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Rencontre avec Alice Zeniter : “Je n'ai pas fini de me débattre avec le fait que je suis un produit de l'histoire coloniale”

Avec Frapper l'épopée, Alice Zeniter retourne à la fiction après une pause marquée et plusieurs essais littéraires. Rencontre.
Alice Zeniter  Frapper l'pope
Photo: © Lynn S. K / Flammarion

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En Nouvelle-Calédonie, l'autrice Alice Zeniter s'y rend en 2019 pour présenter son best-seller L'art de perdre. Un voyage promotionnel qui est, à l'époque, loin de faire germer en elle l'idée d'un roman. Comment souvent chez l'écrivaine, c'est l'histoire qui amène le mouvement littéraire ; en l'occurrence, celles des Arabes de Nouvelle-Calédonie.

En résulte un récit miroir à celui de L'art de perdre, qui s'en détache pourtant, notamment par sa forme renouvelée par les nombreuses réflexions de l'autrice sur ses propres mécanismes d'écriture. Dans Frapper l'épopée, Alice Zeniter ne se gêne pas pour casser le rythme du récit, flirter avec le fantastique, ou même prendre le temps de considérer ceux qu'elle appelle les “vivants non-humains” (comprendre : la faune et la flore) comme de réels personnages à construire et apprécier. De quoi susciter l'envie de la rencontrer le temps d'un long entretien pour évoquer son nouveau roman, donc, ses interrogations littéraires et ses envies futures.

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Rencontre avec Alice Zeniter, autrice de Frapper l'épopée

Vogue. Débutons par le temps de la publication : Frapper l'épopée fait suite à Toute une moitié du monde, un essai sur la littérature paru en 2022. Comment ses réflexions ont-elles nourri votre retour à la fiction ?

Alice Zeniter. Dans l'essai, je réfléchissais beaucoup à la théorie littéraire, aux formes classiques et comment en sortir, à la question de l'héroïsme aussi, que je posais en ces termes : peut-on suivre des histoires dont les personnages ne sont pas des héros ? Je me pose également la question des vivants non-humains dans un récit, c'est-à-dire des animaux, de la végétation. Cela s'applique très clairement à la Nouvelle-Calédonie, un territoire colonial, et donc où se pose la question de ce qui est endémique et ce qui est invasif dans les espèces animales et dans les plantes.

Pourtant, lors de votre premier voyage en Nouvelle-Calédonie, loin de vous l'idée d'installer un roman sur le caillou…

En effet, j'y allais uniquement pour présenter L'art de perdre et non pour chercher des idées d'écriture. Sur place, j'ai découvert l'histoire des Arabes de Nouvelle-Calédonie, mais je n'ai pas pensé immédiatement que cela pourrait faire un bon sujet de roman. C'est une histoire très étrange, un ballet colonial très triste durant lequel on a déraciné des gens pour les amener là et qu'ils participent ainsi à chasser une autre population. L'envie d'écrire est venue pendant le premier confinement, alors que je lisais des livres ramenés de là-bas. Mon extérieur, à ce moment-là, n'existait plus ; j'étais enfermée dans ma maison. Je me suis alors aperçue à quel point ces Arabes envoyés au bagne avaient des provenances très proches de ma propre famille. J'ai eu une sorte de vertige, et l'envie de calmer ce vertige par l'écriture est arrivée à ce moment-là.

Était-ce difficile de revenir à la fiction après une telle pause ?

C'était facile parce que d'une manière, je me suis frustrée de la fiction en enchaînant Une fille sans histoire et Toute une moitié du monde, deux récits de fiction théorique. Écrire des romans, c'est l'un des immenses plaisirs de ma vie, c'est quelque chose qui me rend plus intelligente, qui m'aide à réfléchir à ma place dans le monde…

… plus que l'essai ?

J'ai l'impression qu'il y a quelque chose de plus complet dans le fait de pouvoir être tous les personnages à la fois, dans un roman. Les essais me poussent au bout de moi. Les romans m'arrachent de moi. Cette frustration dont je parlais m'a aidée à revenir au roman. En finissant Toute une moitié du monde, je bouillonnais. D'un autre côté, sachant que j'avais dit dans cet essai que je voulais trouver d'autres manières d'écrire, je me faisais une sorte de clef de bras pour ne pas refaire des choses que j'avais déjà faites ou re-déployer des modèles que je savais déjà efficaces. Je me posais des difficultés, mais j'en avais envie !

Frapper l'épopée contient de nombreuses similitudes avec L'art de perdre. Le succès de ce roman est-il écrasant ?

