Ces dernières semaines, Usher Raymond n'était pas forcément le musicien auquel on pensait pour le Super Bowl 2024. Et au moment où la formation d'un nouveau couple en mode American Power avec Taylor Swift et Travis Kelce attirait les regards, la star du R&B livrait une performance bluffante. En un peu plus de 12 minutes, Usher et une pléiade d'invités, dont Alicia Keys, H.E.R. Lil Jon, will.i.am et Ludacris, ont enchaîné quelque 16 tubes issus de ses trois décennies de carrière musicale, mariant un show visuel à une musicalité d'exception.
Avant la méga soirée de dimanche, Usher avait déclaré que le show s'inspirerait de sa série de concerts en résidence à Las Vegas entamée en 2021. Le début du concert s'est déroulé dans une atmosphère de cirque, avec des danseuses portant des costumes de showgirl à plumes ou à paillettes, tandis qu'Usher était revêtu d'un top blanc et d'un pantalon large Dolce & Gabbana
Usher est passé à un rythme soutenu d'un tube à l'autre et a interprété un medley de ses ballades les plus populaires. Finalement, l'ambiance a évolué vers sa musique plus orientée club puis il a passé une veste et un pantalon Off-White sur-mesure.
La liste de ses invités n'a fait qu'ajouter à la qualité du spectacle avec des titres que les millennials associent à leurs années d'adolescence. Alicia Keys a interprété If I Ain't Got You et en duo My Boo, Will.i.am a chanté OMG, Lil Jon est venu pour Turn Down for What et Get Low, avant que Ludacris ne le rejoigne sur un couplet de Yeah! Du R&B avec Babyface aux bangers de clubs pendant sa phase Electronic dance music, la carrière d'Usher a suivi l'évolution des goûts et une industrie riche en contradictions dans une période de transition rapide. Le concert du Super Bowl a prouvé à quel point un artiste charismatique pouvait jongler avec ces tendances avec talent.
Bien qu'il ait enregistré des succès dans le top 40 américain de quatre décennies différentes, Usher a mis du temps à assumer le rôle d'icône qui revenait plus facilement à certains de ses contemporains. Mais avec l'ouverture de sa série de concerts en résidence à Las Vegas et son Tiny Desk Concert NPR devenu viral en 2022, il est clairement devenu un vétéran de la musique pop sans que personne ne s'en rende vraiment compte.
Dans une récente interview accordée à Vanity Fair, il a expliqué ce que signifiait pour lui une telle rétrospective au Super Bowl : « J'apprends quelque chose à l'âge de 45 ans. Les jours et les semaines sont de plus en plus courts. Les années ressemblent à des mois ; elles passent si vite. J'essaie de savourer chaque instant et d'en profiter. »
De son côté, on dirait que la National Football League (NFL) commence tout juste à s'intéresser à ce qui l'effrayait peut-être un peu à son apogée. Mais on voit facilement à quel point l'atmosphère des concerts a changé depuis le début de l'évolution lente qui a pris racine il y a près d'une dizaine d'années. Dans le sillage des émeutes de Ferguson, alors que les joueurs voulaient s'exprimer pendant qu'une grande partie des propriétaires d'équipes s'assuraient que rien ne change, la NFL a tenté d'endiguer la vague. Puis le joueur de football américain Colin Kaepernick est apparu comme le visage de la résistance et la cible de la colère de la Ligue. En 2019, un grand nombre de célébrités ont refusé de se produire à la mi-temps, que ce soit par solidarité avec le quarterback mis à l'index, par crainte d'un retour de bâton ou par inquiétude quant à la gestion de la NFL. En 2021, Jay-Z et sa société Roc Nation ont entamé un partenariat qui prévoyait la direction de la production du show. Pendant les trois premières années, on se demandait si du sang neuf viendrait redresser la barre, et si la NFL allait même les laisser faire.
C'est un peu par hasard qu'Usher monte sur scène alors que Taylor Swift est dans le public. Si le crooner R&B a représenté les années 1990 puis les années 2000, le phénomène country devenu pop a représenté l'ère qui a suivi. Il est également révélateur que la NFL continue de mettre Taylor Swift sous le feu des projecteurs malgré la montée des théories conspirationnistes de droite sur sa relation avec Travis Kelce et sa présence sur la ligne de touche. La NFL a enfin compris qu'on ne peut pas plaire à tout le monde, mais qu'au XXIe siècle, il est financièrement et moralement logique de se ranger du côté des millenials.
