En couverture de Vanity Fair: Adèle Exarchopoulos, François Civil, Mallory Wanecque et Malik Frikah revivent l’Amour Ouf

C’est l’un des films les plus attendus de Cannes. Adèle Exarchopoulos, François Civil, Malik Frikah et Mallory Wanecque, ses acteurs principaux, rejouent pour Vanity Fair L’Amour ouf tandis que Norine Raja revient sur les passions les plus folles nées sous l’œil de la caméra.
Francois Civil Adele Exarchopoulos Malik Frikah Mallory Wanecque
Adèle Exarchopoulos : robe Gucci, bagues Bulgari.
Malik Frikah : top, pantalon et bottines Saint Laurent par Anthony Vaccarello, bague Charlotte Chesnais
François Civil : costume et chaussures Gucci, montre Bulgari
Mallory Wanecque : T-shirt Hemricourt, veste et short Chanel, bague Charlotte Chesnais.
Alice Moitié pour Vanity Fair

Une séance particulière

Adèle Exarchopoulos est soudain saisie d’un doute : « Rassurez-moi, personne ne sourit ? » Éclat de rire général. Il faut reconnaître que le champ de vision de l’actrice est limité sur le shooting du jour. Elle est allongée dans un lit, tête posée sur le torse de François Civil, regard fixé vers le haut, en direction de l’objectif de la photographe Alice Moitié. À leurs pieds, les deux jeunes Malik Frikah et Mallory Wanecque se tiennent la main. Comme si l’on surprenait le quatuor en pleine sieste, dans une chambre d’hôtel, le plateau du petit-­déjeuner posé au sol. Chaos délicatement organisé. Mais entre deux prises, l’ambiance est beaucoup plus festive : François Civil chantonne sur FourFiveSeconds de Rihanna, Adèle Exarchopoulos lui passe la main dans les cheveux pour ajuster quelques mèches.

Adèle Exarchopoulos : body, jupe, ceinture, bracelet et escarpins Saint Laurent par Anthony Vaccarello, haut de bikini Dolla, bague Bulgari.
François Civil : tank top et pantalon Jacquemus, montre Bulgari.


Alice Moitié pour Vanity Fair

Adèle Exarchopoulos : body, jupe, ceinture, bracelet et escarpins Saint Laurent par Anthony Vaccarello, haut de bikini Dolla, bague Bulgari.
François Civil : tank top et pantalon Jacquemus, montre Bulgari.


Alice Moitié pour Vanity Fair

La complicité est évidente entre les deux acteurs, qui se sont donné la réplique dans le film français le plus attendu de l’année : L’Amour ouf de Gilles Lellouche. Petit rappel : après le carton du Grand Bain, le plus gros succès hexagonal de StudioCanal, ce long-métrage a bénéficié d’un budget de 32 millions d’euros, selon Variety. Le point de départ de ce projet fou ? Le fameux roman de l’auteur irlandais Neville Thompson offert en cadeau au cinéaste, il y a treize ans, par Benoît Poelvoorde. Au cœur du récit, l’histoire d’amour entre une fille paumée et un petit délinquant, tous deux originaires d’un quartier pauvre de Dublin dans les années 1990. Comment réadapter l’ensemble pour un public français et contemporain ? L’intrigue a été délocalisée dans l’Hexagone et parsemée d’intermèdes musicaux chorégraphiés par le collectif (La)Horde. Ne vous méprenez pas : la violence et le tragique restent prépondérants.

Adèle Exarchopoulos : robe Alaïa, bagues Bulgari. Mise en beauté YSL Beauty.

Alice Moitié pour Vanity Fair

Mais qui pour porter cette grande fresque, lorgnant, selon les producteurs Alain Attal et Hugo Sélignac, autant du côté de l’épique Voyage au bout de l’enfer que du romantique N’oublie jamais ? Gilles Lellouche a choisi Malik Frikah (Apaches) pour jouer la version adolescente de François Civil. « J’ai vraiment commencé à l’étape zéro du casting, avec une photo et une vidéo de présentation, explique le jeune comédien. Cela a duré cinq mois en tout. » Il s’est imposé comme une évidence lors des auditions : « On devait jouer une scène d’amour, se souvient Mallory Wanecque. J’ai posé ma tête sur son épaule, et tout semblait fluide et naturel. » L’actrice, révélée dans Les Pires, incarne une Adèle Exarchopoulos juvénile. La ressemblance se loge dans des détails : même spontanéité, même joie de vivre, même franc-parler. Du haut de ses 17 ans, elle sait déjà où se nichent les secrets de l’alchimie d’un couple de fiction. Elle dit tout « avec les yeux ».

François Civil : tenue Gucci montre Bulgari.

