Jennifer Lawrence ou la fin du mythe de la bonne copine

Illico estampillée « petite fiancée de l'Amérique », Jennifer Lawrence n'a eu de cesse de charmer avec son allure de fille simple du Kentucky. Mais cette image de normalité n'a pas tardé à se retourner contre la comédienne, répondant à un cycle inéluctable pour les actrices propulsées rapidement en haut de l'affiche...
Mother  Jennifer Lawrence ou la fin du mythe de la bonne copine
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2012 : l'Amérique tombe amoureuse de Jennifer Lawrence

Si Jennifer Lawrence a découvert la joie des tapis rouges et de la course aux Oscars grâce à sa performance acclamée dans le film indé Winter’s Bone, c’est la saga Hunger Games qui l'a vraiment propulsée sur le devant de la scène. Tranchant complètement avec l’attitude de certains de ses comparses blasés par l’exercice promotionnel, l’actrice impulse une bonne humeur et une fraîcheur salutaire aux « junkets » et autres conférences de presse. Au menu, le rôle de la fille simple du Kentucky : dévaluation permanente (« Je pense que le film est génial, mais ils ont fait la grosse erreur de m’embaucher ») et considérations physiologiques (« Je pisse toutes les 2 minutes quand je suis nerveuse. Votre équipe doit penser que j’ai la diarrhée maintenant »). Avec ses blagues grasses et ses perpétuelles grimaces, son amour de la télé-réalité et des pizzas, elle est l'incarnation vivante de la rubrique d'US Weekly « Stars, they're just like us ! »

24 février 2013 : le sacre des Oscars
Nommée pour la deuxième année consécutive pour son rôle dans Happiness Therapy, Jennifer Lawrence mène avec brio sa campagne de séduction, charmant autant le public que ses pairs avec sa maladresse légendaire et son langage sans filtre (apparent). À tel point que Vice ne parvient pas à lui trouver le moindre détracteur, même en interviewant des individus prônant la haine au quotidien : extrémistes religieux et autres fanatiques. Contrairement à une Jessica Chastain affichant son ambition (un affront venant d'une femme) ou à une Anne Hathaway débitant ses discours comme un texte de théâtre, la star de Hunger Games opte pour la fausse modestie : « Jouer la comédie est une activité assez stupide », confie-t-elle ainsi à Vanity Fair. Point culminant du Jennifer Lawrence show, cette soirée des Oscars durant laquelle elle va cémenter son image de girl next door, chutant sur les marches du Dolby Theatre en récupérant sa récompense, exprimant sa gêne face aux avances du lubrique Jack Nicholson. Même nonchalance en salle de presse où, complètement désinhibée, elle évoque les shots qu'elle vient de boire, avant de provoquer l'hilarité générale en faisant un doigt d'honneur à un journaliste.

2014 : les premiers soupçons

Au milieu des listes « 52 fois où vous auriez aimé que Jennifer Lawrence soit votre meilleure amie » (spoiler : quand elle a parlé de son amour pour John Stamos), il fallait bien que des voix divergentes émergent. Il y a d'abord eu cette énième chute en février sur le tapis rouge des Oscars 2015 qui a amené certains médias à se poser cette question capitale : l'actrice ferait-elle semblant de tomber pour s'attirer la sympathie du public, comme un humoriste sortant en boucle sa meilleure punchline ? Soupçon corroboré par Jared Leto, au sommet de sa perspicacité, quelques jours plus tard à Paris : « Vous savez, je commence à me demander si elle joue la comédie », dira-t-il à Access Hollywood. Pendant ce temps, Buzzfeed pense percer l'actrice à jour en convoquant le mythe de la cool girl, popularisé par Amy Dunn, héroïne du polar Les Apparences, dans un long monologue : « Être la Fille cool, ça signifie que je suis belle, intelligente, drôle, que j’adore le football américain, le poker, les blagues salaces, et les concours de rots, que je joue aux jeux vidéo, que je bois de la bière bon marché, que j’aime les plans à trois et la sodomie, et que je me fourre dans la bouche des hots dogs et des hamburgers comme si c’était le plus grand gang bang culinaire du monde, tout en continuant à m’habiller en 36, parce que les Filles cool, avant toute chose, sont sexy. » Pour la journaliste Anne-Helene Petersen, Jennifer Lawrence n'incarne pas consciemment cet idéal, mais se conforme à ce que « la société dicte aux femmes » : « comporte-toi comme un mec, mais ressemble à un top model. »

