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Elevé aux carrés
Elevée dans le Tessin, en Suisse, et résidant aujourd’hui à Paris, Lisa Lubrini se rend régulièrement à Côme (Italie). C’est là que, depuis 2018, cette trentenaire fait tisser, imprimer et coudre des carrés aux motifs graphiques en sergé de soie, sous le label Aenéis. Initiée adolescente au tissage fait main, cette fille d’un éducateur et d’une institutrice a étudié le design de mode à Milan et à Londres. Après des stages chez Alexander McQueen ou Liberty of London et des expériences chez Hugo Boss ou Napapijri, elle finit par tourner le dos à ces grandes maisons. « J’étais démotivée et désorientée. On ne me parlait que de tendances à rattraper, d’échelle de production, de coûts et de marges », dit-elle.
A une échelle plus modeste, qui lui convient davantage, Aenéis puise son inspiration dans les fresques et les planches botaniques, l’œuvre d’architectes brutalistes ou abstraits, comme Richard Meier, ou de figures du Bauhaus, tel le peintre Josef Albers. « A vrai dire, j’ai découvert Albers par sa femme, Anni Albers, designer textile. J’aime son approche minimaliste et son usage unique de formes basiques et géométriques. Des carrés, des rectangles, vous en voyez chaque jour sans y porter attention… Lui parvient à les utiliser dans des compositions subtiles qui impriment votre imaginaire. » La série de zincographies (lithographie sur zinc) Graphic Tectonic, qu’Albers entreprit en 1941, a ainsi nourri un carré jouant sur la rigueur et l’illusion d’optique.
« J’avais d’abord dessiné, au crayon puis sur tablette, deux carrés blancs tout en lignes. J’en ai ajouté un troisième, noir, pour les mettre en valeur » sur un fond en teinte dite « biscuit », mix de crème, noir et beige. « Il a fallu de nombreux essais pour faire cohabiter les couleurs, puis trouver la bonne épaisseur des traits et des bordures afin que l’impression soit nette et riche à observer. Autant lorsque le foulard est déplié que lorsqu’il est noué. » V. Pé.
L’Italie dans son assiette
Chaque grande maison des arts de la table italienne raconte, avec une signature bien à elle, un savoir-faire, un style ou un ancrage régionaux. Ginori 1735, par exemple. Le porcelainier florentin presque trois fois centenaire anoblit les tables de la Botte et d’ailleurs avec ses splendides collections, notamment la ligne Oriente Italiano, qui mêle motifs d’un jardin d’Orient et tonalités pastel. On peut lui préférer, dans la même maison, l’esprit plus contemporain – même si l’inspiration lorgne du côté de l’art gréco-romain – d’Il Viaggio di Nettuno, une sélection de pièces imaginées par le designer britannique Luke Edward Hall.
Changement de décor avec la marque toscane Popolo qui signe A Tavola !, une collaboration haute en couleurs d’assiettes bavardes, en français ou en italien dans le texte, avec la cheffe romaine Eleonora Galasso. En anglais, cette fois, des messages malicieux comme (« Je t’ai vue pleurer dans la discothèque », ou « Mieux vaut être en retard que moche ») sont peints à la main par l’artiste Gabriella Ferrazzano (Musæ Studio), sur des assiettes qu’elle modèle, vendues sur le site de Ta-Daan, un collectif milanais qui fait la part belle à l’artisanat revisité.
D’humeur plus bourgeoise, la boutique en ligne de Cabana, revue d’art de vivre à l’italienne fondée par Martina Mondadori, a sourcé des assiettes en céramique fabriquées à la main en Ombrie et animées de rayures transat vertes, jaunes, orange, roses ou bleues. Dans ce registre de céramique multicolore, Emporio Sirenuse commercialise des bols et des assiettes fabriqués par des artisans amalfitains, quand la céramique mouchetée typique des Pouilles est disponible sur le site de Bottega Egnazia. Mais les Transalpins n’ont pas le monopole de la vaisselle d’inspiration italienne. Le Grassois Fragonard rend hommage à « Un été sicilien », à travers sa collection d’assiettes en porcelaine fine imprimées d’illustrations évoquant Palerme ou Catane, à prix doux comme une brise méditerranéenne. S. Mai.