Alice Moitié pour Vanity Fair

Mallory Wanecque : robe The Attico, baskets Miu Miu, bagues Charlotte Chesnais.
Malik Frikah : Veste et pantalon Miu Miu, mocassins Pierre Hardy.


Alice Moitié pour Vanity Fair

François Civil : T-shirt, gilet et mocassins Gucci, jeans Levi’s, montre Bulgari.
Malik Frikah : chemise, pantalon, ceinture et chaussures Prada, bague Charlotte Chesnais.
Mallory Wanecque : chaussures Alaïa.


Alice Moitié pour Vanity Fair

François Civil a aussi privilégié une approche subtile : « Je jouais un personnage extrêmement taciturne qui est dans l’économie des mots. Donc il était important de travailler les silences, les regards, la présence pour créer ce duo. » Les cinq mois de tournage ont été rythmés par les séances de travail, mais aussi les dîners et les parties de Uno. Faut-il bien se connaître pour jouer un couple convaincant ? « Il faut surtout s’entendre », confirme l’acteur. On ressent une admiration mutuelle entre Adèle Exarchopoulos et lui : elle loue sa profondeur et sa luminosité, dans Gala, il applaudit ses talents de comédienne. Avant L’Amour ouf, le duo s’était brièvement côtoyé sur le plateau de Bac Nord en 2020. Alors qu’ils fêtaient la sortie du film, Gilles Lellouche leur avait pitché son projet : « Je suis en train d’écrire une grande histoire d’amour. Je pense à vous pour incarner les personnages principaux. » Il aura fallu quatre ans pour que le rêve de cinéphile se matérialise sur grand écran.

Entre deux prises, la photographe Alice Moitié a confié aux quatre acteurs un appareil numérique compact. Et ils s’en sont donné à cœur joie. La preuve.

L’amour sur grand écran

«Un acteur ne doit jamais être effrayé d’être complètement emporté par son rôle », déclarait Lee Strasberg, directeur de l’Actors Studio. Au cinéma, les sentiments ne s’arrêtent pas toujours au « coupez ! » du réalisateur. Le plateau de tournage – lieu par excellence des émotions exacerbées – a ainsi vu naître les plus grandes romances du 7e art. Et parfois, ces sentiments émergent comme un miracle devant les yeux des spectateurs. Prenez l’un des couples mythiques du vieil Hollywood : Lauren Bacall et Humphrey Bogart. En 1944, l’actrice est repérée dans Harper’s Bazaar par la femme du réalisateur Howard Hawks. Elle représente alors l’anti-Marilyn Monroe, un prototype de femme fatale dont la voix rauque a été travaillée lors de séances de coaching. Elle rêve de donner la réplique à Cary Grant, héros de La Mort aux trousses et quintessence du chic américain. Le cinéaste lui affuble à la place Humphrey Bogart, de deux décennies son aîné. La rencontre se déroule « sans étincelles », confiera-t-elle plus tard à Vanity Fair. Puis la magie jaillit au détour d’une scène du Port de l’angoisse : après avoir embrassé Bogart, elle lui lance ce fameux regard de braise, qui lui vaudra le surnom de « The Look ». Et poursuit, avec une pointe d’insolence : « Si vous avez besoin de moi, vous n’avez qu’à siffler. Vous savez siffler ? Vous rapprochez vos lèvres comme ça et... vous souf­flez ! » Mise en scène involontaire d’un coup de foudre. « Tout le monde a pu voir leur amour, à ce moment-là », s’est réjoui leur fils, Steve Bogart. Le couple ne se quittera plus jusqu’à la mort du comédien, en 1957.

Humphrey Bogart et Lauren Bacall dans Le Grand Sommeil (1946) de Howard Hawks.

United Archives/Getty Images

Humphrey Bogart et Lauren Bacall dans Le Grand Sommeil (1946) de Howard Hawks.

United Archives/Getty Images

Une idylle entre acteurs contribue-t-elle au succès d’un film ? Le premier power couple de la pop culture naît en 1962 sur le plateau de Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz. Richard Burton, interprète de Marc-Antoine, tente une approche frontale avec Elizabeth Taylor : « Personne ne vous a dit que vous étiez une très jolie fille ? » Pas de réaction. L’acteur, en pleine gueule de bois, finit quand même par l’attendrir. « Pour leur premier baiser, dans le boudoir de Cléopâtre, Burton était comme drogué en sa présence, peut-on lire dans Furious Love : Elizabeth Taylor, Richard Burton, and the Marriage of the Century de Sam Kashner et Nancy Schoenberger. Ils ont répété la scène plusieurs fois, avec un baiser de plus en plus long à chaque fois. » Les paparazzis suivent tous leurs mouvements : sur un yacht en pleine Méditerranée, sortant d’un club ou enfermés dans une villa. À l’époque, ils sont tous deux mariés. Dans l’Amérique très conservatrice de l’époque, leur liaison choque l’opinion publique, mais dope les entrées du film. C’est « le scandale » comme le décrit, en français, Richard Burton. Pour eux, l’amour rime alors avec extravagance : un jet privé à 960 000 dollars, une collection de tableaux où se côtoient Monet et Renoir... Leurs querelles sont aussi des spectacles dont on se dispute la première place. « Elizabeth avait appris qu’un couple avait loué une suite au Regency Hotel, juste en dessous de la leur, pour entendre les batailles royales des Burton », est-il indiqué dans Furious Love. Au moment de leur ultime séparation en 1974, Elizabeth Taylor déclare : « Je ne veux plus jamais être aussi amoureuse. »