Parfois, oui. Je l'interprète beaucoup de mon point de vue de lectrice, et je comprends l'envie de vouloir relire un livre que l'on a beaucoup aimé. Sauf que relire un livre, ce n'est plus une rencontre. C'est toujours décevant. Une chose qui est difficile pour moi, en tant qu'autrice, c'est de penser que les gens vont être déçus si je ne refais pas L'art de perdre. Alors que si je le refaisais, je les décevrais aussi. Dans la relation très forte et très belle que les gens ont à ce livre, il y a le germe de la déception, toujours.

Avec Frapper l'épopée, vous flirtez avec le fantastique pour la première fois…

Ça vient du territoire sur lequel j'écris, dans lequel les croyances sur le souffle des ancêtres, sur l'esprit des vieux ou sur les endroits tabous sont ancrées dans le quotidien des gens. Ce que je trouvais fascinant, c'est que ce fantastique arrive dans des situations qui ne le sont pas du tout. Nous sommes aujourd'hui vous et moi dans un bar : vous pourriez me dire que vous avez fait désemboucaner votre maison sur les conseils de votre tante. Nous passerions ensuite à un autre sujet de manière tout à fait naturelle. La question des esprits que l'on dérange en marchant dans un trou d'eau est arrivée dans une conversation dans laquelle j'étais entrée par hasard en 2019 lors de mon premier séjour.

Photo : © Lynn S. K / Flammarion

Ce roman a été nourri par de nombreuses lectures académiques. Y en a-t-il eu d'autres ? Ou au contraire, avez-vous tenté de vous retirer de la littérature ?

Non, pas du tout. Durant les deux mois où j'écrivais en Nouvelle-Calédonie, ce n'était pas quelque chose que j'avais prévu, mais une librairie à Nouméa, Calédo Livres, vendait de la littérature exclusivement du Pacifique. Je me suis rendue compte que je ne connaissais pas la plupart des auteur·ices sur les étagères, originaires de Polynésie, de Nouvelle-Zélande… Lire ces livres, ça m'a déplacée. Dans les remerciements je parle des livres de Déwé Gorodey, une écrivaine et militante politique kanak que j'ai lue sur place. Il y a deux de ses poèmes qui apparaissent dans le livre, et je dois avouer que dans des étapes antérieures, j'en avais mis absolument partout ! Mon éditrice me disait de faire attention à la transfusion…

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Quels éléments de cette littérature vous semblaient complètement neufs ?

Il y a un rapport clairement différent à la chronologie des actions. On commence une histoire avec un personnage et d'un coup, il y a un saut de deux générations plus loin, avec cette idée que la généalogie du clan est une unité de récit et non une vie individuelle. La différence de cette unité de temps est très importante, et j'ajouterai aussi le statut d'une parole rituelle et poétique qui n'est pas du tout dans les canons du roman occidental. On peut trouver ça chez Gorodey mais aussi chez Chantal Spitz, une autrice polynésienne : les personnages se lèvent et parlent, et ce n'est pas toujours très clair pour moi, lectrice occidentale, ce qu'ils disent. C'est une parole qui est un peu mystique, qui charrie des choses plus larges que la situation présente et que tout le monde écoute.

Alice Zeniter - L'art de perdre

Dans un entretien accordé à Libération au moment de la promotion de L’art de perdre, vous dites ceci : “J'ai l'impression que L'art de perdre peut être l'aboutissement d'un premier cycle d'écriture. Que je vais entrer dans une deuxième phase, qui sera neuve, et qui est pleine de points d'interrogation”.

Et bien c'est toujours vrai. Mes questions sur la forme ont pris beaucoup de place dans le cycle d'après, notamment dans Comme un empire dans un empire qui est aussi très lié aux recherches qu'il y a dans Toute une moitié du monde sur la forme, sur l'absence de héros, sur les horizons d'attente créés par des situations assez neutres. Si je fais un montage en parallèle avec un jeune homme et une jeune femme, tout le monde se dit que le roman va être une histoire d'amour. Qu'est-ce qu'on fait si ce roman n'est pas une histoire d'amour ? À quel point c'est décevant ? À quel point est-ce que ça brise un contrat ? On fait une histoire dans laquelle il y a des messages mystérieux et possiblement menaçants qui arrivent à une personne, on se dit : enquête, découverte du coupable, résolution. Comment faire si cela échoue ? Si, comme très souvent dans la vie, on n'a jamais le point final de l'histoire ? Je pense que Frapper l'épopée fait partie de ce cycle d'interrogation sur la forme tout en me disant aussi que je n'ai pas fini de me débattre avec le fait que je suis un produit de l'histoire coloniale et que cela brasse beaucoup d'histoires différentes à plein d'endroits du monde. Il y a quelque chose là qui me brûle plus que d'autres sujets.

Comment s'est déroulé ce voyage en Nouvelle-Calédonie, celui qui a permis d'écrire Frapper l'épopée ?

