective à long terme.

[77] Ici, le juge retient que la preuve prépondérante est à l'effet qu'il y a un « très
grand risque de déstabiliser l'enfant. »

24
Jugement de première instance, par. 83 et 107.
25
Catholic Children's Aid Society of Metropolitan Toronto c. M.(C). [1994] 2 R.C.S. 165.
450-24-000019-148 PAGE : 18

[78] La preuve révèle que X est une enfant en bonne santé qui n'a pas de difficulté à
entrer en contact avec les gens. Les réactions négatives qui ont été répertoriées
visaient les visites avec la mère car les visites avec C ne lui causaient pas
véritablement de réactions et se déroulaient plutôt bien lorsqu'il se présentait.

2015 QCCS 2952 (CanLII)


Autrement, il s'agit d'une enfant qui se développe bien et n'a pas de problème à
rencontrer de nouvelles personnes. Elle semble bien adaptée à son milieu de service
de garde. Malgré son jeune âge, elle a dû faire face à divers défis. X a su faire preuve
de résilience à l'égard des divers aléas que la vie a mis sur son chemin. Bien sûr,
comme tout enfant de cet âge, elle est sensible et fragile. De l'avis du tribunal, la preuve
ne permet toutefois pas de conclure que X est une enfant à ce point fragile qu'il faille à
tout prix éviter de la mettre en contact avec son père biologique qui rappelons-le, est
adéquat.
[79] La preuve prépondérante a révélé que:

- X, avec les aléas que l'on connaît depuis sa naissance, est présentée comme
une jeune fille en santé, très enjouée et déterminée. Elle se développe bien
actuellement. Elle n'a pas de difficultés à entrer en contact avec les gens. Elle a
eu des réactions en lien avec les droits d'accès exercés par sa mère qui,
rappelons-le, présente des difficultés. La preuve ne révèle pas de très fortes
réactions comme on le voit dans certains cas. Rappelons le témoignage de la
travailleuse sociale26:
« (…) Comme je disais, j’expliquais dans mon rapport, quand elle revient de ses
visites, y a toujours un moment où là elle est insécure par rapport à ce qui se
passe, t’sais, la journée qu’elle revient de visite là, y faut que la famille d’accueil
reprenne du temps pour la sécuriser. Elle a un petit peu de difficulté à se coucher
le soir. Donc, on a une enfant qui est quand même fragilisée un peu au niveau
de… au niveau de se sentir sécure par rapport à où elle appartient, puis où elle
vit, mais elle va quand même très très bien de façon générale et globale là dans
son… dans son milieu d’accueil. Donc, on ne voit pas la nécessité actuellement
d’ajouter une autre personne dans sa vie, qu’elle ne connaît pas, qu’elle n’a
jamais vue et pour répondre à son meilleur intérêt, on croit qu’elle devrait rester
dans sa famille d’accueil et investir et se sécuriser dans son milieu d’accueil. »

(notre soulignement)

[80] À quelques reprises dans son jugement, le juge de première instance réfère au
grand risque qu'encourrait X si elle était en contact avec son père biologique. Traitant
du risque que causeraient des droits d'accès, le juge réfère aux arrêts de la Cour
Suprême P.(D.) c. S.(C.)27 qui traitent de la notion de préjudice caractérisé. Toutefois,
cette notion a été appliquée dans les cas où il fallait décider s'il y avait lieu de mettre fin

26
Notes sténographiques de l’audition en réouverture des débats du 16 octobre 2014, p. 20, l. 17 à p. 21,
l. 8.
27
P.(D.) c. S.(C.), [1993] 4 R.C.S. 141.
450-24-000019-148 PAGE : 19

aux contacts avec l'un des deux parents après que la preuve eut démontré que la
continuation des accès pouvait constituer un risque pour l'enfant.

[81] Avec égards, ici cette théorie ne s'applique pas et de plus, il s'agit d'un cas de

2015 QCCS 2952 (CanLII)


cessation de contacts. L'on ne peut se baser sur des projections sans preuve
concluante. Au surplus, aucun geste fautif n'a été commis de la part de l'appelant
contrairement aux arrêts de la Cour suprême.

[82] La preuve a démontré que l'appelant a une vie stable depuis plusieurs années,
qu'il occupe le même emploi depuis 15 ans, qu'il assume la garde de sa fille de 12 ans
depuis les cinq dernières années laquelle ne présente aucun problème et il est membre
d'une grande famille avec qui il entretient de bons liens.

[83] L'appelant est conscient de la réalité de sa fille et ne veut en aucun cas la


bousculer. Dans le contexte de mise en place de droits d'accès, la famille d'accueil
devrait avoir la même compréhension et le Directeur devrait mettre tout en oeuvre pour
favoriser le succès de ces rencontres. En l'instance, si on tient compte de la preuve non
contredite, les contacts progressifs entre l'enfant et son père sont plutôt prometteurs de
succès.

