Parmi les techniques d’émaillage utilisées en joaillerie, celle dite du plique-à-jour, apparue dès le IVe siècle, constitue l’une des plus raffinées et des plus spectaculaires. Composé de « plique » (probablement issu du verbe appliquer) et d’« à-jour » (ajourer), le terme désigne le remplissage, par de l’émail, d’alvéoles métalliques creuses d’un bijou – alors que d’autres techniques d’émaillage se pratiquent sur une structure métallique close, avec un fond. Comme s’il s’agissait, en somme, de colorier avec une infinie délicatesse dans les interstices d’une dentelle…
Une fois terminée, la pièce émaillée se laisse traverser par la lumière, à la manière d’un vitrail. « C’est là toute la poésie du plique-à-jour. D’apparence, cette technique séculaire peut sembler un brin vieillotte, mais elle émerveille à chaque fois. Lorsque les gens ont une médaille en main, ils observent ces jeux de translucidité et s’amusent à la faire tournoyer », constate Camille Toupet, directrice artistique depuis 2018 d’Arthus-Bertrand, maison dont les médaillons en rosace sont fabriqués dans ses ateliers de Saumur (Maine-et-Loire) ou de Palaiseau (Essonne).
Pour parvenir à ce résultat, le professionnel saisit généralement le bijou (en or ou en argent) à l’aide d’une pince, le maintient dans le vide et commence à émailler ainsi, « à la volée », emplissant une à une les alvéoles à l’aide d’un pinceau. « Tout l’enjeu est de doser la présence de l’humidité, explique Marie Oberlin, émailleuse et professeure à l’Ecole des arts joailliers, à Paris. Le pinceau peut ajouter de l’eau ou en retirer à la façon d’une éponge, le risque étant qu’un trop-plein d’eau fasse tomber l’émail sous l’effet du poids. » Chaque couche d’émail – jusqu’à cinq ou six, selon l’épaisseur du bijou – est chauffée au four à plus de 800 degrés.
Si, en France, Limoges demeure la place forte de l’émaillage, le manque actuel d’artisans experts explique la rareté du plique-à-jour dans les collections contemporaines, contrairement à celles du XIXe siècle, quand la technique était en vogue. Charles Riffault, signature de la discipline, aidera Boucheron à s’en doter dans les années 1860, avant que l’Art nouveau ne le consacre, chez Lalique ou Vever, dans des pièces figuratives – magnifiques libellules ou fées majestueuses.
« Cette technique requiert du temps, de la douceur et des tests préalables pour trouver les bonnes couleurs, détaille Marie Oberlin. La commande, pour un émailleur, est généralement de reconstituer la teinte qui vous est indiquée à l’aide d’un nuancier Pantone ou d’un gouaché. Or, pour s’approcher au plus près de la couleur souhaitée, il faut anticiper la translucidité qui en modifiera la perception, en se demandant notamment si le bijou sera plaqué ou non contre la peau. » Fragile, risquant d’être cogné et de se briser s’il est employé sur une bague ou un bracelet, le plique-à-jour sert généralement à colorer d’autres bijoux moins soumis aux heurts, tels que les médaillons, les broches ou les boucles d’oreilles.