J.K. Rowling et ses dérives transphobes au coeur d'une pièce de théâtre polémique en Écosse

La pièce « TERF » revient sur les déclarations transphobes de J.K. Rowling et le désaccord exprimé par Emma Watson, Daniel Radcliffe et Rupert Grint, interprètes des personnages principaux de la saga Harry Potter.
J.K. Rowling en 2018.
J.K. Rowling en 2018.Variety/Getty Images

Le compte X (ex-Twitter) de J.K. Rowling n'a plus rien de la magie d'Harry Potter. Depuis plusieurs années, l'autrice multiplie les messages à caractère transphobe. La communauté LGBTQIA+, les militants et ceux qui les soutiennent l'ont rapidement qualifiée de « TERF », acronyme de « trans-exclusionary radical feminist ». Autrement dit, féministe radicale qui raye les personnes transgenres de son engagement. Un féminisme non inclusif, écho du patriarcat sous couvert de défendre les droits des femmes. TERF, c'est aussi le nom d'une pièce de théâtre consacrée au virage transphobe (et public) d'une femme qui a fait rêver des générations entières grâce à ses livres.

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Poudlard, le trio d'amis Harry, Ron et Hermione, un train pas comme les autres, la chouette la plus célèbre de la planète… La pièce TERF s'intéresse à un autre versant de l'histoire, nettement moins glorieux. Le New York Times résume ainsi : « Sur scène, Rowling (Laura Kay Bailey) assiste à un dîner chic avec trois acteurs de ses films : Daniel Radcliffe (Piers MacKenzie), Emma Watson (Trelawny Kean) et Rupert Grint (Tom Longmire). Lorsque les stars la confrontent à propos de ses commentaires sur les réseaux sociaux, le dîner cordial vire à la farce et dévie vers des scènes imaginaires de la vie de Rowling qui n'ont rien à voir avec les personnes transgenres. » J.K. Rowling a d'abord soutenu des personnes hostiles aux femmes transgenres, avant de prendre elle-même position. Tweets, billets de blog… Elle a pris parti pour une femme licenciée après avoir tenu des propos transphobes, critiqué la mention « personnes ayant leurs règles » (utilisée à la place du terme « femme » pour être moins excluante) et s'est vivement opposée au projet de Nicola Sturgeon, ex-Première ministre écossaise qui tentait de faciliter la reconnaissance du changement de genre à partir de 16 ans sans certificat médical.

Promesse de provocation

En réaction, les trois acteurs principaux de l'adaptation cinématographique d'Harry Potter ont publiquement exprimés leur désaccord et manifesté leur soutien aux personne trans. L'auteur de la pièce, Joshua Kaplan, propose un résumé plus cryptique de son propos : « Si vous voulez vraiment savoir ce que je pense de J.K. Rowling, des droits des transgenres, de la liberté d'expression, de Twitter, de la victimisation, de la persécution, des test kitchen, des organes génitaux de Daniel Radcliffe et de toutes les autres choses qui flottent dans ma conscience et qui n'ont pas été triées pour des raisons de temps, de dégoût ou de désintérêt, allez voir la pièce de théâtre. » Un brin de provoc' ? Plutôt une sorte de point de vue sur l'autrice, bien moins satirique que prévu. Au New York Times, Joshua Kaplan explique qu'il a commencé à travailler sur la pièce il y a quatre ans, lorsque Daniel Radcliffe s'est exprimé pour la première fois contre les déclarations transphobes de J.K. Rowling.

Dès que l'annonce de la création de la pièce a été rendue publique, les fans de l'autrice ont inondé les réseaux sociaux de messages scandalisés, persuadés que la pièce serait une diatribe pour dénigrer la vie, l'oeuvre et les opinions de la créatrice d'Harry Potter. La polémique enfle, les réseaux s'enflamment et puis, rien. Le soir de la Première, les commentaires se sont calmés. Certains n'y allaient que pour être choqués par la causticité du propos. Ils sont sortis déçus. D'autres ont plus adhéré que prévu, convaincus par la mesure et la nuance inattendues du livret.

Bonnes intentions, mauvaise réalisation ?

Dans le détail, le Times note que « le seul personnage transgenre de la série reste largement muet, avec du ruban adhésif sur la bouche, suggérant l'absence de voix transgenres dans le débat sur leurs droits et ceux des femmes ». Seulement, certaines personnes transgenres voient d'un mauvais oeil la mise à l'écart et la privation de parole sur scène. Niveau représentation, on pouvait s'attendre mieux, même si le symbole est explicite. Sur le plan dramaturgique, le journal reproche à la pièce de se disperser en noyant le conflit entre les trois acteurs et l'autrice dans des considérations sur sa vie privée : « Le problème ici est que, plutôt que d'exploiter cette prémisse pour toute sa valeur, Kaplan brouille les pistes avec des flashbacks sur des événements antérieurs de la vie de Rowling, apparemment pour ajouter de la profondeur et de la motivation, mais en fait pour briser la tension dramatique. »

Le Guardian ajoute que J.K Rowling est dépeinte comme « étrangement snob », ce qui n'alimente qu'une « irritation mutuelle » entre elle et les acteurs, sans grand fondement. TERF serait-elle moins choquante que prévu ? Moins percutante, par conséquent ? La pièce a été présentée au Festival Fringe d'Édimbourg, parmi une programmation de plus de 3600 spectacles, selon le New York Times. Barry Church-Woods a déclaré qu'une poignée de manifestants avaient assisté à la première de la pièce, dans le plus grand calme.

Menaces en ligne

Par souci de sécurité, la production avait fait le choix de ne pas identifier l'un des membres du casting, une personne trans, en tant que tel dans le programme de la pièce. La pièce a aussi dû changer de titre (celui prévu était TERF Cunt, avec une notion insultante et misogyne proche du mot français « salope » ou « connasse »), ainsi que de lieu de représentation. Le producteur Barry Church-Woods expliquait à Pinknews avoir été pris pour cible en ligne et craindre pour la sécurité des interprètes : « Hier encore, une publication Facebook commémorant l'anniversaire de la mort de ma sœur a été inondée de commentaires obscènes tels que “elle sera contente d'être morte pour ne pas avoir à voir votre pièce [qui véhicule] la détestation des femmes” et “je parie que ta mère préférerait que ce soit toi”, etc. Et je ne suis que le producteur. Les acteurs seront les visages publics de cette pièce, ils auront donc inévitablement beaucoup [plus] à gérer. »

L'autrice finira-t-elle par répondre aux appels du dramaturge et assister à une représentation elle-même ? TERF sera jouée pour une nouvelle session de représentations du 11 au 25 août à l'Assembly Ballroom à Edimbourg, là même où est né Harry Potter.