[84] Contrairement à ce que soutient le juge de première instance, le tribunal estime


que le contact entre l'appelant et sa fille ne constitue pas un « très grand risque » pour
X. Au contraire, l'interdiction de contacts est plutôt une perte de chance pour l'enfant.
L'on ne peut écarter sans motifs graves un père de la vie de l'enfant. Une enfant a le
droit de recevoir toute l'affection de la part d'un parent aimant et bienveillant. En
cachant la vérité à l'enfant, elle pourrait croire que son père l'a rejetée avec toutes les
conséquences que cela peut causer sur l'estime de soi sans oublier que sa stabilité
émotive et affective en sera affectée.

[85] Avec égards, le tribunal ne croit pas que le report de la question identitaire dans
ce cas spécifique soit approprié.

[86] Le juge de première instance est d'avis que « le droit de l’enfant de savoir qui est
son père peut attendre et n’est pas prioritaire. L’intérêt de l’enfant est prioritaire et son
besoin de stabilité est la priorité à ce moment de sa vie. »28. Afin de démontrer que le
droit de l'enfant et son intérêt ne concordent pas toujours, ce qui dans certains cas est
vrai, le juge donne l'exemple d'un père batteur d'enfants ou un danger public ce qui
n'est surtout pas le cas en l'instance. Il écrit:
« [118] Le père veut que sa fille sache qui est son père et son avocate plaide en
ce sens en ajoutant que c’est aussi le droit de l’enfant de connaître son père.
L’avocate de l’enfant a renchéri sur le droit de l’enfant de connaître son père.
Cependant, le droit de l’enfant et son intérêt ne concordent pas toujours. »

28
Jugement de première instance, par. 122.
450-24-000019-148 PAGE : 20

[119] En prenant un exemple qui ne concerne nullement monsieur A, on


comprendra facilement que malgré qu’un enfant a le droit de voir son père, si ce
père est un batteur d’enfants ou un danger public, l’intérêt d’un enfant
commanderait de le protéger et d’interdire des contacts.

2015 QCCS 2952 (CanLII)


[120] Bien que l’enfant ait le droit de connaître son père, la question importante à
se poser ici est celle-ci : faut-il le faire maintenant, après tout ce que l’enfant a
vécu et en tenant compte de son âge qui la rend aussi vulnérable et fragile?

(notre soulignement)

[87] Pour éradiquer un droit fondamental, il faut une preuve convaincante. Or, de
l'avis du tribunal, tel n'est pas le cas. La question identitaire est intrinsèquement liée à
l'enfant et est en lien avec sa stabilité émotive à moyen et long terme.

[88] Dans l'arrêt de la Cour suprême Trociuk c. Colombie Britannique (Procureur


général) où il s'agissait d'une question relative à la reconnaissance de paternité, il est
souligné un passage de la juge Wilson en rapport avec l'affection qui lie l'individu à sa
famille29:
« (…) Dans la même veine, la juge Wilson écrit, dans R. c. Jones, 1986 CanLII
32 (CSC), [1986] 2 R.C.S. 284, p. 319 : « L’affection qui lie l’individu à sa famille
et les obligations et responsabilités qu’il assume envers elle sont au cœur de son
individualité et de son rôle dans le monde. »

[89] On ne peut évincer un parent sur la base d'une simple crainte alors que la
preuve est à l'effet que le parent est capable et adéquat.

[90] Peut-on reprocher à l'appelant de ne pas avoir été présent plus tôt dans la vie de
X? Non. S'il n'a pu être présent auprès de sa fille dès sa naissance c'est parce qu'on lui
a caché la vérité comme le reconnaît le juge de première instance.

[91] Rappelons que depuis que l'appelant a été informé de la possibilité qu'il soit le
père de X, il n'a jamais lâché prise. Il a tout fait pour être reconnu père afin de prendre
rapidement ses responsabilités et faire face à ses obligations. Il y a investi temps,
énergie et argent. Ses efforts ont toutefois été ralentis par la mère puis par le fait
qu’avant même qu’il rencontre la travailleuse sociale, la décision clinique avait été prise.
À vrai dire, il semble que l'arrivée du père brouillait les cartes en rapport avec la position
du Directeur prise avant même la rencontre avec l'appelant.

[92] La ténacité de l'appelant devant les embûches à se faire reconnaître père, sa


persévérance et son désir d'être en lien avec sa fille ne se sont jamais démentis depuis
mars 2013. Il est prêt à offrir tout ce qu'un père peut offrir à sa fille, ce qu'il est déjà en
mesure de faire avec sa fille de 12 ans.

