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Nicole Kidman sacrée meilleure actrice à la Mostra de Venise pour son rôle dans le thriller érotique Babygirl

Babygirl de Halina Reijn était l'un des chocs visuels de la Mostra de Venise. Il permet à Nicole Kidman d'être sacrée meilleure actrice lors de la cérémonie de clôture.
Nicole Kidman et Harris Dickinson dans Babygirl.
Nicole Kidman et Harris Dickinson dans Babygirl.© Niko Tavernise

Ce n’est pas nouveau : Nicole Kidman a toujours eu un faible pour les rôles de femmes complexes et intelligentes, au désir vorace et aux mœurs ambiguës. C’est Alice Harford dans Eyes Wide Shut, devant la caméra de Stanley Kubrick, Evelyn Stocker dans le Stoker de Park Chan-Wook, ou bien encore Martha Farnsworth chez Sofia Coppola, dans le très beau Les Proies, récompensé au Festival de Cannes pour sa mise en scène en 2017. Cette année, elle a ébloui la Mostra de Venise dans le rôle de Romy Mathis, PDG glaciale et intransigeante d'une entreprise de e-commerce, qui voit sa vie bousculée à l'arrivée d'un stagiaire un peu trop véhément en la personne de Samuel, sous les traits de l'espoir Harris Dickinson (révélé par le Sans Filtre de Ruben Östlund). Un rôle aujourd'hui récompensé par le prix de la meilleure actrice, qu'elle n'a pas pu recevoir en personne. C'est Halina Reijn, réalisatrice de Babygirl, qui est montée sur scène à sa place et a prononcé un discours à la place de Nicole Kidman, révélant que l'actrice a dû quitter Venise à la suite de l'annonce du décès de sa mère : “Aujourd'hui, je suis arrivée à Venise pour apprendre peu de temps après que ma courageuse et magnifique mère, Janelle Anne Kidman, venait de décéder, a écrit la comédienne. Je suis sous le choc et je dois aller voir ma famille, mais ce prix est pour elle”.

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Dans Babygirl, la cinéaste néerlandaise Halina Reijn poursuit certains codes du cinéma érotique, à l'instar du méconnu La secrétaire de Steven Shainberg, prix spécial du Jury du festival de Sundance en 2002. La géniale Maggie Gyllenhaal y campe Lee Holloway, une jeune femme souffrant de ce qui ressemble en tout point à un syndrome post-traumatique. Sortie d’un hôpital psychiatrique depuis peu, elle se trouve un travail de secrétaire pour l’avocat E. Edward Grey, avec qui le rapport hiérarchique se transforme bientôt en relation sadomasochiste. La secrétaire se propose ainsi d’explorer les questions philosophiques les plus intimes, à travers le sexe. Que désire-t-on, et pourquoi le désire-t-on ? Ces questions, Halina Reijn les reprend intelligemment et se les approprie, traduisant le malaise dans lequel se trouvent plongées les expressions du désir féminin, à l'heure où les femmes sont prises en une performance constante de puissance, sous l'aune du féminisme libéral, et des imaginaires érotiques façonnés par la société patriarcale.

© Jose Perez / Bauer-Griffin
© Jose Perez / Bauer-Griffin
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Babygirl, un thriller érotique grinçant

L'image est aussi lisse que la peau de Nicole Kidman. Et c'est à vrai dire, probablement l'effet recherché par Halina Reijn et son directeur de la photographie, le talentueux Jasper Wolf. Tout, dans le monde de Romy Mathis, est d'une blancheur extrême. Aucun cheveux ne dépasse de son chignon blond vénitien, son trench camel tombe toujours parfaitement sur ses épaules. Tout est son contrôle, dans les moindres détails de son apparence – jusqu'à son visage percé d'aiguilles remplies de botox, dans un plan d'une audace peu commune pour Nicole Kidman, tant on en devine la précieuse intimité. À ce titre, le personnage n'est pas sans rappeler celui qu'incarne Demi Moore dans The Substance de Coralie Fargeat, dont la sortie est prévue le 6 novembre 2024 dans les salles françaises. Mais après avoir choisi le registre horrifique pour son précédent long-métrage, Bodies, Bodies, Bodies, Halina Reijn préfère ici le ton du thriller, auquel elle ajoute un humour grinçant qu'on lui reconnaît, et qu'elle manie avec brio.

