Régulation des urgences pédiatriques : « Les parents sont nos yeux, nous devons leur faire confiance »

Pour répondre aux tensions sur les effectifs hospitaliers, les urgences pédiatriques font désormais l’objet d’un « accès régulé » en Charente-Maritime. Après 20 heures, les usagers doivent composer le 15 avant d’être orientés vers les hôpitaux de La Rochelle, Rochefort ou Saintes.

La salle de régulation du Samu Centre 15, située au coeur de l'hôpital de La Rochelle (Charente-Maritime), centralise tous les appels au 15 dans le département, dont ceux dédiés aux urgences pédiatriques. LP/Fabien Paillot
La salle de régulation du Samu Centre 15, située au coeur de l'hôpital de La Rochelle (Charente-Maritime), centralise tous les appels au 15 dans le département, dont ceux dédiés aux urgences pédiatriques. LP/Fabien Paillot

    Depuis le 26 juin 2024 et jusqu’au 15 septembre prochain, les urgences pédiatriques font l’objet d’un « accès régulé » en Charente-Maritime, tous les jours entre 20 heures et 8 heures le lendemain. Autrement dit, durant cette plage horaire, les usagers doivent désormais composer le 15, pour être orientés vers les hôpitaux de La Rochelle, Rochefort ou Saintes. Seules les urgences vitales restent directement prises en charge : il n’est pas question de laisser un enfant en détresse à la porte des urgences pédiatriques.



    Pour les autres cas, assistants et médecins régulateurs – urgentistes et libéraux – se relaient depuis une « salle de régulation » pour répondre aux appels et orienter les patients vers la solution la plus adaptée, qu’il s’agisse d’une admission aux urgences ou d’une consultation chez un généraliste.

    Conséquence d’une « tension sur les effectifs »

    Validée par l’Agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine et les différents hôpitaux du département, l’instauration de cette régulation est liée aux « tensions sur les effectifs de pédiatres, amplifiées par l’activité estivale », notent-ils dans un communiqué conjoint. Les options qui permettaient jusque-là de « soulager les équipes ne suffisent plus » et auraient pu affecter « la prise en charge des enfants hospitalisés, des activités des maternités et de la néonatalogie dans les conditions optimales de sécurité et de qualité ».



    En pratique, le risque était de voir « fuir vers un exercice libéral, en cabinet » des professionnels de santé épuisés par l’ampleur de la tâche et le manque de renforts les soirs et week-ends. La fermeture récurrente des urgences pédiatriques de Saintes n’aurait d’ailleurs fait qu’accentuer le problème et surcharger les autres urgences pédiatriques. « Le risque était de perdre les pédiatres de Rochefort, et même de La Rochelle », confirme le docteur Sophie Perrotin, responsable du centre de régulation du Samu, installé au cœur de l’hôpital de La Rochelle.

    Ce plateau technique centralise tous les appels émis en Charente-Maritime et a pour objectif « de décrocher dans la minute dans 99 % des cas ». Des assistants de régulation médicale dressent immédiatement un premier diagnostic. « Leur rôle consiste à dépister l’urgence vitale », explique le docteur Sophie Perrotin. Les appelants sont ensuite orientés vers un médecin urgentiste ou un médecin généraliste en fonction des besoins. Un tiers des appels relève réellement d’une urgence.

    Des « critères clairs et non discutables » pour protéger les services

    Les écrans présentent en permanence une carte du département, pour localiser les appels et déterminer la meilleure solution. Tout se joue en quelques minutes et doit concourir à limiter « la perte de chance » des personnes en détresse. « Régulateur, c’est une profession à risque. Mais aucun d’entre eux n’a envie de prendre des risques », résume le docteur Sophie Perrotin. Comment dès lors, déterminer qu’un enfant peut accéder aux urgences et d’autres non ?

    « Nous essayons de prendre de la hauteur, d’utiliser des critères clairs et non discutables. Un enfant qui présente une très forte fièvre, un risque hospitalier ou des signes de détresse sera immédiatement pris en charge », détaille le docteur Serge Beneteaud, qui officie ce jour-là en tant que médecin régulateur urgentiste. Il n’hésite pas à associer les appelants, ou à demander une photo pour affiner son diagnostic : « Les parents sont nos yeux, nous devons leur faire confiance. Et le doute profite toujours aux patients ».

    Reste l’incompréhension des parents bloqués devant la porte des urgences pédiatriques, à qui l’on explique qu’il faut d’abord composer le 15 avant de soigner leur enfant. « Lorsqu’ils se déplacent, il est très difficile de leur faire entendre raison », reconnaît le docteur Sophie Perrotin. « Mais nous devons protéger nos services de pédiatrie. Pour les préserver, nous devons trouver le juste soin et placer le bon patient au bon endroit. »

    La responsable espère que « la pédagogie auprès de la population » permettra d’ancrer de nouveaux réflexes. L’accès régulé aux urgences pédiatriques sera en effet « réévalué » mi-septembre, et pourrait perdurer, comme dans d’autres régions françaises.