Interview

Victoria Beckham se confie à coeur ouvert à Loïc Prigent pour Vogue France

Sa marque de mode, ses nouveaux parfums inspirés de son histoire, sa famille, son couple avec David Beckham… Cover girl du Vogue France de novembre, Victoria Beckham s'est livrée à Loïc Prigent lors de son passage à Paris.
Victoria Beckham porte une robe et un haut Victoria Beckham et des collants Calzedonia  Vogue France novembre 2023
Lachlan Bailey

C'est le lendemain de son défilé parisien que nous rencontrons Victoria Beckham. Elle vient de présenter sa collection printemps-été 2024 dans l’ancien hôtel particulier de Karl Lagerfeld, au cœur de la Rive gauche. Des connivences qui veulent dire beaucoup pour cette star qui, pas à pas, a gagné sa légitimité de créatrice de mode. Paris est bien sûr le point culminant d’une carrière fashionable réussie. Et Victoria Beckham continue son ascension, complétant sa marque, après le prêt-à-porter et la beauté, d’une ligne de parfums qu’elle vient d’inaugurer. Victoria Beckham, c’est une famille, et le rituel de l’arrivée de son mari David Beckham et de ses quatre enfants, Brooklyn, Romeo, Cruz et Harper, au premier rang, est aussi prisé que son défilé. Une famille très scrutée, et le succès de la série Beckham, qui retrace la vie de David, sur Netflix, ne le contredira pas. Une famille qu’on imagine sympa, soudée, quasi normale en fait. En tout cas, le talisman de Victoria, ses fondations. Une Victoria bien plus tendre et drôle que l’image distanciée qu’elle a longtemps donnée à voir. Tout comme la Victoria assise en face de nous qui transforme une interview formelle en vraie conversation libre de bonne copine…

Victoria Beckham, cover girl du Vogue France de novembre 2023, se livre à Loïc Prigent

Victoria Beckham porte un manteau, un pull et un tee-shirt Miu Miu et des collants Calzedonia.

Lachlan Bailey

Vogue France. Vous avez fait la fête hier soir ?

Victoria Beckham. C’était génial ! C’était grisant de voir tout ce monde. Tant d’amis étaient là. Le lieu, les DJs… J’adore la musique, ça a toujours occupé beaucoup de place dans ma vie et dans celle de mon mari. C’était un succès sur toute la ligne : le défilé, la fête, le lancement du parfum…

Vous avez travaillé sur ce parfum pendant sept ans, c’est bien ça ?

Huit ans. Je ne voulais pas me précipiter. Je préférais m’assurer que mon équipe ait les connaissances requises pour concrétiser mon rêve. C’est un parfum mais aussi une histoire. C’est ça qui a fait exploser Victoria Beckham Beauty, ma ligne de maquillage qui rencontre un succès phénoménal. De même, je voulais sortir ces parfums au bon moment, que je sois totalement satisfaite. Aujourd’hui, je le suis.

Expliquez-nous les noms de vos parfums ?

Il y a San Ysidro Drive, notre adresse à Los Angeles. Ce parfum célèbre l’estime de soi et l’autonomie. Quand on a déménagé à Los Angeles depuis l’Espagne, ce fut le début d’un nouveau chapitre pour notre famille. Notamment pour moi quand j’ai commencé à montrer mon travail à New York. Jusque-là, personne ne savait ce que je faisais. J’avais déjà développé la marque Victoria Beckham en Espagne, mais en toute discrétion. Portofino ’97 s’inspire d’un voyage avec David en 1997. On est allés en Italie pour nos premières vacances en couple. On a séjourné à l’hôtel Splendido, un lieu magnifique, très romantique. Je n’oublierai jamais son odeur. Ni la couleur de la mer. Ce voyage a donné naissance à ce parfum. Suite 302 est à part. David et moi avons toujours adoré Paris. Dans les années 1990, on y passait des week-ends sans les enfants, à l’Hôtel Costes. Je me souviens de son odeur, entre cuir et tabac. Quelque chose de très sexy et de sombre. La couleur des rideaux, le velours des canapés, l’obscurité des chambres, les flashs des paparazzis, toute cette opulence. Je me souviens même de ce que je portais. Suite 302, c’est notre hommage à Paris… Raconter des histoires, c’est fondamental. Ces parfums constituent mon autobiographie olfactive, en quelque sorte. C’est ainsi que je veux raconter ma vie. À travers des vêtements, des produits de beauté et des parfums.