Je m'y suis rendue à la fin de l'année 2022 et je suis revenue en mars 2023. J'ai fait du gardiennage de maison, ce qui voulait dire que j'avais une position d'intruse, bien qu'acceptée et contractualisée. Je me glissais dans la vie des gens, ce que l'on retrouve beaucoup dans ce que fait mon trio de personnages autour de l'empathie violente. Quelle est cette sensation d'être chez soi et pas chez soi à la fois ? Qu'est-ce qui suffit à créer du trouble ?

L'empathie violente, est-ce une invention de votre part ?

Oui ! Ça ressemble à ce que je veux de la littérature : le fait qu'un roman fasse vivre des expériences. Ce que l'on vit avec des personnages ça nous passe sous la peau de manière beaucoup plus intime que si l'on lisait un article sur un sujet et que ce mélange avec les personnages dure un peu plus longtemps que la simple lecture du livre. De fait, on a l'impression d'être concerné par une histoire qui jusque-là n'était pas du tout la nôtre. Je pense à L'Autre Moitié du soleil de Chimamanda Ngozi Adichie qui fait que d'un coup, la guerre civile au Nigeria, l'existence éphémère du Biafra, tout cela est devenu important et douloureux pour moi. J'ai l'impression d'avoir perdu des gens comme les personnages du roman qui se sont fait engloutir par cette violence. Dans Frapper l'épopée, le personnage de NEP dit qu'il ne suffit pas d'expliquer aux Blancs ce qui arrive aux autres. Ils le savent très bien. Il faut leur faire ressentir ce que c'est la dépossession. L'empathie violente est donc une forme physique de ce que je veux que la littérature me fasse quand je lis. Par ailleurs, quand on entend parler de la Nouvelle-Calédonie en métropole, c'est toujours au moment des explosions de violence. On l'a vu ce printemps. On peut alors se former des représentations d'un territoire explosif, où tout le monde est armé… Bien sûr que ces explosions de violence existent, mais l'archipel n'est pas fait que de ça. Il est fait aussi de beaucoup d'efforts de paix. Les accords de paix de la fin des années 1980 représentés par cette fameuse statue de la poignée de mains, c'est bouleversant. Imaginez un leader indépendantiste, Jean-Marie Tjibaou, qui a perdu une partie de sa famille et qui œuvre quand même pour la paix parce qu'il sait que le territoire ne peut supporter plus longtemps ces convulsions. La coutume du pardon dans la tradition kanak se fait parfois sur un temps très long après les offenses, mais qui reste une chose très douce et qui ressemble plus à de la justice réparatrice qu'à la guerre. J'avais envie de présenter cela par le détour fictif de l'empathie violente : quelque chose qui passe par le ressenti, qui n'est pas une agression physique et qui a pour but la réparation.

L'empathie est un mot qui revient dans vos différents textes. Serait-il le prochain grand sujet politique de notre époque ?

En effet, on sait que nos réactions empathique s'exercent d'abord envers des gens qui nous ressemblent, en termes de couleur de peau mais aussi d'âge, d'origine sociale, de genre… Le fait de pouvoir étendre ça et se trouver touché par ce qui arrive à une autre personne, c'est un acte beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît. Bien sûr, si quelqu'un nous demande si on peut ressentir de l'empathie pour un petit garçon, on va répondre par la positive ! Mais en réalité, les études cognitives montrent que non.

Dans Toute une moitié du monde, vous citiez Nicolas Bouvier qui disait “On ne peut pas écrire un bon livre sans se saigner presque à mort”. C'est l'opposé de ce que vous souhaitez accomplir en écrivant…

Tout cela appartient à une esthétique très viriliste de l'écriture dans laquelle je ne m'inscris pas du tout. J'écris beaucoup par désir, c'est un appétit. Et quand ça marche, quand l'écriture prend la forme que je veux lui donner, c'est un immense plaisir. Bien sûr, il y a des moments où c'est de l'artisanat sur une pièce un peu ratée et où c'est beaucoup plus laborieux. Mais non, je ne crois pas qu'il faille écrire ni dans la douleur, ni dans la honte, ni dans l'épuisement. Je ne crois pas à cette mystique qui veut que l'écriture soit une foudre divine et que l'on serait ainsi des vaisseaux trop fragiles pour l'accueillir.

Alice Zeniter - Toute une moitié du monde

Avez-vous été surprise par la Nouvelle-Calédonie ?

Il y a un rapport avec la possibilité de vivre dehors que j'ai trouvé particulièrement incroyable. C'est ce que j'essaie de raconter sur l'enfance de Tass qui partait au rivage sans prévoir de dormir dans une habitation en dur. Il y a des cours d'eau potable partout quand on sait où les trouver. On peut pêcher, chasser. Il n'y a pas de bêtes dangereuses dans les forêts, pas d'araignées venimeuses. Et plus on expérimente cette douceur, plus l'idée que des gens sont arrivés sur cette île en se disant : “c'est un paradis, nous en ferons un bagne” devient absurde.

