Décret du 7 août 1793 qui déclare William Pitt ennemi du genre humain
Le décret du qui déclare William Pitt ennemi du genre humain est un décret de la Convention nationale datant de .
Contexte
[modifier | modifier le code]Comme André Dupin le remarque dans son Manuel des étudians en droit et des jeunes avocats (1835), la Révolution française a été l'occasion d'une efflorescence législative qui a permis le vote de textes législatifs parfois très spécifiques. Selon lui, « le désordre s'augmenta encore par l'imperfection de la législation », car elle aurait contribué à une surenchère législative[1]. Ainsi, dans un décret du 27 brumaire an VIII, la Convention vote une déclaration de sa « résolution constante d'être terrible envers ses ennemis ». Avait aussi été voté le décret du 19 brumaire an II « invitant à faire des offrandes à la patrie en chemise »[2].
La Grande-Bretagne est en guerre contre la France depuis plus de six mois. Certains conventionnels proposent de voter des textes incisifs à l'égard du pays. Plusieurs textes relatifs aux étrangers présents en France, plus ou moins répressifs, sont discutés par la Convention parallèlement, sur fond de peur d'une conspiration contre-révolutionnaire étrangère.
Débat parlementaire
[modifier | modifier le code]Jacques Garnier de Saintes propose en août 1793, alors que plus de sept mois de guerre se sont écoulés, un décret pour maîtriser les étrangers sur le territoire français[3]. Dans son discours, il exhorte la Convention à décréter « que Pitt est l'ennemi du genre humain, et que tout le monde a le droit de l'assassiner »[4]. Le texte déposé au bureau de la Convention propose ainsi d'autoriser l'assassinat du ministre britannique William Pitt le Jeune[5].
Certains parlementaires cherchent à apporter des nuances au texte[6]. Le climat qui règne à la Convention rend difficile l'opposition frontale au projet de décret ; les retranscriptions des débats mentionnent qu'un conventionnel anonyme déclare « qu’il est indigne d’autoriser l’assassinat par une loi. Sous aucun rapport, la vie d’un étranger ne peut nous appartenir ». Georges Couthon cherche à rendre le texte moins brutal en déclarant : « Je n'appuierai pas la proposition qui vous est faite d'autoriser l'assassinat de Pitt ; mais je demande au moins que vous décrétiez solennellement que Pitt est l'ennemi de l'espèce humaine[7]. »
Le décret est voté le 7 août 1793 par la Convention. Il dispose : « La Convention nationale déclare, au nom du peuple François, que William Pitt, ministre du gouvernement Britannique, est l'ennemi du genre humain[8]. »
Postérité
[modifier | modifier le code]Le décret du 7 août 1793 qui déclare William Pitt ennemi du genre humain a été mobilisé par des juristes et des historiens comme un exemple des dérives de la Convention durant l'épisode de la Terreur[6]. Sophie Wahnich, dans son ouvrage L'Impossible citoyen, considère que le décret illustre les ambiguïtés des conventionnels au sujet des étrangers et de la méthode à adopter face aux contre-révolutionnaires. André Dupin replace ce décret dans l'efflorescence des textes créateurs de droit grandiloquents votés durant la période[1].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- André Dupin, Manuel des étudians en droit et des jeunes avocats, recueil d'opuscules de jurisprudence, par M. Dupin,..., (lire en ligne)
- Dupin (M André-Marie-Jean-Jacques), Des magistrats d'autrefois: des magistrats de la révolution, des maagistrats à venir ..., Warée, (lire en ligne)
- Société nouvelle: revue internationale, Bureaux, (lire en ligne)
- Philippe Joseph Benjamin Buchez, Histoire Parlementaire de la Révolution Française, Ou Journal Des Assemblées Nationales, Depuis 1789 Jusqu'en 1815, Vol. 28: Contenant La Narration Des Événemens; Les Débats Des Assemblées; Les Discussions Des Principales Sociétés Populaires, Et, 1kg Limited, (ISBN 978-0-259-48950-4, lire en ligne)
- Wahnich 2010, p. 300.
- Wahnich 2010.
- Edouard Guillon, La France et l'Irlande sous le Directoire Hoche et Humbert : D'après les documents inédits du ministère de la guerre, Colin, (lire en ligne)
- Jérôme Mavidal et Émile Laurent, Archives parlementaires de 1787 à 1860 : recueil complet des débats législatifs et politiques des chambres françaises. Première série (1787 à 1799), (présentation en ligne), p. 452.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Sophie Wahnich, L'Impossible citoyen, Albin Michel, (ISBN 978-2-226-21711-0, lire en ligne)