Votre dernière collection s’inspire de votre passé de danseuse…

De mon goût pour la danse, oui. Et d’une danseuse de ballet à différents moments, en répétition, dans le métro, sur scène… Mais je m’inspire aussi de la campagne britannique. Chaque week-end, mon mari et moi allons dans notre maison de campagne, on se promène de petits magasins d’antiquités en boutiques vintage. Et parfois, je tombe sur des nappes qui me replongent à l’époque où je rendais visite à mes grands-parents car elles me rappellent leur maison. Il y a un côté nostalgique…

Quand vous vous lancez dans une nouvelle collection, vous punaisez des photos ou des souvenirs de vos week-ends sur votre moodboard d’inspiration ?

Je les partage avec l’équipe. J’ai racheté les tutus que je portais à 15 ans, par exemple. Je leur montre pour qu’ils les étudient et voient comment ils ont été conçus.

Est-ce un processus plutôt sentimental ou ludique ?

J’adore chaque étape du processus créatif. Je suis très impliquée autant pour la beauté que pour la mode. Parfois, je me dis que ce serait bien de ne faire que de la création, parce que c’est ce qui me plaît le plus. Mon rôle a de multiples facettes.

Victoria Beckham porte un top et un pantalon Bottega Veneta, des chaussures Gianvito Rossi, une montre Hermès et des bijoux Boucheron.

Lachlan Bailey

Victoria Beckham est en Prada et bijoux Tiffany & Co.

Lachlan Bailey

Vous travaillez entourée de femmes.

J’ai une équipe très féminine, et mes deux PDG sont des femmes. Je collabore aussi avec des hommes. Je veux juste les meilleurs. J’ai beaucoup de clients masculins. Hier, dans le public, j’ai repéré des hommes qui portaient mes vêtements. Quant à mes parfums, ils sont non-binaires, et j’en suis aussi très fière. Hier, mon fils Cruz était habillé en Victoria Beckham de la tête aux pieds. Je crée des vêtements pour lui aussi. Le parfum est une occasion supplémentaire de souligner cela. Ce sont des parfums qui n’ont pas de sexe, créés par une marque inclusive. Je m’inspire souvent de la mode masculine. Je ne pense pas que nous soyons une marque à l’esthétique féminine trop marquée. La mode masculine dégage une puissance qui nous inspire, en particulier à travers le tailoring. Prenez les chaussures du défilé, de grosses bottes à bouts pointus qui évoquent des brogues champêtres. Typiquement masculin.

Avez-vous tout accompli ?

Non, ce n’est que le début. J’ai beaucoup d’ambition, et je travaille dur pour qu’elle se concrétise. Je ne m’attends jamais à ce que ça me tombe tout cuit dans la bouche. Et la période est exaltante. Cette année, on a réalisé des bénéfices ! Cela prend du temps. Surtout pour une marque indépendante. Mon parfum n’est pas une licence, il m’appartient. Maintenant que j’ai posé les bases, les choses sérieuses commencent. J’ai bâti les fondations de la maison, je veux qu’elle se développe tout en restant authentique, que ce soit la mode, la beauté, les parfums… Il y a tellement de choses que je veux faire !

Quelles personnalités de la mode admirez-vous ?

Quand je regarde les grandes maisons, j’ai des étoiles dans les yeux. Créer une grande maison, c’est mon rêve. Je n’en nommerais aucune, ça risquerait de passer pour de l’arrogance, mais je tiens à souligner, le plus humblement possible, que j’ai beaucoup d’ambition.

Il y a quelques années, vous et moi avions lancé notre chaîne YouTube en même temps. J’étais fan de la vôtre, parce que vous vous y montriez tellement candide et franche…

Je n’aimais pas trop ça. Ça demandait trop d’implication. La veille d’un tournage, je passais la nuit à tourner en rond. “Les filles doivent-elles apparaître au bout de 9 ou 10 secondes ? Combien y en a-t-il dans la pièce ? À quoi va ressembler cette prise ?” C’était de la folie. J’en devenais insomniaque… S’occuper d’une chaîne YouTube demande du temps. Être filmée, créer du contenu… J’aime bien me servir des réseaux sociaux pour communiquer, mais Instagram ou TikTok, c’est différent d’une chaîne YouTube. Une chaîne YouTube, c’est trop chronophage. Mon émission ne parlait que de moi, j’en avais marre.

Victoria Beckham porte un manteau Maison Alaia, des chaussures Sergio Rossi et des collants Calzedonia.