Beau ténébreux
Dans l’univers de la joaillerie, tout en « éclat », « transparence » et « pureté », l’onyx cultive sa différence. Car, si certaines variantes – blanche, grise, verte ou orangée – existent, c’est surtout dans sa version d’un noir profond et opaque que les maisons de la place Vendôme emploient cette gemme de la famille des calcédoines. L’onyx, serti sur des camées dès l’Antiquité, était indiqué pour composer des bijoux de deuil, notamment outre-Manche, à l’ère victorienne. Dans les décennies 1920 et 1930, il monte en gamme. A Paris, Cartier en fait un élément récurrent de son vocabulaire : cette pierre borde l’or blanc sur des clips et des broches rigoureuses, ou figure les taches d’une panthère. Aujourd’hui, la maison de la rue de la Paix continue de le marier à l’or et aux diamants, recette également suivie chez Van Cleef & Arpels. Dior, de son côté, l’oppose à de la nacre, tandis que Repossi, dans un esprit plus radical, le confronte à d’autres matériaux tout aussi sombres, comme de l’or rendu noir – en le plongeant dans un bain de ruthénium – ou du titane. V. Pé.
Secrets d’alcôve
Depuis 2018, les spécialistes du design Valentina Ciuffi et Joseph Grima bouleversent le Salon du meuble de Milan en exposant, dans le cadre de leur foire Alcova, plusieurs dizaines de designers émergents, éditeurs et institutions dans des lieux hors norme – ancien hôpital, usine de panettone, abattoir… Ils prolongent désormais la manifestation à travers une boutique en ligne, où sont proposés lampes, tables, miroirs, vases… de 70 à 11 000 euros. Des objets de collection en petites séries signés de créateurs confidentiels qui questionnent la notion de bon goût. On y découvre d’étonnantes sculptures en céramique signées Hannah Lim, des boîtes d’inspiration anglo-chinoise à l’esthétique manga, Elements, une lampe signée Adrian Cruz en résine multicolore translucide tout droit sortie d’une discothèque de Floride, ou un fauteuil d’Holloway Li en fibre de verre et tissu orange aux lignes seventies gonflées. Une photographie audacieuse de la création contemporaine. M. God.
Un bouquet de garrigue
La Provence, spontanément considérée comme un océan de rosés, cache pourtant une production de grands vins rouges (environ 10 %) qui n’ont rien à envier aux appellations bordelaises et bourguignonnes. Au Château des Sarrins, sur la commune de Saint-Antonin-du-Var, les vignes s’épanouissent sur des sols calcaires au milieu d’une garrigue riche en espèces végétales. Quand on goûte sa cuvée Rouge secret 2018, issue de cinq cépages, on retrouve tous les parfums de son paysage : thym, sarriette, romarin, verveine, lavande, cyprès… Ce côtes-de-provence est une invitation au voyage sur ses terres. Et quand le rouge de Méditerranée côtoie la mer de plus près, comme à Cassis, il se pare d’arômes iodés et salins irrésistibles. Provenant de vieilles vignes de plus de 60 ans, la cuvée Marquis de Fesques, du Domaine du Bagnol, en est un exemple éblouissant. L. G.
Tambour battant
Après avoir célébré, en 2022, son vingtième anniversaire par un beau livre paru chez Thames & Hudson, la Tambour, montre phare de Louis Vuitton, entame sa mue. Peu à peu, 80 % de l’offre existante de cette gamme va disparaître pour attirer des collectionneurs plus érudits. Dans sa nouvelle version, le modèle affiche une couronne moins épaisse (passée d’environ 13 millimètres à 8,3 millimètres), un bracelet intégré en métal, un mouvement inédit trois aiguilles (à remontage automatique), des aiguilles luminescentes et une mention en français à l’esprit vintage sur le cadran : il n’est ainsi plus écrit « Swiss Made » mais « Fab. en Suisse », comme sur certaines montres des années 1940 à 1960. Une recherche de raffinement autant qu’une démonstration de puissance industrielle allant de pair avec une hausse de prix. La Tambour, en acier, en or jaune ou en or rose, se décline aussi, comme ici, en version bicolore. V. Pé.