Richard Burton et Elizabeth Taylor dans Cléopâtre (1963) de Joseph L. Mankiewicz.

Universal History Archive/Getty Images

Richard Burton et Elizabeth Taylor dans Hôtel International (1963) d'Anthony Asquith.

Sunset Boulevard/Getty Images

Où se situe la frontière entre célébrité et exhibitionnisme ? À la fin des années 1990, Nicole Kidman et Tom Cruise livrent un simulacre d’intimité aux curieux, sous le prisme de la fiction. Dans Eyes Wide Shut, ils incarnent un couple de bourgeois new-yorkais, chamboulé par une discussion nocturne sur leurs désirs et frustrations. Coup de tonnerre : Alice révèle à son époux, le Dr Hartford, avoir fantasmé sur un autre homme. Cette confession pousse le médecin dans une nuit d’errance où il se retrouve confronté à une série de tentations, jusqu’à cette célèbre séquence d’orgie ésotérique. Stanley Kubrick tenait à embaucher un vrai couple, songeant même un temps à Alec Baldwin et Kim Basinger. Il a finalement mis à nu le duo le plus en vue de Hollywood, alors marié depuis six ans. Au lieu des six mois prévus, le tournage a duré deux années dans les studios de Pinewood en Angleterre. Au final, le film dépeint parfaitement la fragilité de l’amour, la résurgence de pulsions refoulées dans un quotidien aseptisé. Dans un glissement perpétuel entre fiction et réalité, le cinéaste pousse les deux acteurs à exprimer leurs doutes et leur vulnérabilité. « Tom a entendu des choses qu’il ne voulait pas entendre, confiait Nicole Kidman dans le livre Tom Cruise : Anatomy of an Actor. Ce n’était pas comme une thérapie, parce que personne ne disait “que ressens-tu ?” Mais c’était honnête, brutalement honnête parfois. » Au point de briser leur relation ou d’accélérer leur rupture ? Le couple finira par divorcer, deux ans après la sortie du long-métrage.

Nicole Kidman et Tom Cruise dans Jours de tonnerre (1990) de Tony Scott.

Archive Photos/Getty Images

Tom Cruise et Nicole Kidman dans Eyes Wide Shut (1999) de Stanley Kubrick.

Archive Photos/Getty Images

S’il est impossible de rattraper le temps perdu, le cinéma peut aussi réparer les fissures du passé. Vingt-trois ans séparent la rencontre entre Benoît Magimel et Juliette Binoche, sur le plateau des Enfants du siècle de Diane Kurys, et leurs retrouvailles en 2023 dans La Passion de Dodin Bouffant. Entretemps, la fougue, la naissance de leur fille Hana, et une rupture déchirante. L’actrice ne s’attendait pas à ce que son ancien compagnon accepte de lui donner à nouveau la réplique dans un film aussi intimiste. Lui joue un passionné de gastronomie ; elle, sa cuisinière. Deux épicuriens qui, dans la campagne française du XXe siècle, se font des déclarations d’amour par assiettes interposées. « J’étais nerveuse à l’idée de le retrouver, nous confiait Juliette Binoche. Mais ce film a permis d’exprimer, de remettre en mouvement les silences, les non-dits qui s’étaient accumulés. » Les voilà, donnant des interviews pour la presse américaine, dans un mélange de désinvolture et de familiarité typiques de ceux qui ont su s’aimer... et (bien) se quitter.

Benoît Magimel et Juliette Binoche dans Les Enfants du Siècle (1999) de Diane Kurys.

Benoît Magimel et Juliette Binoche dans La Passion de Dodin Bouffant (2023) de Trần Anh Hùng.


Alice Moitié pour Vanity Fair

En kiosques à partir du 24 avril

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Set Designer : Coline Robert. Mise en beauté : Ruby Mazuel avec les produits YSL beauty. Coiffure : Mathieu Laudrel. Manucure : Rachel Levy. Grooming : Anne Puiffe et Marion Chevance. Assistants Photo : Virgile Biechy et Oscar Dhont. Assistant Set Design : Aristide Lacarrère. Production : Iconoclast Image.