Octobre 2014 : les photos volées
« À la fois chasseuse et proie ». Voilà le titre du long article consacré à Jennifer Lawrence dans le numéro d'octobre du Vanity Fair américain*.* Et pour cause, l'actrice réagit pour la première fois publiquement au hacking de ses photos dénudées, diffusées massivement sur la toile deux mois plus tôt... et délivre la meilleure des réponses aux adeptes du slut shaming : « Ce n'est pas un scandale, c'est un crime sexuel (...) Même des gens que j'aime et que je connais me disent : “Oh oui, j'ai regardé les photos”. Je ne veux pas m'énerver, mais en même temps, je ne les ai pas autorisés à regarder mon corps nu. »
Novembre 2015 : la tribune féministe
Un jour, un hacking. Alors que Sony est victime d'un piratage de masse, Jennifer Lawrence découvre qu'elle a été payée beaucoup moins que ses collègues masculins pour le tournage d'American Bluff. « J'en ai marre de chercher une façon adorable d'exprimer mon opinion pour être appréciée. Je ne crois n'avoir jamais connu un homme qui tergiverse pendant des heures pour savoir comment faire entendre sa voix. Elle est entendue tout simplement, écrit-elle dans Lenny Letter (la newsletter de Lena Dunham). Jeremy Renner, Christian Bale et Bradley Cooper ont tous réussi à négocier des salaires avantageux pour eux-mêmes (...) Pendant ce temps, je m'inquiétais de passer pour une fille gâtée et n'obtenait pas ma part du gâteau. » Celle qui comparait autrefois l'intrépide Katniss, héroïne de Hunger Games, à « un homme pourvu d'un vagin » affiche un féminisme surprenant, mais collant avec l'atmosphère en vigueur alors à Hollywood.
Janvier 2016 : l'année des controverses
Quoi que Jennifer Lawrence fasse, elle ne peut échapper au cycle classique de la célébrité, à l'inévitable controverse qui suit un trop plein d'amour (quand on est une actrice, il va s'en dire). Sa tendance à vouloir absolument se démarquer des fans de régimes, d'évoquer sans cesse sa passion pour la junk food ou son statut de fille « bien en chair » à Hollywood finit notamment par agacer. « Il y a des vêtements qui sont conçus pour de femmes très minces - avec des broderies ou qui couvrent beaucoup - et dans lesquels j'ai l'air grosse », confie-t-elle dans le numéro de janvier de Glamour US, provoquant une réponse sans fioritures du Daily Beast : « Jennifer Lawrence, tu es mince. Deal with it. »
10 janvier 2016 : le retour de bâton

Une séquence marque particulièrement le revirement de l'opinion publique. L'actrice, aux Golden Globes 2016, qui s'en prend à un journaliste collé à son téléphone en plein interview : « tu ne peux pas vivre derrière ton écran mec. Il faut être dans l'instant .» Il n'en fallait pas plus pour que la muse de David O.Russell s'attire les foudres des twittos, prompts à défendre le reporter étranger qui, selon eux, utilisait son smartphone pour lire ses questions (malgré le manque d'éléments corroborant cette version). Et les médias de sentir le vent tourner : « Nous faisons une overdose de Jennifer Lawrence », affirmera notamment Mic.

Novembre 2016 : Jennifer Lawrence vs. « Le Parisien »

Oh la la... Un an après avoir froissé Cauet par sa soi-disant attitude de diva lors de la tournée promo d'Hunger Games : La Révolte 2, voilà que la comédienne se met à dos d'autres journalistes français. Le Parisien dévoile ainsi les coulisses de sa rencontre avec la comédienne, de passage à Paris pour la sortie de Passengers : « Elle n'avait rien à dire, ou si peu, sur le film, prenait ses interlocuteurs de haut, et gloussait bêtement, interrompant sans cesse le malheureux Chris Pratt qui faisait son possible pour placer une ou deux anecdotes sur le tournage. Bref, Mlle Lawrence a pris la grosse tête, au point de se saborder : il n'y a tellement rien à tirer de cette rencontre qu'on est bien incapable de sauver la moindre citation de sa part. Lamentable... »

9 décembre 2016 : la phrase qui passe mal
Même au sommet de sa popularité, Jennifer Lawrence n'a jamais brillé par son tact. Si l'actrice a balayé du revers de la main la controverse autour du casting de Katniss dans Hunger Games (personnage au teint olive pour lequel seules des actrices blanches ont pu auditionner) en 2011, ou fait une remarque transphobe sur Chaz Bono sans trop provoquer de réactions en 2012, sa dernière sortie a déclenché davantage d'outrage, prouvant qu'elle n'est officiellement plus intouchable. Sur le plateau du Graham Norton Show, l'actrice a confié s'être grattée les fesses sur un rocher pendant le tournage de la saga dystopique. Jusqu'ici rien de très grave, si ce n'est que la pierre en question est considérée comme sacrée dans l'archipel, et que cette histoire a suscité une telle controverse que la comédienne a dû présenter ses excuses sur Facebook.

Septembre 2017 : La fausse polémique
Après s'être fait discrète pendant quelques mois*,* Jennifer Lawrence revient sur le devant de la scène pour la promotion de mother!, réalisé par son compagnon Darren Aronofsky*.* De Venise à Paris, le duo enchaîne, sourire aux lèvres, les avant-premières et les signatures d'autographes, laissant derrière eux une atmosphère de déluge : outré ou fasciné, personne ne reste indifférent au dernier film du cinéaste. Comme si l'âge de la maturité avait sonné, l'actrice affiche une attitude beaucoup plus posée, évoquant politique et changement climatique. Ce qui ne l'empêche pas d'être au centre d'une énième polémique : elle aurait affirmé sur Channel 4 que les ouragans étaient une réponse de Mère nature à l'élection de Donald Trump. Une phrase sortie de son contexte prouvant que la comédienne a toujours le don pour attiser les passions.