Ishana Shyamalan, la fille de M.Night Shyamalan, veut (aussi) vous faire passer des nuits blanches

Dans la famille Shyamalan, je demande… la fille. Diplômée de la Tisch School of the Arts à New York, la progéniture du réalisateur du Sixième Sens partage l'amour de son père pour le cinéma et l'horreur. Elle fait ses débuts derrière la caméra avec Les Guetteurs, l'histoire de quatre inconnus enfermés dans un bunker, dans une forêt hantée par les esprits malins. Rencontre.
M. Night Shyamalan et Ishana Shyamalan
M. Night Shyamalan et Ishana Shyamalan.Eric Charbonneau/Getty Images for Warner Bros.

Vanity Fair. Comment vivez-vous cette première tournée promotionnelle ?
Ishana Shyamalan. C’est une expérience tellement folle et surréaliste. J'essaie de rester autant que possible dans le moment présent. C'est très étrange, car la réalisation d'un film est un processus interne à bien des égards. Et puis, tout d’un coup, il faut tout externaliser et verbaliser. C’est compliqué, mais j’essaie de digérer tout cela.

Quelle est la genèse de ce projet ?
Le roman est brillant. L’autrice AM Shine a mis en place un cadre plein de mystère et imaginé des personnages passionnants. Elle nous amène sur des territoires assez inattendus. J’ai adoré le récit et il semblait destiné à une adaptation à l’écran.

Comment avez-vous composé ce casting ?
J'ai essayé de rester fidèle à la perception que je m’étais faite des personnages. Mina, l’héroïne, devait être une fille naturellement cool, moderne, émotive, mais complexe. Une personne à laquelle les jeunes pouvaient s’identifier. Dakota Fanning correspondait parfaitement : elle peut transmettre des émotions avec subtilité. J'ai grandi avec ses films, et j'ai toujours apprécié ses performances. J'ai pensé à elle après l'avoir vue dans Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino. J'ai eu beaucoup de chance qu'elle accepte. Les autres acteurs sont tout aussi fantastiques. Olwen Fouéré est une actrice de théâtre incroyable, mais aussi une danseuse. Elle a ce côté très éthéré que je désirais pour Madeline. En la rencontrant, je me suis dit : « Elle n’est pas un simple personnage, elle existe dans la réalité ». En contraste, Georgina Campbell, qui interprète Kira, devait incarner un idéal d'hyper-féminité et de douceur, tout en étant forte. En voyant l’audition d’Oliver, j’ai été conquise par son talent. C’était merveilleux qu’ils développent tous une telle alchimie.

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Quelles images aviez-vous en tête ?
L’appartement de Mina était exactement comme je l’avais imaginé, qu’il s’agisse des couleurs ou du papier peint. Donc je suis partie de là pour créer. J’avais aussi une formidable cheffe décoratrice qui comprenait mon approche. Nous avons travaillé ensemble pour imaginer ces visuels accrocheurs et maximalistes. Je suis attirée par les éléments qui sont grandeur nature et assez graphiques. Je cherchais plus à marquer les esprits qu’à rester réaliste. Donc l’important était de trouver des lieux de tournage avec des palettes de couleurs, des textures, des lignes intéressantes. Pour la forêt, j’ai eu des difficultés à dénicher un lieu homogène. Puis je suis finalement tombée sur ce coin en Irlande, où il n’y avait qu’un seul type d’arbre. Ils avaient été plantés 15 ans auparavant, dans une monotonie et symétrie intentionnelle, et étaient restés intacts. Cela reflétait bien ce que vivaient les personnages. C’était fabuleux d'avoir l’opportunité de filmer là-bas, dans une atmosphère si propice à la création. Je crois que l’énergie du lieu de tournage pénètre toujours l’écran et atteint le public.

Êtes-vous très spirituelle ?
Réaliser est une épreuve d’humilité. Et puis parfois, tous les éléments s’accordent : vous rencontrez les bonnes personnes, vous avez des discussions importantes, vous faites enfin de l’art. C’est magique pour moi. Travailler dans un cadre si imprégné de culture, de mysticisme et de merveilleux… C'est comme si tout s'imbriquait parfaitement.

Je ne sais pas si vous êtes proches de vos racines indiennes… Mais est-ce une chose que vous souhaitez explorer dans votre cinéma ?
Mon sens de la spiritualité, ma relation à la nature et ma croyance en l'imaginaire viennent de mes racines indiennes et des conversations que j'ai eues avec ma grand-mère. C'est très intéressant d'être une cinéaste indienne dans un milieu très blanc. Il est parfois difficile de rendre notre culture compréhensible au plus grand nombre. Mais j'aimerais explorer cela plus profondément et réussir à intégrer l’imagerie de l’Inde dans le cinéma moderne. Il ne reste plus qu’à trouver la bonne histoire.

Avez-vous une routine créative ?
Cela dépend vraiment du projet. Le processus d’écriture peut être une véritable torture. Vous êtes seule dans une pièce, tiraillée par vos pensées. La réalisation est une expérience plus amusante, sociale, qui fonctionne à l’adrénaline. J'ai aussi eu la chance d'avoir une équipe vraiment merveilleuse. J’avais deux critères : être entourée de gens inspirants sur le plan artistique, mais aussi gentils. C’est comme si nous étions tous des enfants en train de jouer et d’expérimenter.

Le photographe Gregory Crewdson vous a beaucoup inspiré, pourquoi ? 
J'ai toujours aimé ses photos qui sont réalistes, mais avec une touche d’inconnu et de fantaisie. J’aime son habileté à mêler genre et espaces domestiques. À l'instar de ses clichés, le livre parle de solitude pour moi. Il met en scène une femme isolée qui peine à se connecter à l’autre. Beaucoup de jeunes vivent cela de nos jours. Nous suivons tous notre propre chemin en étant rongés par la solitude. Je m'identifie à ce sentiment, mais c’est peut-être aussi une étape normale dans le parcours d’un artiste.

Pourtant vous venez d'une famille d'artistes…
Oui et c’est merveilleux de pouvoir partager cela avec mon père, ma mère, mais aussi avec mes sœurs. L’une est chanteuse ; l’autre travaille dans la mode. Nous avons tous vécu ces expériences, nous parlons le même langage. Peu de jeunes cinéastes ou de cinéastes débutants bénéficient de ce genre de soutien. Je me sens très reconnaissante.

D'où vient cette passion pour les films d'horreur ?
J’ai vu tous les classiques comme Le Cercle, La Malédiction ou L’Exorciste. Ces films étaient incontournables chez nous. J’étais aussi obsédée par Jusqu’en enfer, j’ai dû le voir une vingtaine de fois, enfant. J’ai une grande tolérance à l’horreur. J’ai peur de tout, mais je suis assez stoïque. Je me suis entraînée à ne pas sursauter… Ce qui n’est peut-être pas très sain.

Quel conseil vous a donné votre père, M. Night Shyamalan, aussi producteur du film ?
Très tôt dans ma vie, il m'a fait comprendre que faire de l'art n'était pas une plaisanterie, qu'il fallait beaucoup d'engagement et de respect pour l'art avant de s'embarquer dans ce voyage. J'ai donc essayé de vivre selon cette norme, de traiter l'art avec le plus grand respect possible. Et surtout d’éliminer tout ego pour apprécier d’autant plus l’expérience.

Des projets ?
Je commence tout juste à écrire un scénario qui flirte avec le fantastique et l’horreur. J'ai envie de repousser les limites, d’aller plus loin dans l’audace, rien que pour voir où cela me mène. J’ai hâte de me plonger dans ce projet cet été.

Les Guetteurs, actuellement en salle.