Lachlan Bailey

Ce qui m’a frappé quand je vous ai rencontrée, à New York, c’est votre naturel, votre humour et votre bienveillance…

Avant les réseaux sociaux, quand les paparazzis n’arrêtaient pas de me photographier, les médias m’avaient fabriqué une image de grincheuse qui ne sourit jamais. C’est l’histoire qu’ils ont racontée et que les gens ont crue. Quand je repense à l’époque des Spice Girls et à ce que les médias m’ont fait subir, ça m’a affectée. Quand on est dans cette situation, on se protège. Dès que je voyais des paparazzis, j’enfilais ma carapace, et c’était ce qu’on voyait de moi. Or, j’étais mal à l’aise avec cette image. Il m’arrivait donc de m’énerver. On me faisait passer pour quelqu’un toujours de mauvaise humeur. C’était faux. Mais j’étais consciente de l’image que je renvoyais. Dès que j’ai commencé à montrer mon travail et à pouvoir communiquer sans l’aide des médias, via les réseaux sociaux, on a pu me voir telle que j’étais. Mais je vais être claire : je ne poste jamais pour prouver quoi que ce soit à qui que ce soit. Ça fait belle lurette que je ne me soucie plus de ce qu’on pense de moi. J’aimerais que les médias me dépeignent comme quelqu’un de gentil, d’aimable, de respectueux, mais j’y ai renoncé. Grâce aux réseaux sociaux, on me voit comme une travailleuse, une épouse et une mère… ma vraie personnalité.

Présenter votre collection à Paris suscite un réel enthousiasme.

David et moi adorons Paris depuis notre rencontre il y a 27 ans. Quand il a signé au PSG, on a passé beaucoup de temps ici même si on ne pouvait pas emménager car son contrat était de courte durée et les enfants étaient scolarisés à Londres. En tant que créatrice de mode, il n’y a pas mieux. J’adore les gens, leur énergie, c’est vraiment la plus belle ville du monde. Je me sens chez moi, à Paris. Et j’ai l’impression d’avoir gagné le droit de me montrer.

Je vous ai aperçue à deux défilés de Simon Porte Jacquemus.

J’aime soutenir de jeunes créateurs. J’ai aussi assisté à des défilés de marques plus prestigieuses, comme Chanel, mais c’est important de soutenir les nouveaux talents. J’ai adoré rencontrer Simon et faire partie de ce groupe. Avec David, on est allés au défilé homme de Rick Owen, qui était incroyable. Je soutiens Kim Jones qui est un ami.

Et la suite ? Comptez-vous enchaîner les collections ?

Il faut qu’on soit très organisés. On a quatre collections par an. Deux principales et deux pré-collections.

Vous aimez ce genre de gymnastique ?

C’est mon métier. On me demande si je ne ressens pas trop de pression, mais c’est mon rôle. Si je ne faisais pas ça, je ne sais pas ce que je ferais. J’aime cette gymnastique cérébrale, parce que ce n’est pas que du prêt-à-porter, pas seulement des vêtements. Il y a aussi les sacs à main, les chaussures, les lunettes, le maquillage, la beauté, les parfums… C’est beaucoup, mais j’ai une équipe formidable.

Victoria Beckham porte une robe et un haut Victoria Beckham et des collants Calzedonia.

Lachlan Bailey

C’est vous qui menez les entretiens d’embauche ?

Oui. C’est nécessaire, vu que je travaille en étroite collaboration avec tout le monde. Même avec le service financier. C’est marrant parce que même hier, à la fête, tous mes amis étaient là, certains étaient venus des États-Unis, d’autres de Londres, ma famille était là, ma mère, mon père, les parents de David, ma sœur… Mais je continuais de graviter autour de mes équipes créatives. Ça doit avoir un côté rassurant, vu que je passe le plus clair de mon temps avec eux.

Que recherchez-vous chez un collaborateur ?

La gentillesse, la conscience écologique, le respect de l’environnement, tout cela est très important pour moi. La façon dont on traite nos employés aussi. Même les mannequins aiment travailler pour moi. Je pense pouvoir dire que tout le monde est content de travailler pour cette marque. On a de bonnes relations, on travaille dur, on s’amuse bien. La plupart du temps, ça marche. Et quand ce n’est pas le cas, tant pis. “C’est la vie”, comme vous le dites si bien en France.

C’est la vie, oui.

Excusez mon accent français. Je m’en sortais bien à l’école, mais une fois adulte, je n’ai plus osé parler. Je ne pratique pas beaucoup. Mais je comprends mieux le français qu’on ne le pense. Si j’avais davantage de temps… L’autre fois, j’ai trouvé une appli dans laquelle je parlais, et ça sortait en français. Je me suis dit que ça allait me changer la vie, parce que la plupart des membres de mon équipe sont français. Et puis ma présidente m’a dit : “Euh, je crois que l’application ne fonctionne pas aussi bien que tu le penses…”

Comment vous est venue l’envie de lancer votre marque ?