29
Trociuk c. Colombie Britannique (Procureur général), [2003] 1 R.C.S. 835.
450-24-000019-148 PAGE : 21

[93] X n’a pu créer de lien avec son père A, vu les circonstances que l'on connaît.
Peut-être que le père n'est pas un visage familier pour l'instant, mais avec égards pour
l'opinion contraire, tout est en place pour qu'un lien soit créé. Rien ne permet de croire
qu'il ne veut être que de passage dans la vie de sa fille. Sa persévérance démontre le

2015 QCCS 2952 (CanLII)


contraire. Il n'est pas comme les autres pères que la travailleuse sociale a connus au fil
des ans. La recherche de l'intérêt de l'enfant doit être individualisée.

[94] Le tribunal croit utile de souligner que la procureure du Directeur a


particulièrement insisté sur le jugement Protection de la jeunesse - 084747 tout en
soulignant qu’il s’agissait d’une situation semblable à celle de l’enfant X30. Or, les faits
diffèrent de la présente affaire. La mère consommait de la drogue tout comme le père
biologique qui demeurait avec elle. En raison du comportement et du mode de vie de la
mère, le juge a alors déclaré la sécurité et le développement de l'enfant de deux ans
compromis. Le père biologique soutenait vouloir prendre ses responsabilités et faire
reconnaître sa paternité. Il était présent, mais inadéquat. L’adoption était envisagée et
les parents n’avaient pas les capacités parentales adéquates pour prendre soin de leur
fille.

[95] Avec égards, le tribunal est d'avis que le juge de première instance a commis
une erreur déterminante en décidant que la preuve prépondérante allait dans le sens de
la décision clinique d'autant que cette dernière n'avait pas pris en compte tous les
aspects de la présente situation particulière. La preuve prépondérante est plutôt à l'effet
que l'enfant X n'est pas fragile au point où il faille l'empêcher de connaître son père qui
est adéquat.

[96] Le juge de première instance a-t-il commis une erreur de droit en retirant à
l'appelant les attributs de l'autorité parentale?

[97] Soulignons d'emblée que dans la requête en révision amendée, le Directeur


n'avait pas demandé le retrait des attributs de l'autorité parentale. Le tribunal doit tout
de même statuer sur la compétence pour rendre une telle ordonnance.

[98] Les articles 91n) de la Loi sur la protection de la jeunesse et 606 C.c.Q. se
lisent :
L’article 91n) de la Loi sur la protection de la jeunesse
« 91. Si le tribunal en vient à la conclusion que la sécurité ou le développement
de l'enfant est compromis, il peut, pour la période qu'il détermine, ordonner
l'exécution de l'une ou de plusieurs des mesures suivantes:

(…)

n) que l'exercice de certains attributs de l'autorité parentale soit retiré aux


parents et qu'il soit confié au directeur ou à toute autre personne que le tribunal
aura désignée; »

30
Protection de la jeunesse – 084747, 2008 QCCQ 20727.
450-24-000019-148 PAGE : 22

(notre soulignement)

L'article 606 du Code civil du Québec

2015 QCCS 2952 (CanLII)


« La déchéance de l'autorité parentale peut être prononcée par le tribunal, à la
demande de tout intéressé, à l'égard des père et mère, de l'un d'eux ou du tiers à
qui elle aurait été attribuée, si des motifs graves et l'intérêt de l'enfant justifient
une telle mesure.

Si la situation ne requiert pas l'application d'une telle mesure, mais requiert


néanmoins une intervention, le tribunal peut plutôt prononcer le retrait d'un
attribut de l'autorité parentale ou de son exercice. Il peut aussi être saisi
directement d'une demande de retrait. »

[99] La juge Andrée Bergeron dans Protection de la jeunesse-118963 a conclu que la


chambre de la jeunesse n'avait pas juridiction pour retirer tous les attributs de l'autorité
parentale. Elle écrit31:
« [30] La directrice de la protection de la jeunesse demande dans ses
conclusions que l'exercice de tous les attributs parentaux soient retirés aux
parents. Prendre cette demande au pied de la lettre équivaudrait à une
demande de déchéance de l'autorité parentale, demande sur laquelle la
Chambre de la jeunesse n'a pas juridiction. Ne s'agissant pas d'une demande
de déchéance de l'autorité parentale, le retrait de tous les attributs ne saurait être
retirés aux parents. Le pouvoir de la Chambre de la jeunesse réside dans le fait
de retirer certains attributs de l'autorité parentale, ceux que les parents
n'exercent pas à toutes fins utiles ou n'exercent pas dans l'intérêt des enfants. Il
s'agit donc des «attributs» visés par la preuve qui touchent les sphères de la vie
de l'enfant qui se trouvent affectés par le non-exercice ou le mauvais exercice de
l'autorité parentale. »