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Il est une chose que le personnage de Nicole Kidman ne parvient à dompter : ses désirs, qu'elle assouvit en secret dans l'obscurité d'une salle de bain, après avoir simulé un énième orgasme avec son mari (Antonio Banderas). L'équilibre est bancal, mais il prévaut. Du moins jusqu'à l'arrivée du trublion Harris Dickinson, stagiaire éhonté aux intentions troubles, qui fait basculer la glaciale PDG, pour plonger corps et âme dans une liaison adultère aux enjeux tragiques. Le synopsis, ainsi narré, flirte dangereusement avec celui de l'horrible saga Cinquante nuances de Grey. Halina Reijn, plus maligne que ça, désamorce le cliché, ou plutôt, en joue. Présenté comme un thriller érotique, Babygirl pourrait également fièrement arboré le statut de comédie grinçante, tant les joutes verbales entre les personnages de Kidman et Dickinson sont tantôt géniales, tantôt risibles dans leurs inexpériences et surtout sous les masques qu'ils n'osent poser à terre. Ainsi, inverser les rapports de force souvent dépeints au cinéma, entre un patron autoritaire et une assistante ingénue, la cinéaste néerlandaise choisit de filmer une femme de pouvoir, pour proposer une anatomie du désir féminin le plus authentique.

© Jose Perez / Bauer-Griffin
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Nos fantasmes sont-ils vraiment les nôtres ?

Que cherche la Romy Mathis de Babygirl ? La réponse à cette question n'existe pas vraiment, tant ce personnage peine à définir les objets de son désir. Femme riche, puissante, reconnue par ses pairs et comblée par une vie de famille épanouie, elle voit son quotidien cannibalisé par ses envies qui tranchent radicalement avec l'image qu'elle a choisi de renvoyer au monde. Dans son esprit, elle se voit touchée, attachée, maltraitée. Des désirs de souffrance féminine qui interrogent, à l'heure où les avancées les plus récentes du féminisme ont permis aux femmes d'assumer des positions de pouvoir au même titre que leurs homologues masculins. Le féminisme libéral, adjuvant fidèle du capitalisme effréné de notre société, a vu naître le terme “girlboss”, depuis largement repris par de nombreuses campagnes marketing visant à vendre une image nouvelle des femmes, comme des meneuses sans peur aucune, dont Romy Mathis est l'incarnation parfaite. Mais dans la sphère intime, le combat féministe est autre. L'imaginaire est peut-être le dernier rempart du patriarcat, tant celui-ci a pénétré nos esprits par les œuvres et les médias que nous consommons chaque jour. Malgré sa réussite évidente, ce dont rêve Romy Mathis, c'est de délaisser tout le pouvoir accumulé, se faire appeler “babygirl” (que l'on pourrait traduire par “petite fille”) et poser sa tête sur les épaules d'une figure paternelle.

Même lorsqu'elle rencontre Samuel, Romy peine à exprimer ce qu'elle souhaite – réellement. Les débuts de l'adultère sont lents et fastidieux, saupoudrés de rires gênés et d'agressivité portée comme une armure. Comme la cristallisation de la difficulté, pour les femmes, d'admettre ce qu'elles désirent réellement. Ne leur a-t-on pas appris, tout au long de leur vie, la passivité sexuelle ? Ainsi, le film tient l'une de ses plus grandes scènes lorsque, sous les mains de son stagiaire, Romy vit ce que l'on devine être son premier orgasme depuis des années, si ce n'est toute sa vie. Un climax suivi d'une crise de larmes incontrôlée, comme un relâchement d'émotions, qui se trouvaient prêtes à déborder depuis bien trop longtemps. Et si l'on regrette quelques choix d'Halina Reijn, résolument dispensables – la lourde allusion à la chienne ou l'anecdote, facile, de l'enfance passée dans une secte – force est de constater que la cinéaste a écrit là l'un des rôles les plus féminins les plus forts de l'année, tant il est traversé par mille questions cruellement actuelles de la sexualité féminine.

Nicole Kidman et Harris Dickinson dans Babygirl.© Niko Tavernise

Babygirl de d'Halina Reijn, avec Nicole Kidman et Harris Dickinson, prochainement.

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