Ça a toujours été ce que je voulais faire. À l’école, je personnalisais mes uniformes scolaires et ceux de mes camarades. J’avais aussi lancé une mode qui consistait à porter une paire de chaussettes tirée vers le haut, puis une autre paire par-dessus, tirée vers le bas. Pour créer l’illusion d’une jambe plus longue. Ensuite, tu raccourcis la jupe. Je suppose que beaucoup de petites filles font ce genre de choses.

Superposer des chaussettes ?

Oui. Pour créer l’illusion d’une jambe plus longue. Cette pratique a fait le tour de l’école et ça mettait ma mère hors d’elle : “Maintenant, je dois te préparer deux paires de chaussettes chaque matin, sans parler des deux autres pour ta sœur qui fait tout comme toi.”

Quel âge aviez-vous ?

Environ 12 ans. Je me suis toujours intéressée aux vêtements. Je viens d’un milieu issu du prolétariat, je ne connaissais rien aux grandes marques. Mais ma mère m’emmenait faire du shopping et j’appréciais les vêtements. Mais c’est avec les Spice Girls que j’ai appris à aimer les marques. Les autres Spice Girls, quand on leur offrait des vêtements, elles s’en fichaient. Alors j’ai pris ça en main, et j’ai réussi à obtenir des vêtements Tom Ford et Gucci. C’était génial car je n’avais jamais pu acheter de tels vêtements. C’est là que j’ai commencé à me passionner pour la mode. L’une de mes premières grandes expériences, à l’époque des Spice Girls, c’est quand Donatella Versace m’a invitée à un défilé à Milan avec ma meilleure amie. Le premier endroit où son équipe m’a emmenée fut la boutique Versace. Ils m’ont dit que je pouvais prendre ce que je voulais. Le genre de moment où l’on se murmure “Pincez-moi, je rêve !”

Victoria Beckham porte du Saint Laurent par Anthony Vaccarello, des bijoux Tiffany & Co et Chaumet et des chaussures Style Heroine x Sergio Rossi.

Lachlan Bailey

Vous avez retouché leurs vêtements aussi ?

Exactement. J’essayais les vêtements, je me regardais et je disais à l’équipe de Donatella Versace : “En revanche, est-ce que je pourrais modifier tel ou tel détail ?” Mais sur un ton sympa, pas arrogant. Je savais que ces vêtements m’iraient mieux si je les retouchais un peu. Aujourd’hui, je ne ferai jamais ça. Mais à l’époque… J’étais dans les Spice Girls et je n’étais pas encore avec David. J’étais super naïve. Et surexcitée. J’ai donc retouché les vêtements qu’ils m’avaient offerts pour m’y sentir plus à l’aise. Et je suis allée au défilé. Je me suis assise à côté de Demi Moore. C’était un rêve qui se réalisait. C’était mon premier vrai moment important en lien avec la mode.

C’est là que vous avez compris que vous vouliez travailler dans ce milieu ?

Oui. Pourtant, on ne peut pas dire que je me suis tout suite sentie à ma place. Je n’avais jamais rien vu de tel. Je ne me suis pas spécialement reconnue dans ce que je vivais, mais c’était ma première fois. La mode, c’était ce que je voulais faire depuis mon plus jeune âge, sauf que je ne m’en rendais pas compte. À l’époque où je personnalisais les uniformes à l’école, chaque matin, on m’envoyait me démaquiller aux toilettes. Je n’ai jamais compris pourquoi. C’était cruel.

À quel moment précis avez-vous décidé de lancer votre marque ? Est-ce une idée qui vous est venue en pleine nuit ?

C’était quand David et moi avions un parfum. Vous savez, ces parfums de stars. Maintenant, je ne fais plus ça, je tiens à le préciser. Mais, à l’époque, on avait ce parfum qui rencontrait un grand succès, et je travaillais aussi comme designer pour d’autres marques. Je travaillais pour une marque japonaise d’accessoires et de bijoux, et comme styliste pour une marque de jean. Mais c’est le succès du parfum qui m’a permis de lancer ma marque. On a encore tellement de choses à se dire… mais je dois partir. Nous rentrons à Londres. David et les enfants m’attendent. On s’appelle, d’accord ?

Le Vogue France de novembre 2023 est à retrouver en kiosque et en ligne dès le 31 octobre 2023

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