[100] Le juge Bonin dans la décision Protection de la jeunesse-1097 précise que « Il


m'apparaît qu'il ne faut pas oublier que 91n) est une mesure applicable et non une
décision dans un contexte de déchéance totale ou partielle de l'autorité parentale qui
requiert des motifs graves à l'égard des parents »32 :
« [62] Respectueusement, il n'apparaît nulle part dans la Loi sur la protection de
la jeunesse que l'une des mesures applicables soit une mesure exceptionnelle
plus qu'une autre. Il m'apparaît qu'il ne faut pas oublier que 91 n) est une
mesure applicable et non une décision dans un contexte de déchéance totale ou
partielle de l'autorité parentale qui requiert des motifs graves à l'égard des
parents. À cet égard, il est intéressant de faire les distinctions avec l'article 606
CcQ.

Loi sur la protection de la jeunesse

31
Protection de la jeunesse-118963, 2011 QCCQ 19748.
32
Protection de la jeunesse-1097, 2010 QCCQ 8414.
450-24-000019-148 PAGE : 23

91. L.P.J.: Si le tribunal en vient à la conclusion que la sécurité ou le


développement de l'enfant est compromis, il peut, pour la période qu'il
détermine, ordonner l'exécution de l'une ou de plusieurs des mesures
suivantes:

2015 QCCS 2952 (CanLII)


(…)

n) que l'exercice de certains attributs de l'autorité parentale soit retiré aux


parents et qu'il soit confié au directeur ou à toute autre personne que le
tribunal aura désignée;

Code civil du Québec:

606. C.c.Q.: La déchéance de l'autorité parentale peut être prononcée par


le tribunal, à la demande de tout intéressé, à l'égard des père et mère, de
l'un d'eux ou du tiers à qui elle aurait été attribuée, si des motifs graves et
l'intérêt de l'enfant justifient une telle mesure.

Si la situation ne requiert pas l'application d'une telle mesure, mais


requiert néanmoins une intervention, le tribunal peut plutôt prononcer le
retrait d'un attribut de l'autorité parentale ou de son exercice. Il peut aussi
être saisi directement d'une demande de retrait. 1991, c. 64, a. 606. »

[101] L’article 91n) de la Loi sur la protection de la jeunesse édicte que le juge peut
retirer l'exercice de certains attributs de l’autorité parentale aux parents. En retirant aux
parents tous les attributs de l'autorité parentale, cela équivaut à une déchéance de
l'autorité parentale, ce qui n'est pas de la compétence de la Cour du Québec, chambre
de la jeunesse. Au surplus, il n'y a aucune preuve démontrée en l’instance de tels
motifs graves. La Cour suprême a reconnu le caractère exceptionnel d'une demande de
déchéance de l'autorité parentale 33.

[102] Le tribunal est d'avis que le juge de première instance a commis une erreur de
droit en retirant la totalité des attributs de l’autorité parentale à l'appelant.

[103] Conformément à l'article 112 de la Loi sur la protection de la jeunesse, le tribunal


doit procéder à rendre le jugement qui aurait dû être rendu concernant les conclusions
relatives aux contacts entre l'appelant et son enfant X et l'autorité parentale.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[104] ACCUEILLE l'appel ;

[105] INFIRME en partie le jugement de première instance concernant les conclusions


relatives à l'interdiction de contacts entre l'appelant et l'enfant X et le retrait des attributs
de l'autorité parentale et REND L'ORDONNANCE QUI SUIT:

33
C.(G.) c. V-F.(T.), [1987] 2 R.C.S. 244.
450-24-000019-148 PAGE : 24

[106] ACCORDE à l'appelant un droit d'accès auprès de son enfant X de façon


progressive et sous supervision avec la possibilité de lever la supervision dès que la
situation le permettra, le tout débutant par un accès de trois heures aux deux semaines;

2015 QCCS 2952 (CanLII)


[107] ORDONNE qu’une ou des personnes, oeuvrant au sein du Centre jeunesse A ou
de tout autre établissement ou organisme, apportent aide, conseil, support et
assistance à X et à l’appelant;
[108] RETRANCHE du jugement de première instance la conclusion retirant les
attributs de l’autorité parentale à l'appelant;
[109] SANS FRAIS, vu la nature du litige.
__________________________________
LINE SAMOISETTE, J.C.S.

Me Michèle Beaupré
Pariseau Cliche et Associés
Procureurs de l’appelant

Me Adèle-Anne Briand Malenfant


Centre jeunesse A
Procureure du DPJ

Me Mélissa Leblanc
Johanne Marcil avocats
Procureurs de l’intimée-mère de X

Me Véronique Dion
Lafontaine Robert & Lemay
Procureure de X

Date d’audience : 30 mars 2015.

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