En préparant un récit comme Frapper l'épopée, diriez-vous que vous prenez une position semblable à celle d'une étudiante ?

Je trouve ça tellement dommage que l'on se trouve facilement dans des vies où le temps d'apprentissage est lié à l'école. Ce n'est pas un retour à l'école, mais une volonté de tirer ce qui a été – et qui est encore – l'une des grandes richesses de ma vie : de prendre le temps d'apprendre des choses nouvelles. Se plonger dans un sujet pendant des mois et des années. Et ça c'est exceptionnel. Ça fait partie des raisons pour lesquelles je suis si contente de consacrer toute ma vie à l'écriture : toute une partie n'est pas de l'écriture !

Votre personnage principal est prof remplaçante, mais ce n'est pas vraiment sa vocation…

Ça vient d'un détail : à la fin de mon séjour en Nouvelle-Calédonie, c'était la rentrée scolaire. À ce moment-là, j'écoutais beaucoup la radio, où s'enchaînaient des spots de recherche de profs remplaçants. Un peu comme des publicités très énergiques. Je me suis alors demandée s'il existait une pénurie d'enseignants, comme en métropole. En tout cas, ça me donnait un métier réaliste pour un personnage dont la vie est marquée par les allers-retours, qui a une carrière un peu flottante. Une autre question m'intéressait : qu'est-ce qu'une prof non kanak peut comprendre de la jeunesse de deux adolescents kanak ? Qu'est-ce qui tient de la projection ? Qu'est-ce qui tient du modelage ? Mais elle est mille fois moins habitée par la transmission des savoirs et la pédagogie que je peux l'être en écrivant ce livre…

Ah oui ?

Il faut que je fasse un roman avec une partie de vulgarisation. Je ne veux pas que ce soit un objet exotique que les lecteur·ices d'ici lisent en trouvant cela charmant. Je dois apprendre un certain nombre de choses pour montrer ce quotidien.

Est-ce un équilibre difficile à trouver ?

Oui, toujours. Je sais que j'adore les narrations qui se suspendent pour avoir un exposé sur l'architecture, comme par exemple chez Victor Hugo, mais bien d'autres livres plus contemporains le font également. J'aime cette manière d'expérimenter des moments plus réflexifs et d'autres où la narration peut nous emporter à nouveau. Mais je sais que pour certaines personnes, ça peut être considéré comme un défaut.

C'est quelque chose que la critique vous a parfois reproché.

Ça demande que je fasse attention à mes dosages, mais aussi que je réussisse à montrer que je suis en maîtrise de la situation. Dire que ça n'est pas un défaut, que c'est ça que je propose.

Thomas, l'ex du personnage principal, est absent du récit. Son souvenir se dissipe vite, malgré une rupture amoureuse très récente. Ce qui fait écho à vos autres textes, où les histoires d'amour ne sont jamais réellement présentes, de Jusque dans nos bras à Comme un empire dans un empire en passant par L'art de perdre… Ça ne vous intéresse pas l'amour ?

Dans ma vie personnelle si, énormément ! Ça prend même beaucoup de place… Mais dans la fiction, j'ai lu tellement de livres où les personnages féminins existaient uniquement parce qu'ils étaient partie prenante d'une histoire d'amour que j'ai envie de raconter autre chose. Là, en l'occurrence, au début de la colonisation de l'archipel, le ratio de genre est complètement déséquilibré avec beaucoup d'hommes et très peu de femmes. Ces dernières ont donc été appelées en tant que ventres fertiles. Pour raconter cette histoire aujourd'hui avec énormément de personnages de femmes et beaucoup moins d'hommes, il fallait qu'elle ne soit pas du tout prise dans des histoires de couple ou de mariage, pour dire qu'elles sont mille autres choses que des ventres fertiles.

Auriez-vous pu écrire cette histoire avec un personnage principal qui soit un homme ?

Non, ça ne m'intéresse plus. J'ai pris conscience du fait que je répliquais des choses de la littérature que j'avais lues en lisant King Kong Théorie. C'est ce que j'explique dans Toute une moitié du monde. Mes personnages féminins étaient souvent pris dans des histoires d'amour, et j'écrivais des histoires de jeunes hommes blancs partis à la conquête de quelque chose, et généralement qui foire. Mais à partir du moment où je m'en suis rendue compte, j'ai réalisé à quel point c'était absurde : j'étais quelqu'un qui avait toujours manqué de représentations de gens comme moi et qui étais dans la position de créer ses représentations. Pourtant, je continuais d'écrire des personnages qui pour moi font littérature. Ce déclic survient en 2014 et à partir de là est née l'envie de créer des personnages que l'on avait jusqu'ici moins vus. Même si c'était très amusant d'être un homme le temps de la fiction, ça me faisait beaucoup rire…

Alice Zeniter - Frapper l'épopée

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